tenir l’armée sous la* coupe ruineuse de ses ciseaux. Il n’existait aucun
autre genre d’industrie.dans cette malheureuse ville, où l’on dit que le
commerce avait fleuri ^pus la protection du lion de S. Marc. Des rebuts
de quincaillerie, quelques gommes-résines et autres articles pharmaceutiques
du Levant que ne tiennent plus les droguistes même les
plus aiifciérés de nos petites villes de province; force olives préparées de
deux ou trois*.façons également dégoûtantes à voir; de hideux poissons
salés; au Jbeurre coulé dans des vessies, semblable à de la graisse; du
fromage.pareil à du carton mouillé, et autres comestibles de mauvaise
qualité) des étoffes vulgaires, qui n’auraient été de défaite en nul autre
lieu, étaient tout ce qu’on pouvait trouver au bazar. On appelle bazars
les marchés publics dans toute l’Asie, et ce nom a été adopté à la surface
entière de l’empire ottoman, par lequel s’extravasa cette partie du
monde sur les deux autres quand l’islamisme y pénétra.
Le bazar de Modon occupa, sous la domination turque, la rue principale;
il y est demeuré. *Ce même emplacement fut sans doute celui
de l’agora au temps de Méthone; à peine pavé, il est bordPé des deux
côtés par des maisons irrégulières, où, sous des piliers de bois qui
forment par-ci par-là des avancées , sont des boutiques élevées de trois
à quatre, pieds au-dessus du sol, comme elles le sont dans le reste de
l’empire ottoman, et sur l’étal desquelles plus d’un négociant, immobile,
silencieux, fumant sa pipe à long tuyau, et accroupi comme nous
l’avions été au festin de Sapience (p. 90), semble être lui-même un
mannequin vêtu exposé en vente.
C’est à l’extrémité de cet agora,«qui se prolonge du nord au sud
dans toute la longueur de la ville; jusqu’à la porte par laquelle on
arrive au phare étagé, et un peu après*une autre rue transversale qui
conduit à la porte du Mandraki ou de la douane, qu’était 'le magasm
des subsistances militaires, où j’eus l’occasion de me rendre pour me
faire., délivrer l’eau-de-vie dans laquelle on a vu plus haut que furent
noyés les shelptopusik (p. 87). Çe magasin était établi dans la plus
grande des deux mosquées où les Turcs avaient naguères invoqué
Allah. L’édifice est passablement conservé, et deux rangs d’assez belles
colcmnes d’ordre ionique en soutenaient la toiture. La description de ces
restes de l’antiqüité étant du département de la section d’architecture,
nous renverrons' le lecteur jË ce que MM. Blougt, Poirot et Ravoisié
en pourront dire ou figurer. Je crus y reconnaître l’emplacement du
premier des monumens que mentionne Pausanias en ces termes1 : « A
« Mothone il y a un temple de Minerve Anémotis (p. 76) avec une
« Statue de la déesse. On dit que cette statue a été posée sous ce nom
« par-Diomède; . . . . . . on y voit aussi un temple de Diane, et dans
« ce temple un puits dont l’eau est naturellement mêlée d’une espèce de
« résine ressemblant au baume de Cyzique.w Comme il n’existait aucune
trace de puits balsamique dans le magasin, il n’était pas naturel d’y chercher
le second temple, sur les restes duquel on né saurait plus trouver la
moindre donnée; la ville n’offrant nulle part d’eau qui soit mêlée d’un
bitume quelconque. Le puits de Pausanias gît-il enseveli'sous les couches
de ruines qui se sont superposées dans l’enceinte d’une cité tant .de fois
saccagée? Je l’ignore. Si jamais quelques fouilles le rendent au jour,
on saura positivement où Diane était adorée par les Méthonéens; ce
qui pourra faire le sujet d’une belle lecture devant l’Académie des
inscriptions et belles-lettres. En attendant qu’on le retrouve, l’abbé
Barthélémy n’a trouvé^que cette particularité douteuse pour ramener
le nom de Méthone dans son Anacharsis8, où se lit simplement la
phrase de Pausanias, textuellement recousue selon la méthode, de
l’auteur, qui pouvait cependant, en sa qualité d’érudit, faire sur le
port une remarque dont aucun autre ne s’est avisé, savoir : que le
rocher Mothon, qui lui donna son nom, et dont nous avons parlé
plus haut (p. 64 et 70), dut être réuni à la terre ferme par Dotadas, fils
d’Isthmius, fils de Glaucus, fils d’Epytus, fils de Chresphorite, et l’un
des plus anciens rois des Mess’éniens, dont Pausanias a dit:-« qu’aux
« autres ports de la Messénie*il en ajouta un qu’il fit construire à
« Mothone.3 *
Dans toute la fraîcheur de son dernier désastre, la^ville de Modon
ne se composait guère, en 1 8 2 9 , que d’une centaine de maisons qui
i . LU. IV, cap. 35.
a. Chapitre XL, Voyage de Messénie.
3. Lib. IV, cap. 3.