ou des rochers brisans, que l’importance de Navarin, à l’entrée d’un golfe
spacieux, a pu être reconnue. Sa position militaire, par rapport au col
sur lequel s’élève la route de Modon,devenait également digne de considération
pour les seigneurs francs, maîtres du vieux Navarin et qui
voulurent protéger le canton contre les Y énitiens, lesquels, possesseurs
. du midi de la Messénie, eussent pu venir les inquiéter par ce débouché.
Aussi la première notion positive du nouveau Navarin qu’on puisse
découvrir dans l’histoire, existe-t-elle dans la chronique de Morée, où il
est dit « quê messire Nicolas de Saint-Omer, vieux seigneur d’une haute
« noblesse et fort riche, qui avait fait bâtir un petit fort au pays de Maina,
« dans l’intention de protéger la contrée contre les attaques des Yénitiens,
« fit ensuite bâtir la place de Navarin, dans l’intention d’obtenir du roi
« (celui de Naples, alors seigneur suzerain du pays) qu’il en fît un fief
« pour son neveu, qui était grand protostrator, et qui s’appelait aussi
« messire Nicolas.15> Cette fondation dut avoir lieu dans le premier quart
du quatorzième siècle3 : c’est donc à tort qu’on l’attribua aux Turcs, en
la faisant remonter à deux siècles seulement3. Les Turcs ne firent qu’augmenter
les défenses de Navarin4; qui était déjà une forteresse, une place,
selon l’expression de la chronique de Morée, « place qui avait été long-
« temps entre les mains des infidèles ; lesquels, dit Coronelli, la gardaient
« avec beaucoup de jalousie.... On la voitV poursuit le cosmographe de la
« république de Yenise, à gauche du vieux Navarin, sur un penchant,
« fortifiée de bonnes murailles, avec une citadelle à six bastions, que les
« Turcs y bâtirent en 4 571, au pied de laquelle est un port, le plus spa-
* cieux de toute la Morée.... En 4644, le sultan Ibraïm lé choisit pour
« rendez-vous delà flotte, composée de deux mille voiles, avec laquelle
« le sélictar Bassa s’y rendit le 21 Juin, et en partit ensuite pour en-
« vabir Candie.... En 4 686, le généralissime Morosini ayant pris Zancbio
ou le vieux Navarin et voulant s’assurer l’entrée du port, afin de
1. Traduction de Buchon, p. 387.
2. De i 3io à i 3a o , en comparant des événemens où le* chroniqueurs n’ont pas toujours en
soin de rapporter les dates précises.
3. Rhulière, Anarchie de Pologne, t. III, p. 4oo.
4- Vers i 5oo, probablement quelque temps après la chute de Modon (voyez p. 68).
« faciliter le transport des canons, des mortiers et des vivres, quittaient
« nécessaires aux troupes commandées pour former le siège du nouveau
« Navarin, qui est une forteresse royale et d’une importance connue
« de tout le monde, donna les ordres nécessaires pour que dans4a nuit
« du 4 et du 5 Juin, ses gabares entrassent dans le port.... Le général
« fit porter en des lieux avantageux dix-huit mortiers, qui tirèrent des
« bombes de cinq cents livres de balles, avec une batterie de vingt
« pièces de canon de cinquante livres;* " Coronelli cite parmi les officiers
qui se distinguèrent pendant le siège, un Sanudo, lequel était probablement
de la famille des anciens ducs de Naxie, le général allemand Konis-
marck, ainsi qu’un prince de Turenne, « qui, dit touj ours Coronelli, donna
« dans cette occasion des preuves de cette bravoure qui est naturelle à
« tous ceux de sa maison. $ La place s’étant rendue, le général Morosini
y entra le 4 8 ; il y trouva cent pièces de canon en batterie, plus de trois
mille Turcs, dont mille bons soldats, formant la garnison, qu’on embarqua
peu après en vertu de la capitulation, pour être transportés à
Alexandrie, « et l’on chanta le Te Deum en action de grâce dans la
« mosquée, qui fut consacrée au culte de la vraie religion, et qu’on dédia
« à S. Vito, parce que la ville s’était rendue le jour ou l’Eglise célèbre
« la mémoire de ce bienheureux.| Ce temple, si souvent, et tour à
tour, turc, catholique ou grec^devint, lors de l’arrivée de l’expédition
libératrice, un magasin militaire, comme celui oit nous avons retrouvé
dans Modon un sanctuaire de Minerve (p. 99). Ce monument consiste
en cinq arcades moresques, formant un disgracieux portique au devant
de quatre gros murs, avec une sorte de dôme très-lourd : il est de peu
d’importance et de fort mauvais goût, comme on en pourra juger par
les dessins très-exacts qu’en a fait graver la section d’architecture2. On
ne saurait reconnaître le moindre vestige d’antiquité dans cette église
bâtie en moellons, et le reste de la ville n’en offre pas davantage. Navarin
est peut-être même le seul lieu d’une certaine importance en Morée, oii
je n’aie pas trouvé qu’on eût transporté, de quelques ruines grecques,
des chapiteaux du beau temps, pour en faire des autels, avec des fûts de
i . Description géographique dè la Morée, i .” partie, p. 64 à 70.
». Pl. 3 , plans et coupe par MM. Poirot et Ravoisié, et pl. 4 , vue par M. Blouet.