églises principales fixèrent mon attention : la plus considérable est située
dans le bas de la ville où se tient le bazar; elle date de l’époque byzantine
: des pierres carrées proprement taillées en forment les murs, et y
sont disposées en assises qui alternent avec d’autres assises de briques.
La seconde, bâtie dans l’une des rues de la partie haute et dont la
façade fait l’un des côtés, pourrait bien remonter au règne de Villehar-
douin Calamatis, et me semble être contemporaine du couvent des Cyprès
(p. 302) : comme dans celui-ci, deux fleurs de lis très-reconnaissables
sont sculptées aux côtés de la porte d’entrée; la toiture en. avait été
brûlée; l’autel, formé de Marbres antiques, gisait renversé, et quelques
pourceaux dispersaient sur les dalles calcaires du pavé des ossemens
humains arrachés aux tombes d’un petit cimetière contigu; mais une
lampe y brûlait devant une image presque entièrement effacée de la reine
des anges. Des peintures, où je distinguai le martyre de S. Etienne, et
diverses scènes de la Passion,, couvraient encore les parois du temple
profané. Un Français renégat, qui occupait un grade important dans
l’armée égyptienne, s’était, m’assura-t-on, diverti à creuser avec un
couteau les yeux de tous les personnages qui s’y trouvaient représentés,
ce qui produisait un affligeant et singulier effet.
Dans la matinée du 25, nous nous acheminâmes vers le Magne, dont les
habitans ont une réputation si bien établie que, si j’eusse pu croire à
tout ce qu’on m’en racontait, je ne m’y serais jamais enfoncé. On
jugera par mes récits du degré de confiance que méritent les rapports
calomnieux qu’on trouve partout imprimés sur leur compte, et qui,
selon l’expression du judicieux Polybe, « ont tous l’air de sornettes prises
« dans quelque boutique de barbier, et rapportées d’après la plus vile
« populace.1” Nous voyageâmes d’abord à l’ombre des Oliviers pressés
qui font la richesse de Calamata; de cette ville à la mer, dont la plage
sert de port, il peut y avoir 4 500 mètres tout au plus. Après une demi-
heure de marche, on se désaltère à la fontaine appelée Episcopi; une
demi-heure plus loin on traverse un fort ravin venant de Gianitza dans
les montagnes, et qui semble destiné par la nature à servir de limite entre
la Messénie et Sparte actuelle; un vieux kan d’Agios-Jassio était sur sa
i . Lib. IV, cap. 5 an commencement; tome IV, p. 20 des Commentaires deFolard.
rive. A partir de ce point, le golfe demeure à droite au pied d’un escarpement,
au haut duquel on marche sur un espace uni et fréquemment
coupé par des ravins parallèles, qui viennent des monts qu’on a sur la
gauche; des sources saumâtres, désignées sous le nom générique de Gly-
gonéro, suintent à la base des rochers riverains, et forment dans l’étroite
et buissonneuse plage de petites flaques d’une eau toute verdoyante de
Solénies (n.° 1486 de la Flore). Des pépinières d’Oliviers composent
la seule culture de ces lieux : elles consistent en de milliers de baguettes
feuillues qui proviennent de noyaux semés dru, et que protègent des
murs de quatre à cinq pieds de haut, formant de nombreux enclos en
carré long disséminés parmi les makis aromatiques.
Army ros, où l’on arrive après un peu moins de deux heures de marche,
est le moins mauvais mouillage de tout ce côté du golfe, et les embarcations
de deux ou trois cents tonneaux y tiennent assez sûrement sur
un fond de vase graveleuse où l’ancre mord profondément: d’assez jolies
maisons forment cette espèce de port où l’on bâtissait plusieurs nouvelles
demeures, aver. un magasin de douanes. Une fontaine orne la
place publique, où nous vîmes une école d’enseignement mutuel remplie
de beaux enfans, et tenue dans une espèce de maison fortifiée qui semblait
être la partie inférieure d’un ancien pyrgo : on ne comptait guère
que vingt familles à Armyros, dont la principale est celle des Kapita-
naki, qu’on nous dit être alliée des Mavromichalis. On aperçoit les
tours de ces capitaines sur les pointes de diverses hauteurs coniques et
isolées des environs; nous vîmes ces hobereaux, richement vêtus, tout
chargés d’armes embellies de dorures, dans un café où les gens considérables
de l’endroit jouaient au billard, et dans lequel nous entrâmes pour
juger de la qualité des rafraîchissemens qui s’y vendaient. Gomme nous
étions vêtus très-simplement en voyageurs naturalistes, ces personnages
ne prirent pas la peine de nous saluer, ce qui me donna d’abord une
assez mauvaise idée des notabilités avec lesquelles nous allions bientôt
nous trouver en rapport dans le reste du pays; mais nous avons plus
tard reconnu la légèreté de ce jugement, au noble et cordial accueil qui
nous a été fait partout ailleurs; au demeurant ces quasi-Maniotes des
confins de Sparte ne sont considérés dans le véritable Magne que comme
de simples Messéniens; on les y traite de gens nouveaux.