ne peuvent s’échapper qu’au moyen d’un dégorgeoir percé à travers
les parois environnantes pour leur procurer un cours souterrain. Les
Grecs nomment katabotron (jiar«)3or^ov) tout conduit mystérieux de
ce genre. La France physique offre quelques autres exemples de kata-
botrons pareils. Ce qu’on nomme trou du H an dans le pays de Namur
est l’un des plus considérables ;M. Quetelet, mathématicien de Bruxelles,
en a donné une description excellente, accompagnée de cartes; j’y
renverrai le lecteur, qui me saura gré de lui avoir indiqué l’intéressant
ouvrage du savant académicien belge.
Dans le département de Sambre-et-Meuse, un petit cours d’eau appelé
Rivière noire, se perd au-dessous de Couvin, tout près de la forge
de Saint-Rocb, entre Fraine et Pétigny, pour reparaître à quinze cents
mètres environ au lieu appelé Nismes, et se réunir non loin de Ma-
rienbourg avec une autre faible rivière, et qui, sous le nom de la
Blanche, forme avec elle le Yirouin.
Dans l’Arriége, l’Arize, tout près de sa source, se perd dans 4a
ceinture d’un vallon fermé près d’Alzein, vallon qui fut évidemment
un petit lac. Elle passe sous une voûte naturelle assez étroite; coulant
après sa réapparition dans un pays accidenté, elle rencontre encore,
après un cours d’environ deux lieues, un autre obstacle en manière
de ceinture, appelé Roquebrune, et disparaissant de nouveau à la base
de cette Roquebrune, elle se remontre de l’autre côté, au lieu nommé
le Mas d’Azilj ainsi par la suite on verra l’Alphée paraîtreQ et disparaître,
comme pour expliquer ce que la fable apprit à notre enfance
de ce fleuve amoureux.
L’Ardèche, dans le Yivarais, est de même interrompue assez près
de Yallon, hameau de Chasme, et non loin du point d’interruption
existe ce qu’on nomme le Gouffre de la Goutte, où disparaissent deux
ruisseaux qui viennent l’un du village de Yagnas, l’autre de celui de
la Bastide.
Enfin, dans le département du Calvados on trouve le trou de Soucy
que je visitai pendant l’été de 4 825, et sur lequel je puis eonséquem-
ment donner, de même que sur le lieu qui nous arrête en Provence,
le résultat de mes propres remarques. La Drôme et l’Aure, faibles rivières
de six à dix lieues de cours, s?y réunissent après avoir arrosé
un pays assez inégal dans un vallon que côtoiera route de Bayeux à
Port-en-Bessin. Port-en-Bessin est une petite ville peuplée de pêcheurs,
bâtie au bord de la mer,'dans une sorte de gorge'que forment deux
séries de hauteurs coupées à pic par des falaises du côté de la Manche,
mais dont les pentes sont adoucies vers l’intérieur du pays. En sortant
de Bayeux pour gagner le rivage, on s’élève d’abord insensiblement,
au lieu de descendre; parvenu à une certaine hauteur, un peu après
la moitié du chemin et vers la contrepente qui conduit au port, on
aperçoit devant soi un bassin peu étendu, très-bien circonscrit et séparé
de celui dont on sort par une colline en ceinture, à la base de laquelle
s’étendent des prairies et des champs très-unis. Au pied de la colline,
dans la terre grasse et fertile d’alluvion qui forme le sol, à peine trouve-
t-on durant la saison sèche des traces du lit des petites rivières; ce n’est
qu’au temps des pluies d’hiver, où l’eau y abonde, qu’on voit cette eau
disparaître par-infiltration , ou contre les rochers, en tourbillonnant
dans quelques trous, sans jamais cependant s’y engouffrer avec vior
lence,,. comme pourraient le faire croire les récits exagérés des paysans
du voisinage.
. De l’autre côté de la colline qui forme barrière, en arrivant à Port-
en-Bessin,‘on retrouve les rivières englouties ressortant de terre; le
lien où elles se remontrent est à peine élevé au-dessus du niveau de
la mer; elles y parviennent si ralenties dans leur cours, que la plupart
du temps les galets en encombrent l’embouchure, laquelle devient une
sorte de mare, couverte d’ulve intestinale. Pour se confondre enfin
avec les flots, l’eau engloutie au trou de Soucy doit encore disparaître
sous la plage ; après quoi elle reparaît encore par jets abondans où les
habitans du port vont puiser pendant le jusant l’eau douce et fraîche
qui sert à les désaltérer; car à marée haute ces fontaines limpides sont
recouvertes par les flots amers. Des bouillonnemens plus ou moins considérables
et des. infiltrations ayant lieu tout le long du rivage à la
base des falaises limitrophes jusqu’à une certaine distance , on doit y
reconnaître la même fcause ; il en est résulté des affaissemens longitudinaux
fort remarquables, parce qu’ils sont semblables à des Alpes en