d’oliviers. La côte d’Italie se montrait plus distinctement qu’elle ne
l’avait fait encore; mais elle disparut de nouveau, lorsque, voulant
nous diriger sur Montécristo, nous fûmes repoussés sur Pianosa. On
s’approcha beaucoup plus de cqtte île qu’on ne l’avait fait une première
fois; aussi j’y distinguai mieux les rochers en forme de tours qui
m’avaient paru flanquer ses extrémités. L’un d’eux semblait s’y réunir
par une série de grosses pierres plantées comme des bornes, et dont la
disposition me rappelait ces cônes en terre qu’on laisse dans les fouilles
comme témoins pour justifier de la profondeur à laquelle on a creusé.
Pianosa s’étendait évidemment en longueur du nord au sud environ
une bonne lieue, toujours très-basse, rocailleuse, surtout au bord
de la mer, où l’on apercevait quelques traces de plage en divers endroits.
L’intérieur était assez verdoyant et je suis tenté de croire qu’il
y existe de véritables prairies aux mois où le soleil n’y a point dévoré
toute végétation. On y voyait aussi des buissons élevés que par leur
teinte je jugeai être formés d’oléastres, d’alaternes, de myrtes, de len-
tisques, peut-être d’arbousiers et de ces petites espèces de chênes qui
ne perdent pas leur feuillage : on eût dit la végétation des côtes de
Provence.
Quand l’empire français s’étendait sur les côtes voisines, quelques
paysans vinrent s’établir à Pianosa, y creusèrent ¿es citernes qu’on y
reconnaît encore, et plantèrent des jardins où les légumes de la meilleure
qualité réussissaient à merveille; plus tard l’empereur Napoléon,
lorsque Porto-Ferraïo était sa capitale, y fit mettre au vert quelques
chevaux : l’on trouve près de la mer une jolie petite maison blanche,
qui avait été bâtie par ses ordres à l’usage des palefreniers chargés de
o-arder ces animaux. On y voit aujourd’hui un petit fort, près duquel
nous passâmes, et sur ses mauvais remparts je distinguai deux pièces
à barbettes, une cloche montée sur de longs ais de bois, le pavillon
toscan, et trois ou quatre soldats composant, à ce qu’il paraît, toute la
garnison. Une grève au fond d’une petite anse paraissait devoir servir
de débarcadaire; on distinguait aux alentours quelques cultures, et un
peu à gauche comme des ruines d’une-tour qui me, sembla avoir été
taillée dans le roc; j’y crus reconnaître une fenêtre qui n’était peut-être
qu’un trou naturel ; comme on en voit à travers les montagnes affreuses
qu’on range pour entrer dans la rade de Marseille, en y venant par le
coté de l’est le long de la côte.
On eût dit que la Cybèle ne pouvait sortir d’entre les îles d’Elbe
et Pianosa, contre lesquelles nous semblions être attachés, quand on
parvint pendant l’après-midi à doubler la dernière, contre le cap sud
de laquelle nous passâmes presque à portée de fusil; nous y reconnûmes
une seconde écurie impériale, et c’est au moment de^ nous en éloigner
définitivement que je vis le prolongement de la côte, toujours basse,
fuir aü loin vers le nord-ouest, ce qui me fit juger que l’île est presque
carrée dans sa partie méridionale. La nuit fut d’une parfaite tranquillité
et presque chaude ; dans la matinée du 16 nous approchâmes à
deux mille mètres tout au plus de cette île de .Montécristo, qui fatiguait
nos regards depuis vingt-quatre heures.
Montécristo (YOglosa des anciens) est un sommet de six cent quatre-
vingts mètres de hauteur, dont les pentes sont brusques, fracassées et
dépouillées de verdure. On distingue cette île de fort loin; on assure
qu’il s’y trouve beaucoup de lapins et de*chèvres sauvages ; il y existe
une fontaine située au fond d’une grotte de la partie du sud-ouest, et
près de laquelle on voit des traces d’habitations qu’on dit avoir été celles
de malheureux trappistes; du côté opposé gisent les ruines d’un couvent
et plusieurs citernes, non loin desquelles se trouve, au nord-ouest,
la cale par où l’on jfeut débarquer sans danger. L’un des officiers de la
Cybèle y était autrefois descendu et il nous raconta que des habitans
de la côte la plus voisine d’Italie viennent de temps à autre y faire des
parties de chasse, qui ne sont pas toujours exemptes de danger, parce
que des écumeurs de mer fréquentent le même rocher, dont la circonférence
est de trois quarts de lieue tout au plus et l’accès ordinairement
si difficile, qu’on n’est pas tenté de les y poursuivre. Montécristo est
calcaire; sa couleur est blanchâtre, avec des teintes ferrugineuses aux
endroits que n’ombrage point un peu de végétation noirâtre.
Le faible vent qui s’était élevé vers midi étant absolument contraire,
il fallut mettre le cap à l’est, en se résignant à faire la moins
mauvaise route possible, et nous fûmes portés sur Giglio (l’antique