de Lambesc, s’entendant bien à mener une hôtellerie, lui avait procuré
assez de fortune en deux ans, pour qu’il songeât Arevenir au lieu de
son berceau, quand la révolution de Bolivar le ruina et le força defuir,
n’emportant de tout ce qui lui était tombé du ciel (c’était son expression)
qu’un nouveau né. Jeté à New-York, il>y mourait de faim avec
un enfant de plus, quand se forma le Ghamp-d’Asyle, ou il se rendit;
après la ruine de cette colonie il vint à Ténériffe, ou, toujours par les
soins de sa femme alerte, un petit café qu’ils avaient ouvert, commençait
à s’aehalander, lorsque les mouvemens insurrectionnels, qui éclatèrent
aux Canaries par suite de la révolution avortée en Espagne, et dans
lesqùèls notre nomade se trouva compromis,.l’obligèrent à profiter d’un
bâtiment que le hasard dirigeait sur les échelles du Levant, pour quitter
Sainte-Croix avec un troisième enfant. S’étant mis en route pour Rio-
Janeiro, qu’il ne vit jamais, il arriva ainsi en Grèce, où il n’avait
pas conçu le projet d’aller. Smyrne, ou le sort le poussa, ne lui fut pas
une terre plus hospitalière que les autres ; aussi, dès qu’il apprit l’occupation
de la Morée par ses compatriotes, il s’empressa d’y accourir.
« Cette fois , disait-il, le bonheur m’a regardé; dans un an j’aurai gagné
« assez pour que, si le débit continue, je puisse réaliser les moyens de
« retourner à Marseille avec ma femme, qui vient de me donner encore
« un héritier. 11 estsjemps que les deux aînés-apprennent à lire, et
« que je leur donne de l’éducation; outre que, si ma femme me doit
« faire un dernier rejeton, je veux, enfin, qu’il soit Français. J’ai honte
« de lui voir un Américain du Nord, un Américain du Sud, un Afri-
V cain .des Canaries, avec un Asiatique, sans un Provençal ! ”
L’encéinte du nouveau Navarin ne possède ni puits ni sources. L’aqueduc,
dont on voit une partie dans notre planche YII, et duquel
nous ne tarderons pas à suivre le cours, pour en visiter la prise principale
, y fournissait autrefois d’excellente eau, et date du temps des
Yénitiens, mais il est maintenant tout délabré; comme en cas de siège
cette ressource pouvait être coupée, de nombreuses citernes*, dont pas
une aujourd’hui ne'se trouve en état, suffisaient à la conservation deja
pluie nécessaire; il ne s’agit que de tés réparer. Quant à la ville basse,
on n’y trouvait d’eau qu’au puits dont j’ai jiarlé en y arrivant (p. 54),
et dont les,pourtours ont été pavés et décemment accommodés depuis
mon départ. Ce puits, qui ne fournit pas une boisson très-agréable*,
a, dit-on, été creusé lorsque les canaux d’une fontaine voisinefdont
1 époque de la fondation n’est indiquée par aucune inscription, ont été
brisés. Cette fontaine date probablement du temps dès Yénitiens; et
na rien de remarquable que le mauvais goût de sa forme mesquine;
elle est comme appliquée ëôntre des rochers brûlés du soleil et chargés
de poussière noirâtre, oii, lors même qu’elle était alimentée, la moindre
verdure n’aurait pu croître pour en parer les alentours. On assure qu’elle
est ce qu’on a voulu représenter, en regard de la page' 74 du tome YI
dun voyage de la Grèce, sous le titre de Fontaine de constructiôn antique
à Pylos. Je ne saurais l’y reconnaître. Je n’ai rien trouvé; soit à
Pylos,'“soit à Navarin, qui ressemblât à cette prétendue construction antique.
La vignette qui termine le présent chapitre, oii M. Delâunay a figuré
ce que nous avons vu, avec les Grecs qui vendaient des guenilles, ainsi
que du poisson salé, sur les dalles d’un bassin poudreux, en donnant la
plus juste idée du site, détruira celle qu’en pourraient faire prendre des
représentations trop embellies, ou l’on essayerait de métamorphoser en
monument de quelque intérêt un grossier^mas de pierres, indigne qu’on
lé mît en parallèle même avec la moindre borne-fontaine de nos rues.
En quittant, pour sortir de Navarin, le puits saumâtre et la fontaine
sans eau dont il vient d’être parlé, nous passâmes devant le débarcadaire,
tout près de l’hôpital militaire, construit un peu au-dessus du niveau
delà mer, à la base des monts calcaires qui dominent la baie par ce côté;
nous prîmes le chemin dit deTripolitza : ce chemin est également-celui de
Messène, de Calamata par Nisi, en un mot, le plus direct pour se rendre
du versant de la baie dans celui du Pamisus , par la forêt de Roubeh.
R s’élève sur des pentes oii circule l’aqueduc, que nous trouvânïes la
plupart du temps à fleur de terre et très-dégradé. L’adiantlie capillaire,
qui est la fougère dominante sur les murs humides dans le bassin méî
« L’eaugénéralement assez mauvaise à Navarin, devient détestable dans le temps des pjuies»
« elle est alors r^pgeâtre et très-épaisse.» L’auteur de l’Histoirp médicale de l’armée française en
Morée, de qui^ous empruntpris ce^témoignagk, ajoute, (p. 83) que le bouillon,-le pain et les
tisanes qù’on donnait aux malades së ressentaient des modifications nuisibles qu’éprouvait cette eau.