engagerait parmi des escarpemens formés de ce même Poudingue du col
et du mont Saint-Nicolo, dont la couche épaisse ne présente rien qui
mérite qu’on s’expose à rouler dans la mer, dont on aurait à chaque
pas les abîmes au-dessous de soi. Il vaut donc mieux, pour s’élever au
faîte de la double presqu’île, suivre le chemin battu. Ce chemin est
évidemment le même qui, dès la plus haute antiquité, conduisait de
Coryphasium à une acropole commune aux habitans de deux villes
comme adossées, ainsi que nous le montrerons tout à l’heure.
En montant au Yieux-Navarin par les deux sentiers marqués sur
mon plan, on arrive à.mi-hauteur sur un plateau de peu d’étendue,
verdoyant quand nous le traversâmes, et que doraient aussi les fleurs
d’un Seneçon alors tout épanoui (Sehecio lividus, ■ n.° 44 67). J’y reconnus
quelques demeures des derniers habitans de ces lieux. Les moins
anciennes avaient existé dans un enclos dont les murs, à hauteur d’appui,
étaient passablement conservés, et qui pouvait avoir vingt-cinq mètres
de long sur une douzaine de mètres de large : le tombeau d’un Turc, qui
en fut peut-être le dernier propriétaire, s’y voyait encore; A quelque
distance s’élevait un tumulus d’un tout autre caractère, évidemment antique,
fort bien conservé, marqué G dans mon plan, et qui, ayant sans
doute échappé jusqu’ici à l’attention des hommes, paraissait ne pas avoir
été violé. En grimpant, à droite, parmi les blocs confusément entassés
de rochers dépouillés qui correspondent à la cime de l’escarpement dont
la base est baignée par l’étang d’Osman-Aga, on parvient à des espèces
de créneaux naturels qu’ombragent des touffes de Lentisques et de Téré-
binthes, à travers lesquels on jouit d’une vue magnifique, s’étendant
sur la baie de Navarin d’un côté, et les campagnes fertiles que bornent
les Monts Géréniens de l’autre, ayant en face, par-dessus les Roseaux,
des marécages sur lesquels on plonge des pentes du plateau de Koubeh,
couronnées par le Manglava et le pic du petit Saint-Hélie. C’est ici que
je vis pour la première fois le Bupreste que nous avons fait figurer , en
vignette à la page 29 du tome III de cet ouvrage (4 .re partie, 2.e section).
Il semblait s’y plaire aux extrémités des branchages sur les arbustes et
les buissons.
Après le tumuliis, à la jonction de deux sentiers, les débris de
masures et d’enclos qui protégèrent de petits jardins oit persistent
quelques Amandiers, se rencontrent en plus grand nombre. Quelques
vieux pieds de Cactes se sont conservés dans les fentes de la hauteur
pierreuse qu’on laisse à droite. On passe contre les débris d’une tour dii
moyen âge (H). De ce point, la route, moins dégradée, demeure, parallèlement
aux remparts méridionaux, pavée à la manière vénitienne,
c’est-à-dire comme l’est le chemin qu’a fait réparer le général Schneider
sur le col du Saint-Nicolo, entre Navarin et Modon. Son tournant est
brusque et soutenu, du côté du ravin, par un bon mur. Une grosse et
forte tour ronde, à la base de laquelle le roc a été profondément coupé
pour lui former comme un fossé, terminait les fortifications par ce
côté-ci. On lui tourne le dos pour se diriger sur la tour carrée principale,
saillant en L sur la'face des ouvrages dont on suit le pied, et dans
laquelle était pratiquée la porte de la ville. Un peu avant d’y entrer,
on reconnaît qu’il a existé une autre porte (K) dans lé rempart; mais
elle avait été murée. Des portions de constructions helléniques se reconnaissent
çà et là, notamment en deux endroits, où semblent avoir existé
des murs dont la direction était perpendiculaire (J) à ceux du moyen
âge. La grande tour de l’entrée a été évidemment fracassée par l’effet
de la mine; aucune autre force n’eût pu la fendre ainsi et renverser ses
quartiers en divers sens. La porte en est demeurée toute défigurée. On
y''reconnaît néanmoins, ainsi que dans le reste de toutes les fortifications,
le système et la manière de bâtir des héros de la croix et de la
République dominatrice de l’Adriatique.
La montagne du Yieux.-Navarin est semblable à Sphactérie par la
nature de ses roches, par ses formes, par l’exposition de ses pentes et
la direction dé ses escarpemens ; la ville détruite dont elle se couronne
fut composée de deux parties d’inégale grandeur, comprises dans une
enceinte commune, inclinée en forme de carré long du nord au sud,
et que séparait un puissant mur transversal. La supérieure, plus petite,
sise au point culminant, en était la citadelle ou réduit; elle fut l’habitation
des Seigneurs du temps féodal et des podestas qui les vinrent remplacer
sous l’empire du Lion de Saint-Marc. On y reconnaît l’emplacement
et les restes du château avec ses dépendances. Le corps de logis