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y trouve, outre le calcaire, de nombreuses alternatives d’argile marneuse
et de bancs minces de grès vert. U y existe, dans la partie du
sud, une anse dans laquelle on peut mouiller .par quinze brasses d’eau
et par tous les vents, pourvu que celui du sud ne souille point avec
trop de violence1. Si quelque navire se trouvait dans la nécessité de
s’y réfugier, il faudrait qu’il rangeât la côte de bâbord pour éviter trois
pointes de roches qui sont.sous l’eau, à stribord en entrant. £Test au
fond de cette baie qu’on trouve des restes de masures qui paraissent
avoir été élevées par des pêcheurs, mais qui n’ont jamais constitué
le village idéal que je trouve marqué sur plusieurs cartes.
5 .° L ’I l e V e r t e , Amariani ou Santa-Maria, qui gît précisément
entre la précédente et la suivante, n’est qu’un rocher ovale d’un peu
plus de mille mètres du nord au sud, sur un peu moins de large :
cette île est plus basse que Sapience et que Cabréra; son nom n’empêche
point que dès le mois de Mai elle ne présente un aspect d’aridité complet;
je l’ai, vue à la fin du printemps déjà toute brunâtre et entièrement
brûlée par le soleil. .
4 .° S a p ie n c e , enfin, est la plus grande3, au moins en longueur, car
elle a presque deux lieues et demie du*nord au sud; elle se rétrécit,
dans cette direction, en une langue de terre «nontüeuse;, pour former
en dedans, c’est-à-dire du côté oriental, une,assez bonne rade, où l’on
a de dix à vingt-cinq brasses d’un fond excellent à deux encâblures
de la côte. C’est en ce point de l’île que se trouve Porto Longona,
crique assez commode, couverte par le rocher appelé Spalmador, et
au fond de laquelle on voit les traces d’un village avec quelques citernes
; le tout fut protégé par un- château probablement vénitien»,
maintenant tout-à-fait en ruines. Dans la carte d’Arowsmith l’empla-
1. La carie anglaise, dite de Gell, marque le mouillage au nord-est, peut-être en existe-t-il
effectivement un en cet endroit de l’ile.
2. On voit dans les vieilles cartes, faites d’après les renseignemens des Vénitiens, son nom
écrit Sapienza ou Sapianze, et ce même nom y est donné au cap qui répond à la base du Saint*
Nicolo, vers la moitié de la distance de Modon et dé Navarin, cap qui maintenant n’a plus de.
désignation particulière. Dans la carte russe de 1797, cette île est indifféremment appelée Itm.nvxifia.t,
"Zipayiai et TlguTti ; ces deux derniers noms sont des fautes grossières.
Dans la carte anglaise, dite de Gell, on ne fait pas Sapience plus grande que Cabréra, ce
qui me paraît être une faute palpable au premier coup d’oeil.
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cernent du village est mal à propos marqué dans le nord de l’île, en
face de Modon1, où nous n’avons rien trouvé qui pût faire supposer
que des hommes aient jamais fait la moindre construction, et où même
ils eussent rencontré de grandes difficultés pour en faire, à cause de
l’âpreté des lieux.
Le mouillage entre Sapience et le continent est excellent et fut autrefois
très-fréquenté des navigateurs; une escadre s’y mettrait aisément
à l’abri des tempêtes, et pourrait y arriver indifféremment par la passe
du nord, entre la terre ferme et l’ile; par celle du sud, à gauche ou
à droite de l’Ile Verte; ou bien par celle de l’est, entre Cabréra et la
côte du port Lambro. Pour mouiller dans cette rade, les vaisseaux et
les frégates, s’ils viennent d’Europe, suivent ordinairement la première,
c’est-à-dire celle du nord ,.dite du Mandraki : il peut y avoir une lieue de
distance de Modon à Sapience ; on trouve entre les deux de six à sept
brasses d’eau; la passe est fort saine, en observant seulement de s’approcher
beaucoup plus du sud que du continent, à cause de quelques roches
qui se prolongent suivant la direction du nord jusqu’à trois ou quatre
cents mètres. Le côté où mouillent les grandes embarcations^ s’appelle
le fe r à cheval, parce qu’effectivement: la rive de Sapience y présente à
peu près cette forme : on y trouve de dix à douze brasses fort près de
terre, où de grandes hauteurs amortissent les vents assez avant dans la
baie de Modon; le fond de celle-ci n’est pas moins bon, quoiqu’il
y ait quelque danger à y mouiller, parce que les chrétiens et les Turcs,
dans les divers combats qu’ils s’y livrèrent, y ont laissé une multitude
d’ancres capables de scier les câbles sous l’eau.
Comme je formais le dessein d’explorer Sapience avant de quitter
le quartier-général, j’eus la visite du préfet de Modon; il parlait fort
bien le français, et s’était fait précéder d’un présent oriental, composé
de deux moutons nourris sur les pentes du Saint-Nicolo, et d’une caisse
d’oranges venues de Mistra. Depuis le temps où l’ordre et le calme
s’étaient rétablis en Morée par la présence des troupes françaises, le
gouvernement grec n’avait pas encore trouvé les moyens de former en
Messénie d’écoles d’enseignement mutuel. M. le préfet venait présenter
i . L’auteur de la carte de 1.807 n’a pas manqué de reproduire cette erreur.