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Dans les endroits oïl le sable de Pylos, moins mobile, devient apte
à supporter quelque végétation, elle y commence par cette espèce de
Roseau qui, sur nos côtes occidentales, concourt à fixer les dunes
( Arundo arenaria, n.° 165); aux lieux humides croît une variété
fort singulière du Roseau commun (Arundo Phragmites y, n.° 161 ),
qui se mêle à la Cannevère (n.° 162), ainsi qu’au Sucrier de Ravenne
( Saccharum Ravennoe, n.° 159), autre Graminée à chaumes ligneux,
dont les panicules ressemblent à de magnifiques plumets. Le Tamarix
d’Afrique (n.° 414) s’y parait déjà de ses élégans bouquets de fleurs
d’un rose si tendre à côté du Genévrier arborescent (n.° 1519), qui se
massait en buissons avec ses grosses baies odorantes quand on les
brûle, et son feuillage à demi piquant d’un vert obscur varié de gris.
Les Lentisques, les Térébinthes, les Alaternes et la Phlomide frutescente,
déjà en pleine fleur, ne s’égaraient jamais à travers l’àrène et ne
croissaient, sous l’étreinte des Clématites (n.0 710) , des Salsepareilles
(n.° 1511) et des Aristoloches (n.° 1249), qu’èntre les fissures des
rochers, ou leurs racines trouvaient un terrain plus substantiel.
En jetant les yeux sur nos cartes (Pl. III, feuille 5 , et IV ), on se
convaincra que Sphactérie a été séparée des hauteurs du Vieux-Navarin
d’un côté, tandis que de l’autre s’en est détachée cette suite de rochers
qu’intercepte l’entrée du Ventre-de-boeuf. Originairement donc tous ces
fragmens ne formèrent qu’une même arête de hauteurs, longue, étroite
et puissante, qui régnait du nord au sud et formait du côté de l’occident
la limite du 'golfe que nous appelons maintenant la baie de Navarin.
Ce golfe était à peu près deux fois plus étendu qu’il ne l’est aujourd’hui,
l’étang d’Osman-Aga, avec ses plaines septentrionales d’alluvion, jusqu’aux
hauteurs de Sousman-Aga et d’Hassan-Aga, faisant primitivement
partie de son domaine. Les tremblemens de terre , sifréquens dans
cette région du bassin méditerranéen, y occasionèrent diverses brisures,
qui devinrent des passes, dont les deux plus méridionales, celles de
Navarin et de Sikia, subsistent seules aujourd’hui. L’entrée du Ventre-
de-boeuf représente la troisième; la plus septentrionale, maintenant totalement
ensablée, s’ouvrait entre les hauteurs que je proposerais de nommer
l’Antipylos et celles ou s’adosse Pétrokhori, là ou, dans l’un des
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plans de notre Pl. V, se voit une route riveraine pour Gargaliano par la
plage de Leptor.. Le Roumano, dont l’embouchure est au nord de cette
suite de rochers cassés en quatre groupes, tombait alors dans le fond du
grand golfe, comme le font toujours les cours d’eau qui lui sont parallèlement
voisins et méridionaux; il y conduisait sa part de matériaux pour
opérer un comblement qui demeure progressif, puisque la passe de Sikia
s’obstrue naturellement de plus en plus, indépendamment de ce que
peuvent avoir fait les hommes pour la rendre impraticable. Du sable et
de la terre de transport s’y accumulent dans une ligne oblique ou ne reste
guère un mètre de profondeur. Un I isthme dans le genre de celui qui
sépare l’étang d’Osman-Aga du Boidoikilia s’y exhaussera probablement
avant la fin du siècle, et ces lieux, plus exactement qu’au temps d’Homère
même, pourront se caractériser encore par l’epithète d’H/¿«ôosîs-, que
donne à son Pylos le prince des poètes.
Nous fîmes le tour du Ventre-de-boeuf, qu’un banc de sable étroit
distingue de l’étang voisin. Cette espèce d’isthme a tout au plus quatre
mètres d’élévation vers son milieu. Des buissons en couvrent et fixent
le côté oriental qui regarde l’étang ; du côté opposé, sur le strant, il est
totalement dépouillé de végétation.
- Avant de quitter les bords du bassin, nous en prîmes une vue
(Pl. XI), où s’aperçoit dans le lointain l’escarpement de Sphactérie,
d’où Baecuet avait dessiné le Vieux-Navarin, pris par le côté opposé.
Les remparts du nord de Paléokastron couronnent le paysage, et la tour
ronde qui en-forme l’angle du sud-est semble en être isolée. La grotte
de Nestor s’y remarque ; au-dessous se voit le monticule ou nous supposons
que s’étendait la ville de Nélée et de son vénérable fils, les rochers
tombés à sa base d’un côté de la passe, et derrière lesquels furent l’an-
tiquè débarcadaire avec ses marches taillées dans le vif (p. 155), enfin
la pente sablonneuse par où nous étions descendus au rivage. Au nord
du Ventre-de-boeuf, tournant à gauche, nous gravîmes sur l’Antipylos,
qui est pour nous le cap opposé à celui qui termine la double presqu’île
du Vieux-Navarin; ce lieu est parfaitement analogue et n’en diffère que
parce que le sable mobile n’a point surmonté l’escarpement peu élevé
dont il est flanqiië du côté de la terre. Nous le trouvâmes également