dre un aflreux concert de gémissemens aigus, dont j’étais terrifié, quoi
que je fisse pour triompher de l’appréhension puérile qui m’y faisait
trouver un sinistre augure. Aussi le soleil n’était pas encore levé que
déjà, mais sans avoir pu clore la paupière, nous gravissions la petite
chaîne de Kourkoula, haute de 914 mètres au point culminant, et
qui gît, comme isolée, entre les plaines d’Hélos et Celle que l’antiquité
nommait Leucæ campi (les champs blancs). Des fragmens de roches
variées, et du Prasophyre nuancé de teintes brun-rouges (pl. VIII, fig. 4,
de la 2.' série), se faisant remarquer par leur beauté, jonchaient les
racines de la montagne, qui est très-boisée vers le Nord-Ouest; et sur les
pentes de laquelle se voit Byzani, village de riante apparence, avec de
jolies kalives. Cheminant au Sud-Ouest; et laissant la mer sur la gauche,
on monte diagonalement, à travers une multitude de ravins successifs;
.l’origine de la plupart d’entre eux est remplie de cavernes creusées dans
un Calcaire des plus grossier; après un puits d’eau douce, situé à une
certaine élévation ; on parvient sur de petits plateaux formant une sorte
de gradin dans la montagne, et que couvrent des dépôts d’un gravier
pareil à celui du fond des fleuves, ou des débris de poudingue dont le
ciment serait détruit. On aperçoit alors au loin, dans le Sud, la presqu’île
de Xili, formée d’une petite montagne absolument isolée, et ne
tenant à la Morée que par un isthme très-bas, comme Gién, dans le
voisinage d’Hières, tient à la Provence (voyez pages 15 et 14), ou
Gibraltar à l’Andalousie; aux deux côtés de cet isthme sont les ruines
d’Asopus et de Kiparissus, villes antiques qui furent comme adossées-;
celles d’Acriès étaient aussi dans ces parages, mais bien plus vers le
Nord et presque à nos pieds. On dit qu’il existe un soubassement sur
la presqu’île oii fut un temple d’Esculape; à quelque distance dans la
mer est aussi un très-considérable képhalovritzi d’eau douce, qui peut
être considéré comme l’embouchure d’un fleuve souterrain, alimenté
par les monts de Tzaconie : son abondance est telle que les flots amers en
perdent, dit-on, leur salure dans une circonférence de plus de quinze
brasses.
Nous découvrîmes aussi devant nous une plaine enfoncée de tous
côtés, et assez analogue à celle de Sténikléros; mais à peu près déserte
et que nul cours d’eau ne vivifiait. La végétation à sa surface semblait
être réduite en cendres; en hiver les eaux pluviales l’inondent; quand
celles-ci s’en sont échappées par divers katavotrons, dont le plus considérable
donne son nom à un village qui s’aperçoit vers l’Orient, ce
lieu se transforme en une magnifique prairie, où de nombreux troupeaux
viennent paître; on y descend en suivant un pavé vénitien assez bien
tracé, quoique rapide; dans l’un des coudes du chemin coulait une abondante
fontaine. Le village où l’on arrive d’abord après la descente, est
celui de Pakia.
Il y avait environ trois heures que nous marchions, et le soleil était
déjà brûlant; Yirlet avait toujours la fièvre jusqu’au délire; il fallut
s’arrêter sous l’ombrage d’un énorme Caroubier, afin de lui donner un
peu de repos. Delaunay se sentit alors saisi de frissons, ainsi qu’un de
nos sapeurs; tandis que tous deux grelottaient, Boblaye et Brullé,
encore bien portans, escaladèrent le faîte du Kourkoula, et je fus reconnaître
vers le Nord un village de Mylaos, que l’évêque de Skala
m avait signale sous le nom de Ménélaos, en m’assurant « que l’un des
« plus grands Hellènes des temps anciens, le roi Ménélas, peut-être, en
« avait fait son séjour.” Je n’y vis que deux assez beauxpyrgos; mais à
deux ou trois mille mètres, toujours dans le plat pays, sont des ruines
où je n’ayais pas le temps d’ordonner qu’on fouillât. Il était cinq heures
passées quand l’état des malades permit qu’on se remît en route.
Trois fortes heures sont nécessaires pour traverser la plaine du Nord-
Est au Sud-Est; Katavotra, village au bas duquel se voient ses principaux
puisards d’écoulement, nous demeurait à gauche; Phiniki, à deux
lieues environ, paraissait sur la droite et au pied des montagnes méridionales,
quand, vers le milieu du bassin, nous passâmes successivement
auprès de deux chapelles, dont la construction en assises alternatives
de pierres et de briques paraît dater de l’époque byzantine. D restait
encore entre elles une lagune ronde, qui était, nous dit-on, une relique de
l’hiver, durant lequel quinze à vingt mille strémates* de terrain demeurent
habituellement noyés en cet endroit; quelques pieds rabougris
de Passérines conservaient une apparence de vie parmi le reste de la
i . La mesure de surface ainsi nommée comporte 4o mètres carrés.
1 m