le plus habile des botanistes de la Péninsule, chercher dans les pratiques
d’une horticulture merveilleusement entendue, des sources de
richesses agricoles, dont sa patrie n’a pu profiter par suite des évène-
teens qui ont raufcné le roi légitime Ferdinand VII sur le toône de ses
pères. ’D’après mon rapport, l’idée d’acquérir a grands frais le terrain
proposé est demeurée sans effet; mais si l’on revient jamais au projet
de former un jardin d’acclimatation snr quelque point méridional du
royaume, on ne devra point oublier que le Ministère dont nous tenions
notre mission, eut aussi la première pensée d’une chose essentielle qui
manque toujours à la France.
On ne voit guère réussir les productions des pays intertropicaux dans
les environs d’Hyères, hors d’un rayon assez restreint que met à l’abri
du mistral et des vents du nord, la hauteur on s’adossSla ville, et que
couronnent des mines du temps de la féodalité, probablement éparses
sur quelques ruines antiques.
L’emplacement d’Hyères avec son vieux château est trop bien choisi
pour que les hommes ne s’y soient établis et fortifiés dès que les côtés de
Provence se peuplèrent. On n’aurait pas plus chaud pour gravir sur la
montagne du Calvaire aux environs de Paris dans un beau jour du mois
de Juillet, que je n’en éprouvais pour m’élever jusqu’au point culminant
d’une hauteur où je me trouvai comme en été vers le coeur de
l’hiver. La position du fort que j’y trouvai, les matériaux employés
pour sa construction, sdii état de délabrement, l’aridité des monts où
s’arrête la vue lorsqu’on est parvenu au faîte des tours en ruines, la
nature des roehes et la constitution géologique du lieu, la campagne
un peu sèche, au loin la mer semée d’îles noirâtres du côté du sud,
les plans assez doucement inclinés ou les brusques escarpemens par
lesquels on s’est élevé, de grands murs d’enceinte, le fossé à demi
comblé, régnant où la défense naturelle n’a pas été jugée suffisante,
la teinte de la végétation, les espèces de coquillages terrestres collés
par leur bouche contre la pierre, et les insectes qui commençaient à
bruisser dans l’air, tout avait autour de moi un aspect où n’existait
presque plus rien de celui que présentent les autres parties, même
tempérées, de la France. C’était celui qu’on peut appeler méditerranéen,
fi
mais renforcé, s’il est permis d’employer cette expression, c était déjà
celui du pays que j’allais visiter ; il y avait plus de Péloponese encore
que de Provence dans la physionomie de tout ce qui m environnait, et
qùand je reviens sans dessein sur les souvenirs de mon voyage en Grece,
j’y trouve toujours l’idée de la montagne d’Hyeres et de ses ruines
tellement confondue avec celle de divers acropoles ou par la suite je"
dois conduire mes lecteurs, qu’une certaine opération de mémoire me
devient nécessaire pour la rapporter en France, son image se mêlant
d’abord avec celle des traces de nos seigneurs croisés ou des Vénitiens,
que j’ai si souvent depuis rencontrées parmi des restes de la Grèce
héroïque, de la Grèce soumise aux Romains, et de la Grèce expirant
sous le Bas-Empire. On peut donc se faire sur un point très-visité de
nos départemeris méridionaux, une idée fort exacte de l’aspect qu’a la
Morée; le dessèchement des sources y ajoute en été un trait fâcheux
de ressemblance; mais le ciel y est pur, l’air vif et salubre, 1 arôme
d’une végétation particulière s'y répand à peu près en tout temps, et
le solstice d’hiver n’y ramène jamais la mauvaise saison; aussi voit-on
beaucoup d’étrangers valétudinaires se réfugier a Hyeres au commencement
de Décembre, et s’y établir jusqu’en Mars ; les logemens „y
deviennent alors fort chers, et les babitans comptent sur le temps ou
les frimas régnent ailleurs, comme a Spa, Aix-la-Chapelle, Plombières,
Baden et autres lieux qui possèdent des eaux salutaires, on compte
sur la belle saison pour gagner de quoi vivre durant le reste de l’annee.
Hyères n’est pas le seul endroit où la Provence présente des traits
frappans de ressemblance avec cette Morée que nous allons visiter; il
existe aux limites des Bouches - du - Rhône et du Var un lieu très-
remarquable dont je ne sache pas qu’on ait jamais signalé la singularité
et qui m’était inconnu quand j’ai"traité dans l’Encyclopédie, par
ordre de matières, l’article Ponts naturels .l’engage les curieux à s’y
arrêter pour y étudier un phénomène de géologie que nous aurons de
fréquentes occasions d’observer en Grèce où il est extrêmement commun.
Je veux parler de Cujes et de son bassin fermé d’où les eaux pluviales
i . Voyez explication des planches de la Géographie physique* page 5y.