manière à paraître immobiles. J’en abattis une vingtaine d’individus des
deux sexes, et il se trouva que c’étaient des Cresserelettes’, espèce assez
rare dans le reste de l’Europe, qui n’ayant jamais été figurée jusqu’alors
dans les ouvrages d’ornithologie, a dû trouver place dans la première
sérié de notre atlas.
On nous montra le lieu où le Mavromichalis, père de Pétro-bey d’aujourd’hui,
se défendit en 1770 pendant trois jours, avec vingt-deux
Maniotes, contre une armée turque, donnant par cette héroïque résistance
le temps aux Orloff de se retirer avec leur troupe sur les villes
maritimes de Messénie, où l’on a vu que ces agitateurs abandonnèrent
si traîtreusement les malheureux Moréotes à l’impitoyable vengeance
des Turcs (p. 123). Nous fîmes dresser nos tentes au nord du bourg,
au milieu de prairies ombragées de Saules, de Peupliers blancs et autres
grands arbres. 11 y avait en cet endroit une abondante fontaine
avec son lavoir. Dans les fosses bourbeuses qui séparaient les propriétés
autour de nous, je fis pêcher beaucoup de jolies Tortues d’eau douce
du genre Cystude, dont nous avons fait représenter les deux sexes dans
la planche "VIII de notre 3.e série, où M. Valenciennes, les ayant pris
pour deux espèces différentes, leur imposa deux noms. On en trouvera
la description dans la partie zoologique du présent ouvrage (tome III,
1." partie, page 61).
Après un quart-d’heure de marche toujours entre des haies de Nopals,
on arrive, en sortant de Nisi par le côté du Levant, à la Pirnatza, qu’on
traverse au moyen d’un bac à 4000 mètres environ de la mer. Ce fleuve,
Un peu enfoncé entre ses rives de terre forte, était alors comparable
pour sa largeur à la Marne. Le sol profond et gras, à travers lequel
coulent ses eaux, devint de plus en plus marécageux, et durant près
d’une lieue ce n’était qu’une affreuse boue tenace entrecoupée de fossés
dangereux, à travers lesquels on ne saurait voyager en hiver; durant
la saison pluvieuse il faut, pour se rendre de Nisi à Calamata, chercher
d’autres chemins. Dès la fin de Juin la surface de cette fangeuse étendue
devient au contraire dure comme du fer, et l’herbe courte qu’elle
produit sert au pacage des bestiaux. On se servait autrefois de Buffles
M Falco Tinnuncuhides, voja. t. III, i .” partie, p. ( j , et pl. II et m .
pour en labourer quelques parties; ces animaux ont entièrement disparu
pendant la dernière guerre. En sortant de ces insalubres marécages,
qu’il serait facile d’assainir et de fertiliser, on passe le Langada, fort
ruisseau qui descend de Kalamia. Kalamia pourrait bien représenter
l’antique Ralamé, que plusieurs ont mal à propos cru reconnaître dans
Calamata, où nous arrivâmes après avoir marché encore une heure
et demie, et traversé Asprokhoma, bourg situé sur un monticule et
dans lequel on parvient entre des haies de Nopals, qui sont encore plus
hautes et fourrées que celles des pourtours d’Androussa et de Nisi. Nulle
part je n’en avais vu de si belles. Asprokhoma, très-riche par le revenu
de ses huiles, ne comptait pas moins de 167 familles; lorsqu’on en est
sorti on ne quitte plus les bois d’Oliviers, jusqu’à l’instant où l’on arrive
sur les bords d’un large torrent venant de Mégaloahastova, village situé
à quatre ou cinq lieues dans les montagnes. Ce torrent fut certainement
le Nédon de l’antiquité; son lit, où quelques filets écumeux d’une onde
impétueuse roulaient encore, était encombré par des blocs de toute
sorte de roches polies et bleuâtres qui, pendant plus de deux cents
mètres de largeur, présentaient un tableau de désolation. L’encaissement
où ce Nédon s’enfonce, depuis sa naissance jusqu’à son entrée dans le
plat pays sous le fort de Calamata, est étroit, effroyablement escarpé
de côté et d’autre, il porte un caractère de déchirement rempli d’horreur
et de majesté. La ville est située sur la rive gauche et s’élève en pente
douce : elle est le chef-lieu d’une éparchie peu étendue, mais des plus
importante; on n’y comptait plus guère que mille habitans. Elle
avait été très-florissante vers le milieu du siècle dernier; une industrie
locale s’y exerçait sur les matières premières que prodigue son territoire;
l’on y fabriquait particulièrement de fort bonnes étoffes de coton, et des
espèces de foulards en soie, que la vivacité de leurs couleurs, ainsi que
la modicité de leur prix, faisait rechercher dans tout le Levant. Les
Turcs y traitaient les habitans assez doucement, laissant l’administration
entre les mains des principaux d’entre eux, qui jouissaient du privilège
de régler la cote des contributions. Calamata suivit toujours la destinée
de Modon, depuis l’ère chrétienne : au treizième siècle elle était comptée
parmi les forteresses de Morée, et l’on a vu comment, après être tombée