quelque maître d’école de village à épeler et former ses lettres,,et tache
ensuite de se placer près de quelque caloyer dans les mêmes conditions
ou se trouve celui-ci près de son prélat, c’est-à-dire qu’il se fait valet
de laquais; si son maître est moins ignare que ses confrères, l’apprenti
parvient, en l’imitant, à s’instruire dans les pratiques du rituel, ainsi qu’à
retenir les formules usitées pour le baptême, les mariages et les enter-
remens, avec quelques prières, dont beaucoup même ne sont pas écrites,
et qu’on se borne à retenir par coeur en les transmettant oralement.
Souvent le néophyte n’y comprend rien, ce qui ne l’empêche point,
dès qu’il a réuni la petite somme qui lui est nécessaire pour acheter le
prix de son ordination, de trouver quelque archevêque, qui la lui donne:
pour deux ou trois cents piastres au plus, c’est-à-dire pour l’éqüivalènt
de quinze à vingt pièces de cent sous, plus ou moins, il acquiert la
faculté de se mettre en rapport direct avec l’éternel et souverain créateur
du monde, dans le saint sacrifice de la messe. Il lui faut ensuite
acheter une église, dont le prix varie selon l’importance de la population
; et, lorsqu’il l’a acquise , il faut encore qu’il paie à son archevêque,
pour les fêtes de Pâques, un tribut annuel de quelques sequins vénitiens,
sous peine d’excommunication. Ces malheureux papas sont les
parias du sacerdoce, et pourtant ils sont ceux dont le pauvre peuple
tire le plus de consolations. Comme les interdictions et les pénitences
que leurs chefs leur infligent se rachètent soit en argent, soit en denrées,
on ne les leur épargne pas; ils imposent à leur tour le plus d’expiations
qu’ils peuvent à leur crédule troupeau : outre les . messes à six
sous, dont ils lui disent le plus qu’ils peuvent, ils l’ont soumis à une
multitude de pratiques dont, quelque médiocre qu’en puisse être le prix,
ils tirent de quoi vivre et soutenir leur famille, qui, en retour, les
aide au travail des champs, car les papas ne sont point exempts de
labourer la terre et de bécber leur jardin ; on en voit même qui gardent
les chèvres et les brebis. Ils disent des prières et répètent des psaumes
sur les hommes, les enfans et les bêtes malades, exorcisent les démoniaques,
excommunient les charançons, les sauterelles, les chenilles, les
limaçons et les vers de la farine, au nom de S. Tryphon, comme les
Espagnols vous guérissent du mal aux dents en invoquant leur sainte
Engrucia; ils bénissent l’étrenne de tout ce dont on se pare , les arbres
que l’on plante, le grain que l’on sème, l’huile et le vin de la récolte, qui
aigriraient nécessairement sans cette précaution, l’aire ou l’on bat le blé
avant que d’y épandre les moissons, la première coupe des cheveux et de
la barbe, les puits qu’on creuse, les fontaines ou se serait noyé quelque
animal, et qu’il serait par conséquent nécessaire de purifier, la barque,
les hameçons et les filets du pêcheur, les armes neuves, le seuil de la
porte de chaque maison au moins au premier jour du mois, quand
le propriétaire ne veut pas s’astreindre à cette cérémonie le premier jour
de chaque semaine ; toutes ces pratiiques ne coûtent au reste que quelques
paras. Les papas, qui ne jouissent pas en droit de la faculté d’appeler
leurs paroissiens au tribunal de la pénitence, et de donner la communion,
se l’arrogént néanmoins, et quand leurs ouailles viennent à la
sainte table, ils ont bien soin de leur faire apporter le plus gros pain,
dont ils ne brisent que la plus petite parcelle possible pour la consécration,
et dont ils réservent pour leur propre repas la principale part.
Réduits à ne jamais sortir de leur condition, les dignités de l’Îglise leur
sont interdites, mais ils s’en consolent au sein d’une famille qui rarement
leur est une cause de misère: leur sort est préférable sôus ce rapport
à celui des ministres des autres sectes du christianisme oii le mariage
des prêtres est permis; ceux-ci, à qui l’on impose dn genre d’existence
dont un certain décorum est inséparable, croiraient se déconsidérer en
faisant travailler leurs enfans à la terre ; ils leur donnent un genre d’éducation
au-dessus de la position dans laquelle ils les doivent laisser par
leur mort; aussi en Angleterre, par exemple, voit-on les filles publiques
se recruter principalement entre les demoiselles du clergé, tandis que
chez les Grecs la fille du prêtre, à laquelle on ne donne point à la vérité
les airs du beau monde, demeure une bonne paysanne, ordinairement
citée pour ses vertus; recherchée en mariage entre celles qui travaillent
le mieux, elle devient ordinairement une excellente mère de famille. On
a vu aussi des papas s’arroger de fulminer des excommunications, et ce
moyen conserve jusque dans leurs mains une grande puissance. Il est
surtout efficace quand ce sont les personnages éminens dans la hiérarchie
qui l’emploient, ainsi que le montrera l’anecdote suivante.