malheur, vint y aborder1 ; à la première nouvelle de son arrivée, Yille-
hardouin accourut à sa rencontre, et lui rendit les honneurs dûs à
sa qualité d’empereur. Baudouin était fort pressé de passer en Occident,
où il espérait recevoir de la chrétienté les secours nécessaires
pour ressaisir sa couronne. « Il alla d’abordj*dit M. Buchón9, trouver
« Manifroi, roi de Sicile, puis il visita le pape Urbain IY et S. Louis;
« errant ensuite dans toutes les cours de l’Europe pendant plusieurs
« années. Après avoir inutilement sollicité des secours, qui ne vinrent
« jamais, et promené sa misère, il mourut en l’an 1272, à l’âge de
« 57 ans. * Ainsi finit plus d’une fois la légitimité. Cependant divers
chevaliers et sergens de la suite impériale s’établirent en Morée; «le pre-
« mier était le sire Anceau de Tourcy, maréchal de Romanie, homme
« expert qui savait le turc.” Il a été déjà question de lui au sujet d’Arcadia
(p. 259). Sous Guillaume Kalamatis, il fallut que le célèbre seigneur
de Carithène fit, pour remplir les clauses d’un traité désastreux,
la remise de Monembasie, de Mistra et du fort de Mayni, à l’empereur
grec; de cette époque date la grande célébrité de la cathédrale de
Monembasie, où l’archevêque me conduisit pour m’en faire voir les
Marbres et la beauté : elle avait été investie de grands privilèges par
Andronic ; et plusieurs de ses prélats ont été des hommes distingués
par leur érudition. Yers ce temps on commença à désigner la ville sous
les noms de Marmésia, de Malvasia et de Napoli de Malvoisie.
C’était depuis long-temps un préjugé répandu dans toute l’Europe,
que les coteaux voisins, couverts de pampres, produisaient la meilleure
Malvoisie possible; sur la réputation de ces vignobles, au temps de la
domination vénitienne, on était venu y chercher du plant pour en
enrichir Madère et les Canaries. Un missionnaire jésuite, dans sa correspondance
avec le père Fleuriau3, rapporte, «qu’en voguant sur les
« mers levantines, il découvrit Malvoisie, qu’on assure être la meilleure
« place de Morée, située au pied d’un grand rocher, et que la côte
« orientale produit cet.excellent vin dont le nom seul fait l’éloge...
La Guilletière4, dont M. de Pouqueville a copié textuellement tout ce
i . Et non pas à Négrepont, comme on l’a imprimé quelque part. — 2. Chronique, p. to o .—
3 . Lettres édifiantes, t. I.er, p. 3 o i et suivantes. — 4 * Lacédémone ancienne et moderne, p. 5yg.
qui concerne le canton, en oubliant de marquer par des guillemets la
moitié de ses emprunts, dit: «qu’à trois lieues de Malvôisia ou Mo-
« nembaze, on commence à trouver ces Yignes fameuses qui rappor-
« tent les excellens clairets que nous appelons vins de Malvoisie; elles
V s’étendent le long des côtes de la mer, etc.” Croirait-on, après des
assertions si positives, que non-seulement il n’existe peut-être pas un seul
pied de Yigne dans le pays, mais que sur ces coteaux, qu’on disait en
être couverts, il ne se trouve seulement pas de terre qui produise un brin
d’herbe. En les parcourant, je doutai même qu’ily ait jamais eu la moindre
treille. Si ces lieux eussent été dignes de célébrité par leurs vendanges,
et quand les eaux pluviales n’en avaient point encore emporté le sol ,
l’antiquité y eût révéré Bacchus et non le dieu de la médecine ? Quelques
ceps y persisteraient en témoignage au moins dans les jardins; et l’on n’y
serait pas réduit aujourd’hui, pour manger du raisin ou boire dû krassi,
à tirer l’un et l’autre d’Astros ou de Santorin. Je recherchais les causes
de la réputation de richesse et de fertilité et qui m’avait fait accourir
à Monembasie dans l’espoir d’y trouver des secours et du bien-être,
quand mon interprète tomba malade, ce qui m’ôta les moyens d’investigation;
il fut suivi en peu d’heures d’un second sapeur et de mon valet
de chambre Yillars. Dans la journée du 8, Brullé et moi demeurions
seuls en assez bonne santé; Boblaye, à qui restaient également les forces
nécessaires pour supporter les fatigues d’un voyage à dos de mulet,
s’empressa de regagner Tripolitza.
La maison que nous habitions s’était transformée en un véritable
hôpital; nous y avions remplacé le respectable amiral Miaulis, qui venait
d’être appelé à l’assemblée nationale, après avoir été gouverneur
du district durant deux mois. On l’y vénérait, et le portrait de cet
homme respectable, que nous devons au crayon fidèle de M. Vaudrimey
(pl. XY), rend parfaitement le caractère de rondeur qui, dans sa physionomie,
tempérait la fierté du regard. Dans l’affreuse position oh la
Commission se trouvait réduite, elle eut à se louer des soins empressés
de Joannis Engbénidis, démogéronte de la ville, et du commandant grec,
M. de Morandi; l’un et l’autre contractèrent bientôt la fièvre au chevet
de mes compagnons; on eût dit une épidémie, et notre contact semblait