Marmara, qui s’apercevait à quelque distance vers le Nord-Ouest. Peu
après ce lieu, nous descendîmes dans l’un des affiuens du Cyparissus qui
coulait du Nord au Sud, et venait des hauteurs que nous allions bientôt
traverser : sur des collines arrondies j’aperçus une petite chapelle
de Saint-Hélie à droite. Nous voyagions par des lieux qui furent naguère
bien cultivés, particulièrement le long des pentes, oii de petits cours
d’eau, autrefois dirigés avec soin, arrosaient la terre; en plusieurs endroits
il y avait des prés, des champs et de jolis bouquets d’arbres soigneusement
ménagés. Laissant à droite les ruines du village de Kakava, il fallut,
pour passèr d’un vallon que nous avions remonté durant quelques ins-
tans, à celui par lequel nous devions arriver à Sidérokastron, gravir
péniblement sur un contrefort dans la longueur duquel est un col, d’oii
l’on jouit du plus beau coup d’oeil; le Taygète, éloigné de onze lieues
environ, s’y faisait remarquer par l’éclat de ses neiges, l’Itome semblait
faire partie de ses racines un peu vers la droite; un ravin ou vallon profondément
creusé, descendant du Nord, était à nos pieds; sur l’escarpe-
mènt oriental de celui-ci se distinguait Mourato, qu’à son étendue on eût
pris pour un gros bourg, quoiqu’il n’y ait pas deux cents habitans; on
compte deux heures et demie de ce village à Ârcadia. La route devint
meilleure ou du moins plus distinctement tracée à partir du col; elle
contourne et passe un vallôncule, laissant à gauche deux sommets
inégaux, et descend ensuite par une pente assez bien ménagée dans le
grand ravin de Mourato, que l’on passe pour le remonter par sa rive
droite : un mur la soutient du côté du torrent, et les flancs des remparts
latéraux, dépouillés de terre, présentènt de puissantes couches de Calcaire
moréotique passant souvent au saccharoïde le plus beau, parmi lesquelles
nous vîmes certaines veines magnifiques d’une éclatante blancheur, qui
ne l’eût cédé en rien aux marbres de Paros et du Pantbélique pour la
sculpture. A l’extrémité du vallon, la .montée devient très-rapide, et
l’origine du ravin se confond avec la route étroite toujours flanquée de
veines de Marbre. Après quatre heures de marche au moins, nous^étions
parvenus sur le petit plateau que forme un col à la gauche duquel est
situé Sidérokastron : ce lieu, qui fait partie du canton de Soulima, contient
environ quarante familles, avec une chapelle ou sont plusieurs débris
antiques et des fragmens de Marbres travaillés; ses maisons sont éparses
dans l’espace que laissent entre eux deux monts ou mamelons assez élevés ;
à notre droite il y avait d’autres mamelons, dont trois, assez rapprochés,
avaient également l’aspect de cônes volcaniques, encore qu’il n existe pas
la moindre trace de l’action des feux souterrains dans leur constitution.
On dit que les habitans du pays sont grossiers et peu habitués à la vue
des étrangers; leurs terres cependant me parurent bien tenues. Sidérokastron
est indiqué sur la plupart des vieilles cartes qui me sont connues,
mais nen manquait pas moins dans celle de M. Barbier Dubocage; ce
lieu doit pourtant être fort ancien, et peut-être même y trouverait-on
des restes helléniques à travers ceux du moyen âge qui y sont évidens.
Lapie et Gell l’ont aussi appellé Isidorokastron ou château de S. Isidore,
d’oii par corruption, sans doute, s’est fait le nom actuel qui équivaut à
Château-de-Fer. Ce prétendu château de fer, qui était comme perché à
une certaine distance, n’est accessible que par une route fort escarpée;
il ne consiste aujourd’hui qu’en décombres* et l’on ignore à quelle époque
et par qui ses murs composés de petites pierres furent bâtis. Il existe
encore d’autres ruines plus ou moins reconnaissables dans les environs
et sur les montagnes de Koutra (antiquement Elaius), qui se rattachent
au Tétrage par le sommet de Kouvela, et l’on y découvrirait plusieurs
choses fort intéressantes, si l’on explorait soigneusement les vallons et
les sommets du bassin delaNéda surtout par son côté méridional.
Nous fîmes halte, ayant à nos pieds le vallon de la petite rivière de
Kouroucéna, qui se jette dans le Bourzi, à la fontaine de Petrokhristi,
située contre une route qui rejoint probablement celle du pont de l’embouchure
du fleuve. Les sommets dont nous étions environnés, étaient
assez variés, et parés d’une belle végétation; après nous être reposés,
nous descendîmes par des pentes herbeuses pour reprendre la route
que nous avions abandonnée pour trouver de l’eau : elle circule'd’abord
dans un joli bassin parfaitement uni, où se voyait à droite un moulin
en ruine; puis le chemin de Ripézi, village considérable, environné de
riches cultures, que nous aperçûmes sur les hauteurs; peu après étaient
des pans de rocs coupés en murs, sur lesquels je cherchai à tirer de
grands Aigles, sans pouvoir parvenir à m’en approcher suffisamment.