versions et s o t laquelle on ne saurait cheminer pendant Jeux jours,
qu’on n’y découvrît une île ou quelque cim® des montagnes de terre
ferme, tandis qu’on peut errer des mois entiers sur la face de 1 Océan
sans çn découvrir une borne ; chuté et mort sont, dans son immensité,
une même chose pour tout malheureux qu’on ny verrait pas
tomber de l’arrière d’un bâtiment poursuivant sa route ; l’infortuné,
pàrvïnt-il à s’accrocher sur le plus solide corps flottant, ny prolongerait
ses heures d’angoisses que pour expirer a la fin en desespére par
la soif même, au milieu*des eaux. Aussi me semble-t-il que si.je me
trouvai préservé, après un naufrage en plein Océan, sur quelque bouee
que le premier mouvement, d’instinct m’eût fait saisir, le second serait
de me laisser couler à fond, afin d’en finir plus tôt, saits attendre ce
que les souffrances humaines doivent avoir de plus effroyable, tandis
qu’en pareille extrémité, au milieu de notre Méditerranée, je lutterais
obstinément contre la destruction, soutenu par la convietion qu’il n’y
ait pas un quart de lieue carré de sa surface qui demeure assez longtemps
hors de la vue des hommes pour qu’on y doive jamais perdre
tout espoir. Quoi qu’il en soit, notre majestueux isolement cessa bientôt,
et lorsqu’ayant viré de bord pour gouverner au plus près le cap
à l’est, on distingua dans la matinée Au 21 les îles Bonzes dont je
reconnus la nature volcanique dès le premier coup d oeil. Leur aspect
n’avait rien de celui des îles calcaires entre lesquelles nous avions si
tristement erré depuis quelques jours ; leur couleur grisâtre se prononçait
à mesure que nous en approchions;’ fracassée et haute, Palmerolle
fut la première dont nous pûmes bien distinguer les formes et près de
laquelle nous demeurâmes jusques au lendemain qu’ayant fait bois
lieues tout au plus, nous approchâmes à portée de canon de Ponze
proprement dite. Le pilote nous fit remarquer vers le nord, Sennose
ou Zannosa, avec üne roche voisine, appelée la Botta,'qu’on croirait
d’abord, à sa forme, être un petit navire sous voiles. D’ici Palmerolle
paraissait %oupée à pic et nous présentait comme une grande muraille
sur laquelle ma longue vue me faisait parfaitement reconnaître des
couches de laveparallèles ou brftées, disposées en assises entre des
masses de scories grisâtres ; quelques bandes noires étaient peut-être
composées d’obsidiennes. Ponze, plus étendue, non moins rocailleuse,
semblait cependant composée, sur quelques pentes adoucies de sa surface,
d’une terre d’apparence légère qui devait être lé détritus des
pumites qui donnèrent leur nom à cette île, dont la masse néanmoins
passe pour être trachitique. De grands quartiers de roche, tombes a la
base des escarpemens qui tiennent lieu de rivage, forment çà et là des
caps en contre-forts, mais de semblables caps doivent ne pas long-temps
résister au choc des vagues. Aucune verdure n’égayait ce triste séjour,
où cependant je distinguai en plusieurs endroits de ces gradins en
pierres sèches qui protègent contre l’éboulement le peu de terrain
propre à supporter des cultures. En voyant le pays par le coté du
Levant, il me parut moins austère; j’y crus «apercevoir des teintes
d’herbes et des buissons; il y existe, dit-on, un fort bon mouillage, où
quatre frégates pourraient relâcher au besoin. On y trouve austh un
village et, nous assura-t-on, des ruines antiques. Je reconnus, en effet,
que de gros fragmens de rochers, dont j’avais pris d’abord l’entassement
pour un effet naturel, présentaient, à mi-hauteur dans l’enfoncement
d’une falaise volcanique, les débris d’un monument assez considérable,
non loin duquel s’élevait uné de ces tours de signaux que les Espagnols
appellent Attalaya. Notre pilote, grand praticien de la Méditerranée,
et que j’interrogeai sur chaque lieu près duquel nous passions, ne put
me donner aucun renseignement sur ces objets; il me dit seulement que
la Botta se liait à la grande île par une ligne de récifs, où se trouvaient
bien quelques brèches par où pouvaient passer d’assez fortes embarcations,
majs où n’existaient en général que trois ou quatre brasses
d’eau. Le calme dont nous étions si contrariés était sans doute cause de
ce qu’on ne voyait pas de brisans marquer la place de cette barre. On
reconnut aqssi Yendoténa, autre écueil, probablement d’origine plu-
tonienne, et*qui lie les îles Ponzes à celle d’Ischia -, rattachée elle-même
par Procida au système volcanique qu’on doit appeler vésuvien1. M. de
Robiffard fit jeter la sonde à mon invitation entre Ponze etYendoténa,
i . On peut con su lté sur les îles Ponzes le yojage publié vers la fin du dernier siècle par le
savant Dolomieu.
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