celle qui possède un port où pouvait commodément tenir la flotte nombreuse
que l’éloquent monarque conduisit au siège de Troie. Strabon
veut qu’on l’aille chercher de-l’autre côté de l’Alphee dans l’Elide, a
plus de trente stades du rivage «dont les habitans, à ce qu’il assure1,
« jaloux de posséder la Pylos sablonneuse d’Homère, ajoutent, au nom
.'¿'»de leur ville, d’autres marques distinctives, telles qu’un lieu voisin
nommé Géranus, un fleuve Géron et un autre Gerénius, dont ils
« infèrent que le poète a donné à Nestor l’épithète de Gérenien * : comme
s’il n’était pas plus naturel d’en chercher le motif dans le système des
monts Géréniens, qui pouvaient, par un côté, servir de frontières a
son empire. Strabon se range à l’avis des Pyliens d’Elide, tout en convenant
que « les Pyliens de Messénie se servent des mêmes argumens
« avec quelque vraisemblance; car ils disent que Gerena est une des
« villes les plus connues de leur pays, et qui fut autrefois bien peüplée. ”
Du reste il n’apporte aucune preuve à l’appui de l’opinion qu’il adopte.
L’abbé Barthélemi qui, comme lui, composa un livre descriptif sur
des lieux et des hommes qu’il ne connaissait pas, et dont il écrivit
comme il eût pu faire sur les environs de Paris, adopta les idées de
Strabon, et mit ses raisonnemens dans la bouche de son jeune Ana-
charsis9, visitant Pylos Messéniaque, où les habitans lui disaient que
Nestor avait gouverné la contrée: « Nous avions beau leur assurer, leur
« répliqua l’Anacharsis imaginaire, que, suivant Homère, Nestor
« régnait en Triphylie, pour toute raison on nous montra la maison
« de ce prince., son portrait et la grotte qui renfermait ses boeufs. Nous
-« voulûmes insister; mais nous nous convainquîmes bientôt que lès
« peuples et les particuliers, fiers de leur origine, n’aiment pas tou-
« jours qu’on discute leurs titres. ” Barthélemi n’a pu voir un mot de
tout cela dans Homère, lequel n’entendit jamais, désigner la Pylos Tri-
phyliaque par le surnom de Sablonneuse, quoi qu’en ait pu dire le
géographe qui s’est fait son commentateur. Le royaume de Nestor ne
fut jamais l’Élide; en vain Strabon, qui en disserte, feignant de confondre
avec les sujets de Nestor les alliés qu’il conduit à la guerre, et
parmi lesquels il nomme ceux de Tyron « où se trouve le gué de l’Al-
' i . Lib. VIII, cap. III, S- VII. — 2. Voyagé-de Messénie, chap. XL.
« phée;| en vain, dis-je, Strabon porte ce royaume vers l’embouchure
d’un fleuve qui lui fut toujours étranger, avec quelques annexes au-
delà de la Néda, telles que Cypariséis et autres lieux voisins de la
mer Pylienne. Homère étend cette mer jusqu’à Pédase (Modon), où
commençait celle qui baignait les sept villes toutes voisines du territoire
de Pylos Êmathoüs, qu’Agamemnon voulait donner à Achille
pour fléchir sa colère. Or, ces villes, « toutes voisines du territoire de
« Pylos Émathoüsl,* sont fort éloignées de l’Elide, et conséquemment
de Pylos Triphyliaque, qui, d’ailleurs, n’eût pu donner son nom à
aucun rivage, puisqu’elle était située à trente stades dans l’intérieur des
terres. Pausanias rapporte9, « que la famille d’Apharéus s’étant éteinte
« par la mort d’Idas, frappé de la foudre, Nestor, fils de Nélée, réunit
Jg les Etats de ce prince aux siens, et se trouva par là roi de tous les
« Messéniens, excepté de ceux qui obéissaient aux fils d’Esculape. * On
rie saurait douter, d’après ce passage, que le domaine du sage Nestor
ne s’étendît le long de cette mer Pylienne d’Homère, qui répond à
peu près à ce que dans le moyen âge, .et jusque dans ces derniers temps,
on appelait encore mer de Sapience 3; ainsi que sur la côte du golfe de
Coron jusqu’à l’entrée du Magne, où nous retrouverons bientôt Phéræs
dans Calamata, et cette Gérénie où se voyait le tombeau de Machaon,
dans le canton de Zarnate. Nulle contrée dans tout le Péloponnèse n’était
cependant plus propre à nourrir de grands troupeaux de boeufs, qui,
s’ils n’eussent pas trouvé l’herbe nécessaire dans les sables du pourtour
de la capitale, n’en pouvaient manquer dans la plaine qui s’étend au
nord de l’étang actuellement nommé d’Osman-Aga, et dàns les nombreux
vallons des environs de la baie de Navarin, où l’on voit descendre
durant l’hiver ces bandes de Rarithéniotes que nous y avons rencontrés,
cherchant pour leurs bestiaux de gras pâturages.
De ce qu’il conste, par divers passages des anciens, que le nom de
Coryphasium ne fut pas seulement celui d’un cap et qu’une ville le
portait aussi, cette ville peut bien n’avoir pas été absolument la même
que Pylos; je soupçonne que nous avons campé sur son emplacement
i. Ilias, lib. IX , v. 153. —- 2. Loc. cit. cap. Ht. — 3. Voyez la partie géographique de notre
ouvrage, tom. II, part. i .”, pag. i 4-