ce qu’on rapporta jusqu’ici en donne les plus fausses idées. Il est surprenant
que des lieux si dignes de célébrité, et qui sont au nombre
des plus fréquentés depuis vingt-cinq siècles par tous les navigateurs
de la Méditerranée , soient tleiucurcs si mal connus.
Ce que je connais de meilleur sur Navarin et sur son port, se trouve
dans un ouvrage déjà ancien et peu connu de Bellin1. Cet ingénieur de la
marine paraît avoir eu d’assez bons renseignemens sur divers points de
l’Adriatique et de la Mtfrée. « De Prode (Prodano) à Navarin, y est-il dit,
« 011 compte quatre lieues au sud. Navarin est le plus beaù port qu’il y
« ait à ces côtes; il est très-grand et très-sôr, sa figure à peu près
« ovale, ayant à peu près une lieue et demie de longueur, et une
« lieue un quart de largeur, fermé du côté de la mer par une île
« (Sphactérie) qui a une lieue et fin quart de long, très-peu de largeur,
et assez élevée; Pentrée est du côté du sud, entre un cap sur lequel
« est bâtie la ville et forteresse qu’on nomme le nouveau Navarin, et
« plusieurs petits écueils qui sont proches de la pointe du su(| de l’île
« (ceux qui sont figurés dans la vignette du présent chapitre). Cette passe
« peut avpir une demi-lieue de largeur; pour y entrer il faut ranger
« la côte de la ville à petite portée de canon, on y trouve cinquante
« brasses d’eau; lorsqu’on est en dedans on peut mouiller partout où
« l’on veut, y ayant trente, trente-cinq ou quarante brasses du côté
de l’île; mais le meilleur mouillage est à une encablure ou deux de
« distance du petit écueil ou îlot, qui est à peu près au milieu du
port. Ce mouillage est par dix-huit ou vingt brasses ; on mouille aussi
« entre cet écueil et la terre, on y trouve neuf, si», cinq et quatre
'«-brasses d’eau. L’entrée est défendue par le canon du fort et de la
« ville. Au fond du port, et du côté du nord, est le vieux Navarin,
« ville fort ancienne, nommée Zunchio, connue aussi sous le nom de
PiluS et de Coiyphasium, bâtie sur une hauteur escarpée qui n’est
« que roche, dont la pente va se perdre à la mer. Cette ville est en
« assez mauvais état aujourd’hui, il y a derrière elle un étang assez
« considérable qui communique avec le fond du port par un canal fort
Descriptiorf^ographique du golfe de Venise et de la Morée, in -4.° Paris, Î771.
« étroit; ce qui rénd les environs fort malsains; il y a aussi un passage
« fort mauvais entre le cap sur lequel le vieux Navarin est bâti, et la
« pointe du fiord de l’île (SpKactérie); aussi n’est-il d’aucun usage si
* ce n’est pour quelques bateaux du pays. Le nouveau Navarin est
« mieux fortifié et plus peuplé que le vieux. Le fort qui est au-dessus
« de cette ville fut bâti par les Turcs en 4752, etc. *
Deux cartes, une vue et un plan sont joints à cette notice. Dans .le
plan le pourtour des murs est très - exactement figuré, ces murs sont
demeurés les mêmes, la citadelle seul# a* changé de forme par l’explosion
d’un magasin à poudre, dont je parlerai vers la fin de cette
relation, et par les travaux fort bien entendus de M, le lieutenant-colonel
du génie français, Audoy; dans la vue, le profil des mêmes lieux pris
du sud-ouest a quelques rapports avec la réalité; dans les cartes enfin
(pl. 56 et 37) tout est à sa place, et c’est là seulement qu’on trouvait
indiqué avant la publication de la carte de Gell, qui le marque aussi, le
petit port du vieux Navarin, peut-être celui où se retirait la flotte du
roi Nestor, que M. Pouqueville a signalé comme une vallée (soup le
nom de vallée des Boeufs), et quelques cartes comme un village, enfin
ce BojioKothw, si remarquable par sa forme régulière, et dont on trouvera
la vue dans la planche XI de notre atlas.
Il paraît qu’au temps où Bellin publia son livre, le vieux Navarin
n’était pas encore tout-à-fait désert ; on verra par la suite qu’il y existe
quelques traces d’enclos de jardins assez récemment abandonnés, mais
seulement dans les parties inférieures des pentes de la presqu’île dont
l’antique citadelle occupe le sommet; car celle-ci est dans un état de
ruine complet, qui doit dater des premières années du dix-septième
siècle. Les ouvrages des Turcs au nouveau Navarin sont plus anciens
que ne le disent Bellin et autres, puisqu’on lit dans le voyage du
baron de Beauveau en 4604 : « Navarin, un dès plus beaux ports
« du monde, est défendu par deux châteaux, l’un, le vieux Navarin
« sur une haute montagne, fut assiégé de la sainte Ligue, en 4572;
« il tient une des entrées qui depuis ce temps lui a été bouchée, en
« telle sorte, qu’à présent il n’y saurait passer que de petites barques,
« mais sur la grande entrée plusieurs grands vaisseaux peuvent passer