consistant en quelques roches et grosses pierres taillées, à l’abri desquelles
on mouille par quatorze brasses de sable et de vase, ayant
à une assez grande distance, exactement par le Sud, la pointe du
plateau de la ville primitive. De ce point la mosquée, redevenue
une église, reste à mille mètres environ vers le Sud-Ouest; et le cap
Gros, cachant le cap Ténare au Sud-Est, par cinq degrés Sud. C’est de ce
point qu’on distingue le Taygète, dans la figure 2 de notre planche
XX. Il y présente absolument le même profil que lorsqu’on l’aperçoit
de cette redoute d’Ibraliim que nous avons laissée à gauche en sortant
de la conque de Modon, ou de l’endroit oh., quittant le versant de
ce que je regarde comme le golfe d’Asiné, nous sommes entrés dans
celui du golfe Messéniaque. Le prolongement de la chaîne, à partir
du pentadactyle neigeux qui en couronnait le centre, s’abaissait graduellement
vers le Midi jusqu’à l’extrémité du canton des Kakovou-
niotes, qui en paraissait être séparé par la dépression de Phocas, évasée,
très-profonde et comme creusée entre les baies de Liméni d’un
côté, et celle de Pagania de l’autre, c’est-à-dire de Yitilos à Scutari.
Colonis ou Colonides ne joue aucun rôle chez les anciens, ou il n’est
guère question que de son origine quasi-ornithologique. C’est dans le
treizième siècle de l’ère moderne seulement quelle reparaît sous son
nouveau nom, comme l’une des places fortes de Morée1. Durant la-
narchie qui désolait alors l’Orient, le corsaire génois Léon Yertano ou
Scutrano s’en empara, ainsi que de Modon, mais en fut bientôt chassé;
vers ce temps se présentèrent devant les murs de la ville les seigneurs
croisés, dont Champlitte était le chef. On lit dans la Chronique de Morée9,
« que les Francs, étant sortis de Modon après l’avoir pris, se dirigèrent
* sur Coron; ils trouvèrent également cette place dans le plus mauvais
«. état, aussi bien sous le rapport de ses murailles que de ses tours;
« c’était comme une espèce de caverne profondément encaissée dans
« l’intérieur du rocher. La cavalerie et l’infanterie commencèrent l’at-
« taque par terre et dressèrent leurs trébuchets, la serrèrent de près,
« et ne permirent pas aux assiégés de se montrer sur les murailles :
1. Buchon, Chronique de Morée.
a. Livre II , p. 127 et 128.
« effrayés du nombre dés troupes franques et de leur audace guerrière,
« ceux-ci capitulèrent et convinrent de rendre la place, à condition
« que les Francs jureraient de leur conserver leurs maisons et toutes
« leurs propriétés. Le maréchal messire Geoffroi n’hésita pas à leur
« assurer ces avantages par serment, et les hostilités cessèrent. Les
« Francs entrèrent dans la place, en prirent possession, l’approvision-
« nèrent et y mirent une garnison : ils partirent le lendemain et arri-
« vèrent à Calamata; cette place était peu habitée et avait bien l’air
« d’un couvent; à leur arrivée ils l’attaquèrent et la prirent d’assaut.
« Les vainqueurs accordèrent à Calamata les mêmes avantages qu’aux
« autres places.Au partage d’Andravida, l’évêque de Coron fut porté
pour deux fiefs de chevalier1. On trouve d’après un autre acte de partage,
rapporté dans la Chronique deDandolo9, que les Yénitiens avaient
antérieurement élevé des prétentions sur Modon et Coron; et Buchon
pense que les difficultés furent levées par l’arrangeméht définitif, au
moyen duquel , Guillaume de Yillehardouin ayant livré les deux places
à là République, les galères vénitiennes, qui devaient servir d’auxiliaire
pour les sièges d’Anaplion (Nauplie) et de Monembasie, arrivèrent
dans le second de ces ports3, qui, suivant toujours le sort de
Modon, passa avec celle-ci sous la domination de Bajazet II en 1498.
Les Yénitiens, en 1353, étant venus ravager le pays, reprirent la
ville, mais en furent presque aussitôt chassés par les Turcs. En 1633,
l’amiral Doria l’attaqua avec une flotte espagnole, forte de 35 gros
vaisseaux et de 42 galères : il fit d’abord débarquer les troupes castillanes,
sous le commandement de Jérôme de Mendoza; puis des Italiens,
aux ordres de Tuttavilla et du comte de Sarno, qui avec 14 pièces firent
breche et s’emparèrent de la ville. Les Turcs ne tardèrent point à préparer
une expédition pour la reprendre, et leur point de réunion fut
Androussa, où nous avons déjà conduit le lecteur (p. 309); cette fois
i . Chronique de Morée, livre II, p. î/Ji. — 2. Livre X , chap. 3.
.3. « Messire Guillaume de Vîllehardouin en ayant reçu la nouvelle, il expédia des commissaires
« pour livrer Coron aux Vénitiens avec toutes ses dépendances, et la place de Modon avec les
« villages qui relevaient immédiatement de la juridiction du prince et qui devaient à l’avenir être
« possédés par le duc de Venise; mais dans cette cession ne se trouvaient point comprises les terres
« et les fiefs des seigneurs féodaux.» Chronique de Morée, p. 181.