environ du village dans la ligne de Navarin, qu’on apercevait vers le
sud-ouest : je m’y rendis; .mais je n’y vis que les restes d’une très-petite
église, au lieu de la Pylos de M. Pouqueville. Un hyéron, dont cet
auteur ne dit précisément pas un mot, pouvait cependant avoir existé
en cet endroit, puisque partout ailleurs, ainsi que je l’ai dit plus haut,
les fondations pieuses du christianisme ont remplacé celles des païens.
Le site était d’ailleurs remarquable par l’étendue de la vue dont on y
jouissait, avantage que l’antiquité dédaigna rarement pour l’érection de
ses temples ; mais la pauvre chapelle, composée de matériaux sans dignité,
n’avait jamais eu plus de dix à douze pas de long sur six de large, et ses
fondemens, où j e fis faire d’assez profondes fouilles du côté du sud, ne me
présentèrentpas même une trace de ces substructions solides, qu on manque
rarement de reconnaître sous la plupart des autres églises grecques.
Si M. Pouqueville eut visité lui-même les lieux dont il parle et près
desquels il a dû passer, il n’eût probablement pas changé d’avis et s’en
fût tenu à son premier dire. H nous appartient peut-être, après l’exploration
que nous venons de terminer, de prononcer sur l’emplacement
de l’antique ville de Nélée et de Nestor, et c’est ce que nous essayerons,
en déclarant qu’il y aurait du ridicule à nous attribuer personnellement
une découverte qui ne peut pas plus appartenir à qui que ce soit dans
la Commission scientifique de la Morée, que la découverte de Remplacement
de Sparte n’est due au célèbre pèlerin de Jérusalem; il existe
une grande différence entre découvrir et constater un fait; la Commission
ne saurait avoir d’autre mérite, au sujet de celui qu’il était
question de décider, que d’avoir levé les doutes provenant des contradictions
existantes entre Strabon et Pausanias, touchant la Pylos de
Nestor; ce dernier s’explique si clairement qu’il est impossible, lorsqu’on
visite les lieux, de ne pas appliquer sa description au Yieux-Navarin.
On y voit de suite que cette ruine fut nécessairement la capitale du
doyen des héros d’Ilomère, et que les contrées environnantes composèrent
le royaume soumis à ee pasteur des hommes.
«11 y a tout au plus, dit Pausanias ', cent stades de Mothone (Modon)
« àu promontoire de Coryphasium, sur lequel Pylos était située. Cette
ï . Lib. IV, ME22HNIKA, cap. XXXVI.
« ville fut fondée par Pylus, fils de Cléson; il y amena une colonie de
« Léléges, qui habitaient alors la Mégaridé; il n’en jouit pas long-temps:
« ayant été chassé par Nélée et les Pélasges d’Iolcos, il se retira dans le
« voisinage et fonda un autre Pylos en Elide. Celle de Messénie devint
« si florissante par les soins de Nélée, qu’Homère la nomme proprement
« sa ville. On y voyait le temple de Minerve Coryphasia; la maison qui
« portait le nom de Nestor, oîi son portrait était peint; son tombeau
« était aussi dans la ville.... Il y avait encore une caverne qui servait,
« dit-on, à Nélée,'et ensuite à Nestor, d’étable pour leurs boeufs; ces
« boeufs étaient de race Thessalienne.... Us paissaient sans doute loin
«/ de Pylos, car les environs, en étant sablonneux, n’eussent point pro-
« duit assez d’herbe pour les nourrir. J’en prends à témoin Homère, qui
« dit toujours, en parlant de Nestor, le roi de la sablonneuse Pylos....
& L’île de Sphactérie est, devant le port, située de même que Rhénée
« devant l’île de Délos. *
Strabon, qui paraît avoir fort mal connu le Péloponnèse, mais qui
pouvait savoir son Iliade et son Odyssée par coeur, dit1: «qu’Homère
« reconnaît plus d’une ville du nom de Pylos. * S’occupant d’abord de
celle qu’il appelle Triphyliaque ou Lépréatique; citant, en torturant leur
sens, les vers du poète, dont la géographie l’occupe bien plus que celle du
pays; dénaturant les noms de lieux, pour en altérer la position^voulant,
pour justifier des étymologies forcées,.que lepithète d'hmatlioüs (la sablonneuse)
vienne du fleuve Âmatus ou Pamisus, qui n’a jamais coulé
sur les côtes d’Elide; brouillant tout, dans le but de transporter à cette
dernière province l’honneur d’avoir été soumise à Nélée, et d’avoir possédé
la capitale de Nestor, il ajoutea : «De cette ville de Pylos et de celle
« 'de Lépréum, il y a environ 400 stades jusqu’à l’autre Pylos et à Co-
« ryphasium, autre place forte de Messénie, situées sur la mer en face
« de Sphagie, qui est environ à 750 stades de l’Alphée.>v
L’existence de deux Pylos célèbres, la plus ancienne en Messénie,
vis-à-vis Sphactérie, et l’autre au-delà de l’Alphée, demeure évidente,
d’après les écrits de l’antiquité; mais la difficulté consiste à déterminer
celle qui fut la ville de Nélée pour Homère. Pausanias se prononce pour
1. Lib. VIII, cap. II, S. I. — 2. Loc. cil., S. XX.