surprise les Macédoniens quand ils vinrent se mettre si imprudemment
entre la ville et l’acropole : j’entrai dans cette acropole par une interruption
de murailles qui correspond évidemment à quelque porte antique,
et que borde sur la droite la base d’une forte tour carrée. Je me hâtai
de chercher les restes de ce temple de Jupiter si célèbre que fonda
Glaucus, fils d’Æpytus : avant ce prince, il n’existait qu’une enceinte
sur la montagne; cette enceinte, réparée sans doiÿe par les Thébains,
qui ne firent que profiter de son tracé, soutient encore une magnifique
terrasse du côté du Nord ; mais le monument de la piété du chef de la
branche des Æpytides, a disparu sous les murs d’un couvent qui remplace
le berceau de l’ancien maître des dieux. Nous ne reconnûmes de
ses fondations cyclopéennes que d’informes et gros quartiers de rochers
entassés du côté de l’Ouest, dont on trouve la vue dans l’une des figures
de notre planche XV. Ce couvent était bâti sur un plan mesquin; les
moines l’ayant récemment abandonné pour descendre dans celui des
Cyprès, les quatre murailles de leurs cellules n’étaient plus habitées que
par quelques restes de ces légions de puces qui les y avaient dû tourmenter.
On voyait dans la cour irrégulière, que fermait une mauvaise porte en
planches, trois fragmens de colonnes supportant, en manière de tables,
de grosses dalles carrées et d’un travail évidemment antique; une inscription
incrustée au-dessus d’une porte en dehors, et dont la date porte
le 8 Mai 4797, indique qu’elle fut restaurée récemment; mais il s’en
trouve une autre qui reculerait de beaucoup la construction du couvent,
s’il est vrai, comme nous l’ont assuré les caloyers, que celle qui le
dédia à la Yierge, fut la femme de l’empereur Andronic \ Dans l’église,
qui est petite, se voient contre les parois des fresques grossières trop bien
conservées pour être fort anciennes : on y a représenté le poids des ames
par des enfans en bas âge placés dans l’un des bassins d’une balance montant
vers le ciel; tandis que des rois et des prélats dans l’autre descendent
vers l’enfer; ailleurs c’est une adoration de la croix par S. Joseph et la
i . Voici cette inscription : AEICIC TH
C AOUAHC T
OU 0EOU A
ECflHNOU.
S.'Vierge. On y voit aussi les principaux traits de la vie de S. Nicolas,
et les miracles de plusieurs bienheureux qui me sont inconnus : dans une
niche est représenté Dieu le fils en costume de patriarche, avec des croix
grecques distribuées sur sa robe, et une légende qui dit : Christ est le sacerdoce;
dans le bas côté de droite, vis-à-vis la croisée., sont S. Dimitri sur
son cheval rouge, et S. Nikitas à pied. Un petit autel antique, assez bien
conservé, était jeté dans un coin, avec quelques ossemens humains, et il
y avait un tronc pour les besoins de l’église, où je déposai mon offrande,
ainsi que M. Dubois, qui m’accompagnait dans cette exploration matinale.
En avant de celle des extrémités de la montagne que couronne le
couvent de Jupiter Ithomate, et séparée par une coupure impraticable,
est une cime de rochers moins haute, sur laquelle on aperçoit les bases
de grosses tours carrées, semblables à celles qui flanquent les murs de
l’enceinte de la ville, et qui paraissent avoir appartenu au même système
de défense; les paysans de Mavromati les regardent, on ne sait pourquoi,
comme d’anciens moulins bâtis parles premiers habitans du pays,
qui devaient être, disent-ils, bien plus grands et bien plus forts que ceux
des temps actuels. De trois citernes, que nous découvrîmes au faîte de la
montagne, celle qui était creusée contre le couvent même était encore
remplie d’une eau très-pure, la plus légère et la plus fraîche que j’aie
jamais bue; je suis remonté souvent en ce lieu pour m’en délecter en
contemplant le beau panorama au centre duquel on s’y trouve. C’est peut-
être dans ce réservoir sacré que les Messéniens portaient chaque jour
de l’eau puisée dans la fontaine Clepsydre, en mémoire de ce que le maître
des dieux, né, selon quelques-uns, sur l’Ithome, avait été lavé dans la
source qui s’échappe de ses flancs ’. A l’endroit marqué B dans mon plan,
sont les soubassemens, avec le pavé d’un autre temple, qui pourrait
bien avoir été celui des grandes déesses.
Cette fontaine Clepsydre, où Néda et sa compagne Ithomé baignèrent
i . « Lors même qu’on voudrait le faire, on ne saurait dire combien de peuples prétendent que
« Jupiter est né et a été nourri chez eux. Les Messéniens, qui ont cette prétention, disent qu’Ithomé
« et Néda furent ses nourrices, et donnèrent leurs noms, l’une à un fleuve, l’autre à la montagne.
« Les Curétes ayant soustrait Jupiter à la barbarie de son père, le? deux nymphes le lavèrent
« dans la fontaine Clepsydre, qui prit son nom de ce larcin. Us portent tous les jours de l’eau de
« cette fontaine dans le temple de Jupiter Ithomate.» Pausanias, lib. IV, cap. 33..
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