revenu, ne pouvaient rien payer aux ministres du culte; les temples
y étaient presque entièrement détruits; les pompes religieuses n’attiraient
personne; les offrandes avaient cessé; les terres des couvens
demeuraient en friche, faute de bras; la faim parlant plus haut que
la piété, chacun gardait, pour satisfaire aux pressans besoins de sa
famille,: ce qu’autrefois il se fût fait un scrupule de ne pas donner aux
prêtres. Ceux-ci se divisent en deux classes, celle des réguliers et celle des
séculiers : les premiers sont voués au célibat et tirés des ordres religieux ,
on les nomme caloyers et ils correspondent aux moines de l’Occident;
au-dessus d’eux sont les archimandrites, les évêques, les archevêques,
les métropolitains, les exarques et les patriarches, dont la dignité répond
à celle du pape des catholiques. On sait que les Grecs, qui s’intitulent
orthodoxes, c’est-à-dire de doctrine droite par excellence, regardent le
saint-siége de Rome comme le quatrième seulement dans l’hiérarchie,
ne venant qu’après ceux de Jérusalem, d’Alexandrie et d’Antioche.
Celui de Constantiriople ne date que du cinquième siècle, quoique
l’apôtre S. Amjré soit censé avoir institué un évêque à Ryzance, mais
ce siège demeurait sans importance avant la translation de l’empire;
quoi qu’il en soit, les prélats ne jouissent pas en Morée du haut degré
de considération qu’ils obtinrent dans la catholicité, parce qu’ils sont
trop nombreux et pas assez riches. Dans un pays qui naguère, ainsi
qu’on le verra dans notre partie géographique ‘, n’avait pas plus de
surface que trois départemens ordinaires de France, on compte huit
métropolitains ou archevêques3 et vingt évêques3, celui d’Amydee
ayant été récemment supprimé. L’archevêque d’Argos, qui passe pour
être celui dont les revenus sont les plus considérables, n’a, dit-on,
que 56,000 piastres, et celui de Fatras 30,000; le moins riche était celui
de Monembasie, qui n’en avait guère que 12,000. Le revenu total du
haut clergé n’était que de 317,500. Or, de notre temps la piastre, de
plus en plus altérée par la rapacité turque, ne valait réellement qu’un
i . Tome H , part. i.re, p. 8. — 2. Corinthe, Monembasie, Mistra, Patras, Argos, Kristianopolis
(aujourd’hui Arcadia), Rechontas (Prastos) et Olenos (Gastouni), — 3. Trezen (Damala),
Androussa, Kalamata, Maïna, Stavropygi, Kolokjthias, Platia, Skala, Bourdounia, Brystenis,
Kariopolis, Androuvista, Malkynis, Modon, Koron et Navarin, Kalavrita, Yostitza, Plianari,
Londàri, Karithæna et Tripolitza.
peu plus de sept sous. Les évêques de Tripolitza, de Galamata et de
Kalavrita étaient les mieux rentés, touchant 4 0, 4 2, et 4 5,000 piastres ;
mais ceux de la pointe du Magne n’en avaient que deux ou trois mille
tout au plus; encore ne touchaient-ils point leurs médiocres revenus
exactement, parce que la misère de leurs ouailles remontait jusqu’à leur
siège. Aucune pompe ne les environnait, et ces pasteurs des peuples
n’avaient ni grands vicaires, ni chantres, ni enfans de choeur. Leur
suite modeste, et souvent du plus misérable aspect, se composait de
quelques caloyers ou moines tirés de leurs couvens, ou de clercs aspi-
rans aux dignités de l’hiérarchie, et qui remplissaient près de ces
modestes éminences jusqu’aux dernières fonctions de la domesticité. Ils
étaient leurs cuisiniers, leurs valets servant à table, balayant l’appartement,
préparant les lits, battant les tapis, tenant l’étrier quand monseigneur
montait sur sa mule, et voyageant à pied à ses côtés quand il
se mettait en route. Presque tout le temps de ces pauvres acolytes étant
consacré au service de leur maître sacré, à peine peuvent-ils trouver
quelques instans pour apprendre à lire et à chanter du nez ; on n’exige
guère d’eux que ces deux choses pour avancer dans les ordres. Lorsqu’ils
sont jugés assez instruits, on les replàce dans quelque monastère pour s’y
perfectionner dans les cérémonies d’église et se préparer à de l’avancement,
de sorte que celui qui vous donne à laver , qui se tient humblement
debout derrière vous quand vous êtes accroupi sur le divan d’un
évêque, et qui vous change l’assiette lorsque vous dînez avec son éminence,
pourra fort bien quelque jour vous présenter fièrement sa main
à baiser, et vous faire mettre à ses genoux pour recevoir sa bénédiction
épiscopale.
Les prêtres séculiers sont les papas, dont les fonctions répondent à
celles de nos curés de campagne et de leurs vicaires, mais qui ne sont
point comme eux condamnés au célibat; leur nombre dans la péninsule
s’élevait à près de deux mille quatre cents, dont le revenu n’atteignait
pas à cinquante mille écus; on le disait être de 596,000 piastres environ.
Ces papas sont conséquemment de bien pauvres ecclésiastiques
dans toute l’étendüe du terme, car à peine savent-ils lire et encore moins
écrire. Un paysan qui se destine à ces saintes fonctions apprend chez