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« crant plus d’un tiers de ses habitans. Les Messéniens, se rappelant alors
« les services que leur avaient rendus les aïeux des victimes au temps
« d’Aristomène, en recueillirent les restes avec humanité. Combien peu
« de stabilité ont les choses humaines ! Les Messéniens donnèrent à leur
« tour un asyle aux Àrcadiens, et cé qui pouvait encore moins se pré-
« voir, les dieux voulurent qu’ils prissent Sparte; car ils combattirent
« contre Cléomènes à Sellasie, et s’emparèrent de Lacédémone avec
« Aratus et les Acliéens Le tyran Nabis ayant pris Messène à son
« tour, Philopoemen et les Mégalopolitains y arrivèrent dans la même
« nuit et la délivrèrent.
«Les Achéens, ayant eu dans la suite quelques sujets de plainte
« contre les Messéniens, marchèrent contre eux; mais Dinocrates, qui
« en était le chef, vint avec ceux de la ville et de la campagne garder
« tous les défilés, et força leur commandant Lycortas à la retraite.
« Philopoemen, qui vint à son secours avec quelques cavaliers, fut lui-
« même vaincu et fait prisonnier; ce héros ayant été conduit à Messène,
« l’on s’assembla pour délibérer sur ce qu’on ferait de lui. Le peuple
« le voulait sauver ; les plus considérables d’entre les citoyens le firent
« mourir par le poison. Mais bientôt après, Lycortas, ayant rassemblé
« des forces, accourut pour venger Philopoemen; le peuple de Messène se
« rangea de son côté, et les meurtriers, abandonnés, subirent la punition
« qu’ils avaient méritée. Dinocrates, le plus coupable* se tua lui-même.
« Les Arcadiens emportèrent le corps dé leur général à Mégalopolis.1 *
Dans la grande agonie de la république romaine, Messène prit parti
pour Antoine contre Auguste; le vainqueur l’en punit : après le châtiment
qui lui fut infligé, sur lequel l’histoire donne peu de renseigne-
mens, et qui consista principalement dans une diminution de territoire,
cette ville n’est plus que très-légèrement citée dans les troisième et sixième
siècles de l’ère moderne; elle s’efface ensuite, pour ainsi dire, à petit
bruit, quoiqu’on y trouve les indices d’une population de l’époque byzantine,
et que le devin Bacis lui eût prédit une éternelle durée*. Il n’en
1. APKAAIKA, cap. 5i .
2. « Ce Bacis a fait des prédictions relatives à différons peuples de la Grèce, et particulièrement
« sur le retour des Messéniens. Alors, dit-il, Sparte perdra la brillante fleur de sa jeunesse et Mes-
« sine sera rétablie pour tous les siècles à venir. ME22HN1KA, Kt<p. x f '.
est pas dit un mot dans la Chronique de Morée, aucun chevalier croisé
ne s’y étant, à ce qu’il paraît, établi et retranché féodalement; enfin,
totalement abandonnée, car le pauvre village qui en occupe le centre ne
saurait la représenter, son emplacement demeure inconnu; l’on s’en
forme une idée si fausse, d’après l’indication de Ptolomée *, que toutes les
vieilles cartes, depuis celle de Mercator jusqu’à celle où Dan ville vient
enfin remettre les choses en leur lieu, placent Messène, écrite Messegnia
ou Messeniga, au bord de la mer dans le golfe de Coron, à une distance
à peu près égale de la ville qui lui donne son nom et de l’embouchure du
Pamisus, en un point qui répond à peu près à celui où nous voyons
maintenant Pétalidi. C’est l’abbé de Fourmon, auquel en 1729 une sorte
de hasard découvre la vérité : «De Nissy (Nisy), dit l’historien de l’aca-
« démie des inscriptions®, il prit le chemin qui conduit à Androùssa;
« il apprit dans ce dernier lieu qu’il y avait autrefois dans les montagnes
« qui sont proches, une ville que l’on nomme Mavromatia (Mavromati);
« il y alla et à la vue de ses murailles, de son étendue et des morceaux
« du Marbre le plus beau, il fit fouiller; et les inscriptions qu’il trouva ne
« lui permirent pas de douter que ce ne fût l’ancienne Messène. Cette ville,
« à ce que l’on en voit aujourd’hui, a été la plus grande du Pélopon-
« nèse ; ses murailles, ouvrage d’Epaminondas, ont fait l’étonnement de
« Pausanias; cet auteur les compare à celles de l’ancien Byzantium, de
« Rhodes et de Babylone ; il en reste trente-huit tours dans leur entier.
« M. Fourmon suivit, pendant une heure de chemin, la partie de ces
« murailles, qui comprenaient la moitié du mont Ithome et d’une autre
« montagne qui lui est opposée à l’Orient; il trouva ensuite la porte de
« Mégalopolis, avec les inscriptions qui la désignaient. Au-delà de cette
« porte sont les trente-huit tours, éloignées les unes des autres de 150
« pas, ce qui forme une enceinte de cinq quarts de lieue au nord de
« la ville; la muraille s’étendait encore davantage vers l’Occident et au
« Midi dans des vallons, où l’on voit les débris du Stadium, de beau-
« coup de temples et d’autres édifices publics. Il resta quelque temps
« dans le monastère de Yulcano (Yourcano), situé sur le mont Ithome;
« il en sortit pour aller à Kalamata. *
i . Voyez la carte d’en bas de notre planche VI. — a. Tome VII, p. 355.