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d’une verdure sombre, probablement formée par des lentiscjues et autres
arbres à feuilles persistantes. Il y existe un petit.port et un village vers
le .nord-est, c’est-à-dire sur la côte opposée à celle que nous longions,
en gouvernant autant que possible sur l’île d’Elbe. Dans la matinée du
dimanche, nous étions fort près du cap Pomonte, qui est la pointe tei*
minai e de celle-ci vers le sud-ouest. La Corse demeurait au loi%sur notre
droite, et ses cimes étaient entièrement couvertes de nuages noirs qui
semblaient enserrer des tempêtes, mais qui, au lieu de produire des
tonnerres et des éclairs, se réduisirent en neiges abondantes pendant
la nuit. Je pus à loisir contempler l’île d’Elbe La cime du mont
Capanne élevé de huit cents mètres, en paraissait être le point culminant,
et la Cybèle en était proche, quand sa marche se trouva totalement suspendue
par l’une de ces intermittences de calme dont nous étions déjà
fatigués.
Des vallons peu étendus, encaissés entre des contreforts rocailleux et
sillonnant une pente brusque, se présentaient a nos regards ; le pays
semble être aride, et sa teinte est généralement blanchâtre, quand sa
surface brisée ne se diapré point de nuances sombres produites par une
végétation rase, éparse en bouquets et sortant des interstices des rochers.
Au-dessus cl’une dépression, dans la direction de l’est-nord-est, le pilote
nous indiquait la position de Porto-Longone, entre les sommets qui
forment la charpente de l’île et la montagn^de Galamita qui lui est
unie par la plaine de Capolivéri. Cette plaine de Capolivéri est, comme
les isthmes qui rattachent Gien à la Provence et dont il a été précédemment
question (p. 43) , formée par les débris marins réduits en
forme arénacée et précipités sur la ligne d’opposition, toujours existante
où deux courans viennent à s’entre-çhoquer, entre les caps correspon-
dans de deux îles voisines. Beaucoup de côtes présentent des reunions
semblables, dont la montagne de Gibraltar et les hauteurs sur lesquelles
s’élève Alger peuvent être citées comme des exemples importans. Nous
aurons occasion de signaler beaucoup de faits pareils en Morée, où
l’isthme de Corinthe doit son existence à des causes de ce genre.
On apercevait à l’horizon quelques points incertains de la coi® de
Toscane, lorsque vers: midi on mit'le cap sur Pianosa, qu’on distingua
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bientôt comme une ligne noirâtre au ras de l’eau. Quand on en fut
à une petite distance, Montécristo, autre solitude du même archipel,
à cinq lieues environ dans le sud-esj; de Pianosa, se montra par-dessus
celle-ci comme une haute montagne §u-dessus d’un rivage uni.
Pianosa, la Planaria des anciens, est toute plate et formée de blocs
calcaires ; sa surface ne s’élève guère nulle part à vingt-cinq pieds
au-dessus de la mer; on y distingue tout au plus deux ou trois buttes
éparses. Deux d’entre celles-ci paraissaient, du point où nous les voyions,
ne pas tenir à l’île ; tronquées à leur sommet, elles formaient à droite
et à gauche comme deux grosses tours. On vira de bord pour gouverner
de nouveau sur l’île d’Elbe; dont on s’approcha rapidement pour
changer encore de direction à portée de canon d’un cap fort étroit et
assez élevé qui sépare deux golfes appelés d’Acona et de la Stella. De
ce point je pus distinguer parfaitement, avec ma lunette, un très-grand
village situé sur le double sommet qui nous restait à l’est et qui doit
être Capolivéri, dont la plaine citée précédemment a pris son nom.
Les maisons blanches y sont groupées sur un mamelon derrière lequel
on voyait une autre cime couronnée de tours en manière de château
fort. Une muraille d’enceinte régnait à la circonférence. 'Dans le bassin
de la Méditerranée, dans les îles surtout, les établissemens des hommes
furent de tous temns ainsi perchés et environnés de défenses, parce que
les rivages n’y ont jamais eessé d’être infestés par des pirates, et ce ne
sera que lorsque les puissances barbaresques auront été anéanties ou
contraintes à se plier à l’état de civilisation complète, qu’on pourra
vivre en sécurité dans les positions riveraines que leurs escarpemens ou
la difficulté de leur abord n’empêcheront point d’être embellies par la
culture et l’établissement de propriétés commodes. La glorieuse conquête
d’Alger fut l’aurore de cet avenir; nos arrière-neveux, n’étant
plus aigris par les dissentions politiques, pourront apprécier tout ce
qu’eut de philantropique et de généreux l’expédition dont la destruction
d’un repaire de brigands fut le résultat.
Les pentes un peu sèches sur lesquelles s’étendaient nos regards, paraissaient
passablement cultivées ; on y distinguait des habitations avec
des enclos fermés par des murs ou par des haies grisâtres et plantés
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