trastait avec l’obseure épaisseur de la verdure ordinaire; j’y reconnus de
loin le Loranthe d’Europe (n.° 488), arbuste parasite fort rare dans les
herbiers, que jusqu’alors je n’avais jamais eu occasion d’examiner vivant,
et appartenant à un genre fort nombreux en espèces équinoxiales, dont
il est le seul représentant sur la zone tempérée. Il croît à la manière
du Guy, et comme il est une rareté au-dessus du 42.' degré de latitude
nord, il se pourrait que ce fût lui qu’on eût regardé comme emblématique
et sacré dans le culte des Druides; car il est douteux que ces prêtres
trouvassent le véritable Guy (Viscum album, L.) sur des arbres où
personne aujourd’hui ne le rencontré plus. Le Loranthe aura donc disparu
de nos climats avec les forêts séculaires où la superstition le venait
cueillir.
Après avoir traversé successivement les deux torrens dont la réunion
à Koukoumara forme la première cascade de la Djalova, nous remontâmes
le bord de celui du nord, jusque dans les environs de plusieurs
maisons, qu’on nous dit être Sounzi. Il y avait dans tout le canton
des vergers et des prés ravissans de fraîcheur, quelques-uns étaient
tant soit peu marécageux; et en traversant l’un d’eux, au bord duquel
était une jolie fontaine, nous faillîmes perdre deux mules, qui s’étaient
embourbées jusqu’au poitrail. Ayant abandonné tout chemin tracé, nous
passâmes près des deux Krommidy, dont les terres étaient fort bien
cultivées, et où nous vîmes beaucoup de jolis arbres fruitiers; à une
heure de marche, à peu près, nous nous trouvâmes sur un plateau couvert
de grands arbres, et dans un espace herbeux, où les gens de notre
suite s’arrêtèrent en se signant pour prier ; j’aperçus alors les ruines d’une
petite chapelle, autour de laquelle étaient amoncelés des ossémens humains
, que les Chacals paraissaient avoir arrachés des fosses où ils furent
confusément inhumés. Ce fut en ce lieu qu’environ quatre ans auparavant
les Grecs éprouvèrent un grand échec et perdirent le valeureux
papa Fletche Dikes, l’un de leurs plus braves chefs.
Il était présumable qu’après la chute de Navarin, Ibrahim, maître
des côtes de Messénie, ne tarderait point à s’enfoncer dans le pays pour
le dévaster; en effet, dès le 8 Juillet4825 il se mit en mouvement et
prit la route que nous venions de tenir ; pour éviter la forêt de Koubeh ,
qu’il savait être garnie d’un corps considérable de Maniotes, commandés
par Atanasouli Komodoraki ; le général égyptien voulut gagner le riche
bassin du Pamisus par un chemin qui, passant au nord du Manglava,
débouche au village de Milioti. Papa Fletche Dikes occupait ce Jieu;
brûlant d’en venir aux mains, il n’y laissa qu’un poste, et se porta avec
une troupe de 1500 Messéniens et ArcadienS âu-devant de l’ennemi ; les
deux avant-gardes s’étant rencontrées à la pointe du jour près de
Krommidy, par où la gauche de Fletche s’était liée à la droite d’Ata-
nasouli, le combat s’engagea avec la plus grande vigueur de part et
d’autre. Les Grecs, malgré leur petit nombre, résistaient avec avantage
aux Egyptiens, qui, vers midi, avaient déjà perdu près de 800
hommes ; quand Ibrahim s’aperçut que le chef des Maniotes s’était
retiré, il ne perdit pas un instant pour tourner les Hellènes et les
attaqua par derrière vers cinq heures du soir. Ceux-ci se défendirent
en désespérés à l’arme blanche et corps à corps; le nombre l’emportant,
deux Grecs, qui se cachèrent entre les morts, parvinrent seuls à se
sauver vers la tombée de là nuit, et furent rendre compte du désastre à
Mâvromichalis, qui occupait Calamatapour garder l’entrée du Magne.
Papa Fletche, retiré dans la chapelle, sÿ défendit le sabre à la main,
si vaillamment, en recommandant son ame à Dieu, que le pacha, étonné
de sa bravoure, lui fit offrir la vie, s’il voulait se rendre. «Qui sait se
« révolter contre là tyrannie, sait aussi mourir!” répondit le héros, en
tombant sous le fer de trois Arabes qu’il venait de blesser. Marchant,
sans perdre un instant après la victoire, que lui avait évidemment
livrée Atanasouli, Ibrahim surprit avant l’aube le reste des troupes que
Fletche avait laissé à Milioti; il en poursuivit les débris jusqu’au village
de Pédémenan, au revers des montagnes, et se dirigeant, après y avoir
tout détruit, sur Arcadia, il y arriva encore de grand matin. Les hommes
avaient pris la fuite, laissant dans leurs maisons environ 250 enfans
et vieillards, dont ils croyaient que la faiblesse serait la sauve-garde;
tous furent brûlés dans les maisons, où le feu fut mis incontinent,
A quelque distance du lieu où tant de braves périrent autour de leur
généreux chef, on nous montra à droite sur le bord de la route, qui en
cet endroit n’était guère qu’un sentier, un creux léger, où l’on assure