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 pente générale s’abaissait doucement de l’est, où surgit le Manglava, à  
 l’ouest, où s’enfonce la baie de Navarin. Plusieurs ravins ,  dont les en-  
 caissemens  dissimulés dans  les ondulations du  terrain ne se pouvaient  
 apercevoir,  en sillonnent cependant assez profondément l’étendue, et le  
 premier que nous rencontrâmes, après trois quarts  d’heure de marche  
 par la rcute unie de Nizi,  fut celui qui,  venant du petit  Saint-Hélie,  
 tombe dans la Djalova,  où  ses  eaux  alimentent  cette seconde  cascade  
 dont le murmure était venu jusqu’à  nous pendant la matinée. Son lit  
 était profond,, caverneux,  coupé d’un grand nombre de ressauts interceptant  
 des bassins remplis d’une eau profonde et bleue, sur laquelle se  
 courbaient en corniches des blocs de rocher fracassés, souvent énormes,  
 couronnés  d’une  épaisse  verdure.  Les  bosquets  qu’il  nous  fallut  traverser  
 étaient principalement composés  par des Chênes à  feuilles persistantes  
 et de petite espèce. Ce ne fut qu’après avoir monté sur la berge  
 de droite du torrent que, le plateau s’élevant de plus en plus , mais insensiblement, 
  nous commençâmes à trouver de magnifiques arbres. Le sol  
 était  sablonneux, mais  susceptible  d’être  fertilisé;  sa  surface  était  en  
 grande partie  couverte d’Asphodèles (n.° 456)  en pleine floraison;  qui  
 coloraient  le  canton  en  gris  de lin nué d’un  violet tendre,  tandis  que  
 dans les sites inférieurs de la région riveraine  cette plante notait plus  
 chargée que de ses  capsules d’un vert assez foncé. L’Asphodèle, chez les  
 anciens,  était l’herbe des mânes :  elle abonde dans les parties incultes  
 de toute la Grèce,  depuis les bords de la mer jusqu’à près de six cents  
 mètres  d’élévation;  au commencement du printemps les baguettes terminées  
 en  thyrses,  qui lui servent de  tiges,  se développent avec rapidité, 
   atteignent  de  deux  à  trois  pieds  et  ressemblent  d’àbord  à  des  
 Asperges très-minCes; les  corolles, d’im blanc lavé et rayées de pourpre  
 en  dehors,  s’ouvrent  depuis  la mi-Mars dans  les  bas, jusqu’à  la fin  
 d’Avril  dans  les  hauts  :  elles  servent  d’asile,  durant  quelques  jours  
 seulement,  à  une  élégante  espèce  de  Ganthâride,  que  M.  Brullée  a  
 décrite et figurée (Pl. 44,  fig.  7 et 8 de la 5.e série, T.  5, n.° 44 7)  sous  
 le nom  de  Dwes,  Cet  insecte disparaît avec la  floraison  de la plante.  
 Dans les temps de misere et de famine où nous voyagions,  de pauvres 
 Grecs  arrachaient les bulbes fasciculées  des Asphodèles  pour  les faire  
 cuire et les manger; mais ils n’y  avaient recours qu’à la dernière extrémité, 
   et lorsque les Mauves et la moelle des tiges de Chardons venaient  
 à leur manquer. 
 La végétation se montrait moins  avancée dans cette région que nous  
 ne l’avions laissée au bord de la mer et dans la plaine de Modon particulièrement. 
  Entre les fleurs hâtives,  celles des modestes Cyclamen et  
 des Anémones, purpurinçs ou couleur de feu, étalaient un grand luxe de  
 teintes vives  ou suaves; ces dernières  surtout se pressaient à tel  point  
 sur divers lieux, qu’ils en paraissaient être entièrement teints de vermillon; 
   nous fûmes  frappés par l’unanimité  avec laquelle leurs brillantes  
 corolles se tournaient vers  l’astre  du  jour;  sur  plusieurs  milliers  que  
 nous pouvions distinguer à la  fois, il n’en était pas  une  qui, penchée  
 du  côté de l’orient dans la matinée, ne se fût redressée durant  le passage  
 du soleil au méridien pour se recourber, en se tournant du côté du  
 couchant, dès le commencement de  la  soirée.  Toutes,  sans  exception,  
 nous  regardaient  à cinq heures de l’après-midi quand nous marchions  
 vers la forêt de Koubeh;  le lendemain,  lorsque nous levâmes le  camp  
 pour  cheminer en sens contraire, elles nous regardaient encore et semblaient  
 saluer  le jour nouveau.  Je serais  tenté  de croire  que ce mode  
 de gyration  invariable chez les Anémones, lequel ne s’observe  à un si  
 haut degré  dans aucune autre plante, dût être remarqué  de temps immémorial, 
  et que c’est à ces végétaux, bien mieux qu’à ce qu’on appelle  
 Héliotrope et Tournesol,  que l’antiquité voulut faire allusion par l’histoire  
 de la nymphe Qytie, morte d’amour pour Apollon,  et qui, métamorphosée  
 en fleur,  semble conserver l’habitude de poursuivre de ses  
 regards le radieux ingrat dont  elle  fut dédaignée. 
 Le sol devenait sablonneux et de  plus  en plus léger, mais il demeurait  
 toujours excellent; il produisait diverses belles Orchidées; les grands  
 arbres se multipliaient, leurs gros troncs étaient chargés de Mousses, de  
 Cladonies (n.°  4434) et de Polypodes  (n.°4334) du  côté du nord  seulement. 
   Sur le soir, nous  étions au plus profond de la forêt; on eût pu  
 s’y  croire dans  quelques  épaisseurs de celles  de Saint-Germain ou de  
 Fontainebleau, parce que les mêmes espèces de Chênes y dominaient et  
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