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nous promit les secours empressés de la marine, toutes les fois que nous
jugerions nécessaire de les réclamer. M. de Rosamel, que nous visitâmes
ensuite, npus montra la même bonne volonté. J’avais eu l’honneur
de le connaître à Boulogne, lorsqu’il était aide-de-camp de l’amiral
Bruix, et que j’y fus envoyé par le général en chef du camp de Bruges,
pour porter la nouvelle d’un combat rendu devant Blanckenberg, par
l’amiral Yerhuel, combat dont le résultat fut la jonction d’une flotille
hollandaise, partie de Flessingue, avec la flotille française stationnée à
Ostende. L’amiral de Rosamel ne fut pas la seule ancienne et? honorable
connaissance qqe je trouvai dans le port de Navarin, Bougainville,
qui faisait aveç moi, en 4800, partie de l’expédition de découvertes
connue sous Te nom de Baudin, y commandait le Scipion, à bord
duquel je ne manquai point de me rendre.
Après avoir fait nos visites de mer, nous songeâmes à celles de terre,
et nous débarquâmes pour nous rendre au quartier-général sans nous
arrêter à Navarin; nous étions si joyeux de fouler le sol de la Grèce,
que nous refusâmes les chevaux qui nous étaient offerts. Nous voulions
aller à Modon en promenant, Navarin n’en étant qu’à deux lieues. Pour
y arriver, on s’élève sur des pentes pierreuses que déchire un ravin
caverneux dans les grottes duquel habitaient de malheureuses familles
grecques, et qui s’ouvre sur la place du village nouveau; au milieu
de cette place informe se voit un vieux puits d’eau saumâtre. Les
alentours en étaient alors tellement remplis de boue, qu’on y avait
jeté des pierres çà et là, afin d’y pouvoir arriver en sautant d’une
de ces pierres à l’autre. En atteignant le haut de la colline, nous
traversâmes les ruines de l’aqueduc, dont nous visiterons bientôt la
source et qui portait autrefois d’abofidantes eaux dans la place. Il
est maintenant détruit aux abords de la ville, mais il abreuve encore
l’hôpital -de la marine, que nous traverserons par la suite en allant à
Pylos. Le mont Saint-Nicolo s’élevait en face, conique, blanchâtre, dépouillé,
séparé de la ville de Navarin par un ravin profond, qui ajoute
par le côté méridional aux obstacles de ses approches. La route laisse la
montagne à droite, et, après un mauvais pont, s’élève par un col dont
la hauteur au-dessus du niveau de la mer est d’environ cent mètres. A
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gauche sont des pentes abruptement coupées, dans les flancs grisâtres
desquelles se, trouvent des grottes naturelles oii se retirent quelquefois
des bergers. Le peu, de terré qui unit les blocs de rochers dont se compose
le sol, est rougeâtre : il a,été cultivé naguère et doit être assez bon,
quoiqùé léger; on reconnaît beaucoup d’enclos1 en pierre sèche et des
terrassemens en degrés sur les pentes praticables ; ils furent des limites
de propriété maintenant abandonnées; si l’on s’en rapporte à Gell, ainsi
qu’aux voyageurs qui écrivirent avant nous, ces lieux étaient alors
plantés de mûriers', de cyprès et autres arbrés utiles; je n’y vis plus que
deux pauvres figuiers. Un poste français occupait les mines de quelques
anciennes maisons de campagne, à gauche du chemin, près d’une fontaine
desséchée, parce que les canaux en avaient été rompus; ici commençait
une voie pavée, large de deux mètres environ9 composée de
petites pierres arrondies, mal jointes, défoncée de distance en distance,
mais passablement tracée. Cette route datait du temps des Yénitiens ;
nous en trouverons par la suite .de semblables en*heaucoup d’endroits :
partout elles sont fort dangereuses pour les chevaux, et je ne conçois pas
comment on ne s’y casse pas le cou plus souvent. Dans le peu de circonstances
où je prenais des montures en Morée, j’aimais mieux me
hasarder à travers les précipices voisins que de suivre de pareilles routes,
et je les abandonnais ordinairement toujours pour chercher quelque
passage à droite ou à gauche, quelle que fût la difficulté des lieux.
De ce col, oit nous sommes parvenus, on jouit d’un magnifique point
de vue en se retournant vers Navarin. La ville disparaît presque entièrement
aux pieds du voyageur dans les pentes qu’il a gravies. L’aqueduc
circule dans le second plan. Le port, rempli de vaisseaux, la teinte bleue
du fond de la rade, Sphactérie et le vieux Navarin ou l’antique Pylos,
bordent le tableau à gauche; les plaines et les coteaux du fond de la
baie, ^surmontés par la chaîne des monts Géraniens, complètent l’encadrement
de cette riche marine représentée dans notre planche YII.
Des buissons d’obscurs lentisques, parmi lesquels s’élevaient des phlo-
mides frutescens à feuilles blanchâtres, protégeaient, contre les vents
assez forts qüi régnent habituellement sur le col, une végétation fleurie,
qui me fit reconnaître au premier coup d’oeil la nature et la richesse