Ce qui reste de l’antique Messène occupe l’origine d’un vallon duquel les
eaux s’écoulent dans le Pamisus, en suivant d’abord la direction du Midi;
une grande dépression, dont les débris des grandes murailles occupent
la ligne culminante ou de partage, sépare la tête de ce vallon du bassin
oii coule le ravin de Belzi, et par où nous étions arrives. Pour
juger de l’aspect général de ce beau site et l’embrasser d’un coup doeil,
je me hâtai de gagner le faîte du mont Ithome, ou 1 on peut se rendre
assez commodément à dos de mulet, et sur lequel je rencontrai M. Dubois,
qui venait y admirer le lever du soleil : on y jouissait en cet instant
d’une admirable vue, dont mille jeux de lumière augmentaient la varíete,
et peu de panoramas offrent autant de pompe, quant a l’ensemble, ou
de richesse, quant aux détails; du côté du Nord, les neiges delOlenos,
l’un des vieux Olympes, resplendissaient des teintes rosées de l’aurore
par-dessus les cimes des monts Tétrages, et quelques-unes de celles de
la chaîne qui se rattache au Diaforti entre les deux systèmes. La plaine
de Sténikléros, qui commençait presque sous nos pieds au pont triangulaire,
s’étendait large, et comme si elle eût eu l’exacte horizontalité
d’une table, entre les éboulemens de Belzi et mille hauteurs aux sommets
bizarrement diversifiés, arides, couverts de végétation ou revêtus
de frimas. Entre les points qui nous étaient connus dans cet immense
tableau nous distinguâmes ce Paléoklephto, au pied duquel nous étions
passés par le côté opposé, et par-dessus le monticule qu’il couronne,
la plupart des villages du canton de Soulima, depuis Sidérokastron
jusqu’à Constantina; la mer Ionienne, toute d’azur, formait l’horizon du
côté où Zante semblait sortir du sein des eaux comme un nuage grisâtre.
Le pays de Rondovounia, qui se rattache à la chaîne Gérénienne, encadrait
l’occident; et le sommet arrondi du Psariari, formant un des
côtés du vallon même de Messène, en était, par rapport à l’Ithome,
le point le plus rapproché: on y trouve, nous assura-t-on, un monastère
de Saint-André, dans l’intérieur duquel la source d’une rivière,
que nous traverserons en sortant d’Androussa, jaillit impétueusement
de terre. On m’assura encore qu’il existait dans le même canton une
enceinte antique, sur laquelle nous appellerons l’attention des voyageurs
à venir, qui ne sauraient trop mettre de soins à vérifier le fait.
Au Sud, entre le Psariari et l’Évan, par une large embrasure, les crêtes
des monts de la pointe Messéniaque se découpaient au loin sur le bleu
du ciel; nous y reconnûmes le revers du Manglava et la forêt de Kou-
beh, qui s’alongeait entre les flancs de cette régulière cime et le petit
Saint-Hélie, parfaitement semblable à la pointe d’un pain de sucre; puis
venaient Zarnaoura et Lycodyma. Entre ces monts et nous, le pays très-
accidente semblait e^pe formé d’une multitude de mamelons distincts
et disséminés a côté les uns des autres, comme on voit souvent des taupinières
couvrir le terrain de quelques maigres prairies; la ressemblance
nous frappa d’autant plus que la couleur brunâtre en était la même. Au
pied de l’Evan, vers la sortie du bassin et sur un plan assez rapproché,
nous distinguions à la suite les uns des autres, dans une même ligne,
six de ces monticules coniques, en tout semblables à des taupinières
gigantesques dont l’aspect est fort remarquable : couverts d’herbe verdoyante,
ils sont d’une telle régularité que je serais tenté de leur soupçonner
une origine artificielle et de les regarder comme des tumuli, si
leur masse ne paraissait être trop considérable pour avoir été entassée
par la-main de l’homme. On distinguait par-dessus le canton mamelonné
les eaux du golfe de Coron; à droite et à gauche du mont Saint-Bazile,
les mêmes eaux bornaient l’horizon; à sa base orientale fuyaient les
plaines de l’embouchure du Pamisus vers les Oliviers grisâtres de Cala-
mata, au-dessus desquels s’élevait leTaygète immense et tout neigeux; la
hauteur de celui-ci nous semblait être absolument pareille à celle de
l’Olénos qui couronnait le panorama du côté opposé. Les plaines d’Em-
blakika, avec les coteaux qui s’y prononcent, paraissaient vers l’Orient,
comme si nous n’en eussions été qu’à un jet de pierre, ainsi qu’une
bande fertile, au-dessus de laquelle s’entassaient, pareils aux vagues
tout à coup solidifiées d’une mer tumultueuse, les monts Hélénitza;
et partout régnait une opposition d’ombres et de lumière tranchée,
de fraîche verdure et de rougeâtre aridité, que le pinceau le plus exercé
ne saurait rendre.
Le sentier très-sinueux qu’on suit pour atteindre le faîte de l’Ithome,
passait d’abord, en partant de notre camp, contre les soubassemens de
tours antiques (P), qui durent appartenir à celle des enceintes qu’avaient