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tête était assez grosse ; il s’amincit régulièrement eu une très-longue quene;
ses écailles à peu près carrées, polies et luisantes, lui formaient une sorte
de cuirasse assez dure; un repli longitudinal s’observait de chaque côté
des flancs et paraissait plus profond à la partie antérieure; son oeil, fort
beau, n’était pas celui d’un animal ordinaire ou d’une brute; car selon
que le shelptopusik ïquvre entièrement ou qu’il le voile au moyen
d’une ou deux de ses trois paupières , il lui donne diverses expressions
empreintes de plus ou moins de douceur. C’est sqps doute à cause de
ce regard que les paysans de la Morée ont imaginé sur le reptile qui
nous occupe des contes extraordinaires. Ils le disent être « une traîtresse
« couleuvre qui, par la suave lenteur de ses mouvemens et la douceur
« de ses yeux, cherche à inspirer de la confiance à l’homme et aux
« animaux durant six jours de la semaine; on peut alors le toucher
« sans danger, il se montre même*caressant ; mais le septième jour,
« ordinairement le samedi, il fait mourir sur-le-champ par sa piqûre
« l’imprudent qui, ne sachant pas sa malice, s’en est laissé approcher. ”
Pour le naturaliste qui ne croit pas plus à la trahison du shelptopusik
qu’à sa piqûre mortelle, cet animal n’est pas moins l’un des plus in-
téressans de sa classe, ou il établit un .passage entre deux ordres de
créatures : son aspect extérieur est celui des serperis, qui tous sont prisais
de pattes; mais il conserve des pattes de lézard seulement à sa partie
postérieure : celles-ei n’y sont à la vérité que rudimentaires, et si peu
visibles que je ne les aperçus point alors; mais de tels membres,, tout
imparfaits qu’ils puissent être, ajoutent une importante preuve à cet
axiome promulgué par l’immortel législateur des sciences physiques, le
grand Linné : « que la nafiire ne fait point de sayts. * En .effet, soit
qu’elle ait procédé des ophidiens aux sauriens, ou des sauriens aux
ophidfons’, pour introduira les pattes dans son ensemble, la nature n’a
pas changé de marche, puisqu’elle a essayé tous les degrés de combinaison,
et qu’entre les genres qui forment le.'passagl des apodes, ou
sans pieds, aux tétrapodes, ou à quatre pieds, il en est qui n’ont plus
que deux pieds et qui sont conséquemment bipèdes, et ces deux pieds
i . Des serpens aux lézards, ou des lézards aux scrpens.
sont seulement ceux de devant pour les uns, tandis qu’ils sont ceux
de derrière chez d’autres.
Nous avons retrouvé plus tard en Morée un second shelptopusik,
qu’avait précédemment découvert M. le capitaine de vaisseau Durville *;
il est plus petit, d’une tout autre couleur, et sera également décrit
par M. Valenciennes et figuré dans la partie zoologique de notre
ouvrage. Le Shelptopusik de Durville paraît être plus rarq que le
grand; je ne l’ai rencontré que deux fois, tandis que dans les ênyirons
de Modon et dans les décombres du vieux Navarin, on trouvait l’autre
très-fréquemment. Nous avons rapporté le shelptopusik de Pallas dans
notre maison de Modon, ou son extrême douceur en faisait pour ainsi
dire une espèce domestique ; il montrait un certain appétit pour
les oeufs durcis; l’un de ces reptiles avala trois ou quatre jeunes souris,
dont on prit la nichée dans une boîte à chapeau. Plusieurs parvinrent
à s’échapper, mais les plus beaux ont, malgré leur innocence, trouvé
la mort dans un baril d’eau-de-vie où tant d’autres pauvres bêtes ont
été noyées.
Au centre de la partie septentrionale de Sapience, entre les trois
sommets qu’on y distingue dans la vue que nous en donnons, et de
l’autre côté du col sur lequel j’avais trouvé le premier shelptopusik,
nos regards plongèrent dans un bassin arrondi sans issue, environné
de pentes plus ou moins rapides et qui présentait,’“seulement avec des
proportions moindres, l’aspect de ce cirque dont il a été question,
lorsque sur les frontières des Bouches-du-Rhône et du département
du Yar nous nous sommes arrêtés un moment sur la plaine de Cujes
(p. 5 et suiv.) : on eût dit, à sa forme, un grand cratère de soulèvement,
surtout par le côté de l’enceinte qui nous restait à gauche en
y descendant par la contrepente du col et dont l’escarpement est assez
brusque. Nous en*trouvâmes le fond uni comme tine table, composé
d’un sol rougeâtre qui s’y est accumulé aux dépens dès hauteurs environnantes
par l’action des eaux pluviales ; à sa surface saillaient à peine
quelques pointes de blocs calcaires enterrés par leur base : cette plaine,
i . Pseudopus Durçïllii, Cuy., R. A., 2.* ¿dit., t. II, p. 69 , où l’on ne trouye absolument que
l’indication de cette jolie espèce, sans un mot qui la pût faire distinguer.