on trouve d’abord une jolie fontaine de Malosa, peu après laquelle
venaient des ruines qu’on nous dit être celles d’un hameau du même
nom. Après une heure de marche vers le Sud, nous traversâmes Tzia-
poga, où les hahitans, au nombre de plus de 50, venaient de rentrer;
nous suivîmes ensuite, à travers des champs couverts de moissons dorées,
des pentes d’où se distinguait à droite et dans toute sa beauté le bassin
supérieur de l’Alphée. Léondari, au milieu de ses bois d’Yeuse, en
dominait le centre à l’extrémité septentrionale d’une chaîne de hauteurs
qui va s’unir au Taygète, et qu’on pourrait mêmg considérer comme
le prolongement septentrional de cette montagne. Léondari, peuplé de
plus de 40 familles, indiqué sous le nom de Londano dans les vieilles
cartes, a été souvent pris pour Leuctres et même pour Mégalopolis.
Leuctres effectivement n’en devait être guère éloigné, et beaucoup de
décombres en plusieurs endroits des environs prouvent que tout le
canton fut très-populeux autrefois; mais souvent ravagé.dans les guerres
des Spartiates et des Arcadiens. Léondari lui-même a beaucoup souffert
dans ces derniers temps : ville importante vers le quinzième siècle, elle
était, à ce qu’il paraît, considérée comme la capitale de la péninsule;
mais sous Mahomet IV, les Vénitiens unis aux Maniotes ayant chassé
les Turcs, Léondari tomba à la condition de simple bourg; il comptait
encore, selon M. Pouqueville, 250 familles grecques en 1799.
A peu de distance sur la droite de la route de Tripolitza, où nous
aboutîmes, existent les sources qu’on regarde dans le pays comme celles
du Rouphia, et qu’indiquent les cartes de M. Lapie-et.de Gell; nous
descendîmes vers ces prétendues sources de l’Alphée; en y arrivant, je
trouvai sur les Labiées fleuries ces jolies petites espèces d’Ascalaphes
que je signalai à Brullé, qui les a décrites et figurées sur sa plancheXXII.
Ce sont les eaux supérieures du bassin de Francovritzi, où nous allions
passer, qui, absorbées par le sol ou engouffrées dans un katavotron,
reparaissent ici en bouillonnant à travers les blocs de roches confusément
entassés, et à l’ombre de Platanes séculaires : ces eaux font aussitôt
aller un moulin considérable; le grand chemin, qui est pavé, serpentant
sur la montagne à travers un bois de Chênes assez maigres,
laisse ’a droite la coupure au-dessous de laquelle l’onde circule mystérieusement,
pour produire tout à coup un fleuve si célèbre dans l’antiquité
par ses disparitions et réapparitions, qu’on supposait qu’il passait encore
sous la mer, après s’y être jeté, pour aller en Sicile s’unir à la nymphe
Aréthuse. Quand on est parvenu sur la cime du Kapsomati, on se trouve
entre deux bassins qui furent évidemment deux lacs contigus, changés en
plaines cultivables; on descend dans le moins étendu où étaient encore
des eaux stagnantes et . les restes d’un kan appelé Papa-Tziouni. Nous
fîmes halte tout auprès à l’ombre d’un grand Chêne isolé, couvert de
Loranthes (n.° 488) : aux environs étaient des prairies, et le lit presque
desséché de l’Alphée supérieur circulant dans la plaine se fourchait,
pour se perdre d’un cêté dans un katavotron; et de l’autre, sous les
éboulemens d’une gorge de montagne. Les galets de ces lieux nous offrirent
beaucoup de Schiste micacé, souvent réduit en sable brillant. J’essayai,
avec Yirlet, de pénétrer dans le gouffre, où ne se précipitait point
d’eau en ce moment, et dont les obscures profondeurs présentaient
d’un côté une pente de terre vaseuse, praticable durant trois ou quatre
pas; mais le T io 1 Barbaraki, chef de nos, muletiers, assura qu’il y
avait un très-grand danger à se hasarder plus avant dans les ténèbres
d’une caverne qu’il savait être sans fond et toute coupée a pic, « parce
« que, avant la dernière guerre, quand Colocotroni faisait le métier de
« klephte, il s’était trouvé avec lui dans une embuscade où l’on surprit
« un pacba revenant de Lala, et dont on tua presque toute la suite, qui
« fut jetée dans le trou où on entendit crier long-temps et bien loin,
* bien loin, ceux qui n’étaient pas tout-à-fait morts. ' Je rapporte cette
anecdote afin que, si jamais la civilisation, pénétrant au centre du
Péloponnèse, y fait régulariser le cours de l’Alpbée, au point que son
katavotron, cessant d’en être le dégorgeoir, ne soit plus qu’une simple
grotte à ossemens, on ne prenne pas pour des Anthropolites antédiluviens
les pauvres Turcs, dont on y pourra retrouver les squelettes.
■ La plaine où nous prîmes quelque repos est très-unie et semble être
close de tous côtés, excepté vers le Sud, où existe une large ouverture
î . Tio est un sobriquet qu’on donne aux gens d’un certain âge, et qui parmi leurs pareils
jouissent d’une certaine considération. On le retrouve en espagnol, où il signifie aussi oncle, ainsi
«Ju’en plusieurs autres pays du bassin méditerranéen.