entre nous et ses crêtes neigeuses, tandis que l’Ithome et l’Evan semblent
s’abaisser aux pieds de tant d’imposantes masses; en gravissant sur les
hauteurs qui sont au nord du temple, on voit la Méditerranée presque
tout autour de soi; l’Olénos, non moins éblouissant de frimas que les
sommets de Laconie, y rattache seul le spectateur au continent. Le long
d’une rampe de roclusrs voisins est l’autre route, par laquelle on peut
monter à Bassæ, en-passant par Skhiro, et en venant d’Ampélonia; route
durant laquelle on nc 'perd pas un instant de vue l’ensemble des monts
Tétrage sur la gauche, et que suivit M. Dodwell, qui était parti de
Karitbène; ou sait comment en 1812 encore, ce temple, dent il ne reste
que des débris, fut retrouvé intact par le voyageur anglais, lequel en avait
entendu parler par hasard, comme Fourmon avait entendu parler de Mes-
sène, quand il eut l’heureuse idée d’en visiter les ruines ; il n’y manquait
que la statue du dieu qu’avaient encensé les antiques Phigaliens; en peu
d’instans ses magnifiques frises et tout ce qui en faisait l’ornement disparut
spolié par une troupe de spéculateurs qui en ont enrichi Londres \ Un
i . On lit dans la gazette qui, au temps de la dominationfrançaise, paraissait à Xante, une note
sur la découverte du temple de Bassæ, sous la date de Septembre 1812. Il y est dit: « Ceuxqui
« s'intéressent à l’antiquité grecque, apprendront avec satisfaction qu’une nouvelle et très-importante
« découverte a été faite tout récemment dans le Péloponnèse spr le mont Cotylus en Arcàdie dans
« le temple d’Apollon. Elle consiste en. 96 pieds de bas-reliefs en marbre avec cent figures de la
« proportion de plus de deux pieds et presque non autrement endommagées qtieÿpar la chute
« Soufferte lors de la destruction du monument. Le sujet est double : une suite de cinquante-trois
« figures représente un combat d’amazones avec les héros héléniens, et de quarante-sept figures
« représentant le combat des Centaures et des Lapithes aux noces de Périthoüs. On ne saurait dire
« exactement'combien de siècles ces restes précieux de la sculpture grecque sont restés ensevelis
sous les gros blocs de pierre qui les cachaient* mais Pausanias nous apprend que l’architecte
ïctinus le même qui bâtit sous Périclès avec Callicrate le Parthénon d’Athènes, bâtit'aussi ce
« temple dorique, qui fut, après celui de Tégée, régardé comme le plus accompli de lout le
« Péloponnèse : or,JBérielès ayant vécu cinq siècles avant J. Chr., il né peut s’étre écoulé moins de
« 2000 ans depuis. J^ection de ce monument.» Le temple datait cônséqnçminent de deux mille
trois cent dix-sept ans quand nous le visitâmes. Ce qu’on en a transporté à Londres, n’a pas été
Par quelques personnes, digne des éloges qu’on y avait prodigués afin de donner plus de
valeur aux objets que les spoliateurs avaient soi-disant préservés de la destruction, moins par
amour pour les beaux-arts que pour les vendre. Il est naturel que des frises sculptées pour être
vues de bas en haut à vingt ou vingt-cinq pieds d’élévation , ne produisent p oin t/ appuyées au
bas d’un mur et dans uu grand état de délabrement, l’effet qu’elles devaient produire lorsqu’elles
étaient à leur place, et celles de Bassæ n’en sont pas moins fort précièuses, soit qu’on les vante,
soit qu’on les dénigre outre mesure.
La gazette ajoute : « La longueur de la frise s’accorde exactement avec le pourtour de l’entablement
savant Allemand1 dit à se sujet : «Les colonnes ioniques du temple de
« Bassæ supportaient cette célèbre frise que le vandalisme en arracha
« et enleva à main armée, pour la porter sous le ciel brumeux d’une
« ville enfumée, ou peu d’artistes étrangers sont admis à l’étudier, et
« dont peu d’habitans sentent la beauté. C’est un trait qui fait pendant
« avec le brigandage auquel lord Elgin s’est livré à Athènes; ces deux
« expéditions seront toujours caractéristiques dans l’histoire de l’art; et
« la postérité saura que ce qu’aucune nation n eût osé faire, ce qui
« répugnait aux Turcs même, les Anglais le firent:” En effet Véli Pacha,
fils d’Ali, s’étant opposé à cè qu’on détériorât, pour en emporter des
morceaux, le monument qu’avaient respecté tant de siècles, et qui fût
peut-être le seul dans l’univers que la barbarie du moyen âge n’eût point
dégradé, on s’en empara clandestinement, on le vola. On rapporte à ce
sujet qu’un ambassadeur de la Grande-Bretagne, croyant faire sa cour
à S. M. Louis XVIII, qu’il savait être amateur éclairé' des beaux-arts,
en lui offrant des Camées faits sur le modèle du Parthénon et de Bassæ,
le Roi ne daigna seulement pas y jeter les yeux, « ne voulant pas, disait-
« il, qu’on pût imaginer qu’il approuvât, même en regardant les Camées,
« l’action des Erastrates modernes. ”
Nous ne prîmes aucune mesure du monument que nous savions devoir
être bientôt visité par MM. Poirot, Blouet etRavoisier; mais après avoir
soigneusement recueilli divers fragmens dispersés, échappés aù pillage,
« et de la cella du temple qu’elle couronnait dessous l’hypètre* l’un et l’autre étaient'portés de
« chaque côté par cinq pilastres ioniques et par une seule colonne isolée vis-à-vis de la porte.
« Ces pilastres avaient avec l’entablement vingt pieds de haut, la cella en à autant de large sur
« trente-quatre de long. La statue d’Apollon doit avoir été placée contre la colonne vis-à-vis de
« la porte.. . . On trouva dans les fouilles deux mains et deux pieds en marbre blanc, d’un beau
« travail et'd’une grande proportion.... nombre de fers de lance, quelquçsomemens en bronze
« et en argent , un petit vase en bronze, une petite statue d’Apollon en bronzé, mais rustiquement
« travaillée, et du style égyptien* plus une petite armure de jambe en cuivre, exactement de la
« forme qu’bn voit sur les vases étrusques, c’était sans doute un ex voto. . . . H reste encore sur
« pied trente-six..colonnes des trente-huit qui composaient le péristile dorique de dix-neuf pieds et
« demi de haut, six à la façade et treize latérales.» Les possesseurs des dépouilles du temple de
Bassæ, ayant étalé leurs larcins dans l’une des îles Ioniennes, sous la protection du gouverneur
britannique, firent publier par toute l’Europe qu’ils les vendraient à l’enchère le premier Mai >814,
et que nulle offre ne serait admise au-dessous de soixante mille ialaris d'Espagne.
1. Christian Miller, Voyage en Grèce'et aux îles Ioniennes. Lettre IV.