82
du Péloponèse, de Corfou' jusqu’à Cérigo, serait considéiée'comme
ionienne, et lui serait conséquemment acquise, Sapience, l’Ile Yerte,
Cabrera et Vénético, font partie des possessions de cette Angleterre
dont les prétentions s'étendent jusques sur Prodano et sur Sphactérie.1
Il n’est pas jusqu’aux écueils de Trinissa, ainsi qu’au rocher de Mara-
thonisi, où se voit le château du général mainote Dzanetaki, qui ne
pussent être considérés comme des ioniennes au même titre, lorsqu’une
compagnie de Londres songera à s’approprier les revenus du bassin
de l’Eurotas. Si donc la Grèce constituée devenait jamais florissante
paï le commerce , que ses habitans parvinssent à tirer de leur propre
pays de nombreux objets d’exportation, à construire des navires
dans leurs ports pour transporter ces objets, ou que des vaisseaux
étrangers trouvassent quelque profit à les y venir prendre, l’Angleterre,
avec des forts sur Prodano, sur la pointe de Sphactérie, à Sapience
ou Yénético, à Marathonisi, enfin à Cervonisi, entre Cérigo et l’extrémité
sud-est de la Morée, avec des forts, dis-je, sur tous les rochers
de son pourtour, ^intercepterait, quand lui en prendrait fantaisie, toute
communication avec les côtes d’Elidej la baie de Navarin, le port de
Modon, les golfes de Messénie ou Coron, et de Laconie ou Kolokythia?
Nul ne pourrait doubler les caps Thénare ou Maléa sans la permission
de l’amirauté de Londres f et *qu’on n'allègue point que les îlots déserts
sur lesquels je voudrais appeler la sollicitude des puissances qui ont
intérêt à ce que la navigation de la Méditerranée ne tombe pas définitivement
tout entière au pouvoir d’une seule; et qu’on n’objecte pas,
dis-je, que ces îlots n’offrent aucune ressource pour que des populations
s’y puissent établir : ce ne sont pas des populations qu’on y
établirait, mais d’imprenables batteries, armées de gros calibre, avec
tous les moyens nécessaires pour abriter ses propres flottes et brûler
celles des autres. Ce n’est point pour son importance commerciale que
la compagnie, sous la protection de la métropole, fit autrefois de
Sainle-IIélène. dans l’Atlantique, une forteresse inexpugnable ; te n’est
pas pour protéger la ponte des tortues qu’elle a récemment occupé
i . Voyez l’état nominatif des îles et écueils composant le gouvernement des iles Ioniennes,
dans l’Atlas de l’histoire de ces îles; chez Dondey-Dupré. Paris, 1823.
8 3
1 Ascension : quand elle prend possession d’un rocher, la Grande-Bretagne
entend que la mer qui le baigne lui demeure assujettie dans la
vaste étendue de l’horizon dont il est le centre. S’il n’existe pas de possibilité
d’en obtenir des récoltes, elle y accumule des magasins de
vivres ; si l’eau de source y manque, elle sait bien y creuser des citernes ;
et si par une influence particulière du climat, la pluie même n’y
tombait jamais, elle saurait encore dérober de liquides tributs aux brumes
humides des nuits1, comme les habitans primitifs de l’île de Fer en
Obtenaient des feuilles d’un arbre révéré de leurs montagnes11. Il est
donc certain qu’on verra des léopards sur les moindres îles voisines
de la côte de Morée, dès qu’il sera jugé nécessaire à Londres d’y planter
la bannière d’Albion; et ses droits, tacitementïconsentis sur Sphactérie
et sur Sapience particulièrement, lui assurent dans l’avenir la possession
des ports de Modon et de Navarin, enlevés aux Musulmans par des
baïonnettes françaises. Quoi qu’il en soit, sans songer que nous fouillions
le sol anglais, et pendant qu’on préparait le festin, chacun de nous
se mit à escalader gaîment les blocs de pierre qu’il trouvait devant
soi. J’avais établi une station barométrique au bord de la mer, sur la
plage sablonneuse; MM. Pector et Delaunay portèrent l’autre instrument
sur le point culminant de l’île3, et de la comparaison de nos observations
il est résulté deux cent quatre-vingt-cinq mètres de hauteur au-
dessus du niveau de la vague pour ce pic. M. Despréaux, quoique
malade, récolta les plantes. MM. Boblaye et Virlet étudièrent le terrain
et le trouvèrent en tout fdlement semblable à celui du Saint-Nicolo, qu’ils’
n’hésitèrent point a prononcer que l’île entière n’était qu’un prolongement
de cette montagne, tandis que nous avons reconnu dans Cabréra
et Yénético le grès vert des hauteurs opposées^). 73). Baccuet crayonna
le profil de la côte de Messénie, et M. Brullé, cherchant des insecte®,
n’en captura qu’une douzaine qu’il avait déjà rencontrés aux environs
1. A l’Ascension, rocher prM de sources,’ ndn moins âpre que.Sapience, c'esl an mojen de
toiles vernies, qui forment la couverture d'uneétable à boeuf, que l’oh obtient, pour désaltérer
les animaux, l’eau qui se con^nse à la surfaep de ces toiles, pour couler en gouttes dans un
réservoir qui finit par en contenir plusieurs tonnes.
2. Essais sur les iles Fortunées, chap. IV, p. 220.
3. J’ai eu soin de signaler ce sommet dans la planche VDI.