Le monastère de Porto-Quaillo consiste en une enceinte crénelée,
renfermant la cellule bien misérable du prélat avec un logement coin*
mun à quatre ou cinq religieux; la chapelle en est obscure, et se
trouve au rez-de-chaussée d’un pyrgo, dont la terrasse était chargée ,
ainsi que les toits de l’habitation, de grosses pierres, qu’on y tenait
prêtes, en cas d’attaque, pour les lancer à la tête des assiégeans; car
les saints lieux ne sont pas ici plus a l’abri de surprises que tous autres.
Nous vîmes arriver alors deux ou trois nouveaux barbares, accompagnés
de leurs femmes, qui portaient le bagage, et d’enfans dont un, de huit
ans au plus, était armé"d’un vieux pistolet; ils venaient de Lagia pour la
bataille qui paraissait devoir se donner au premier jour. A quelques pas
sur la route de ce village de Lagia, qui est le plus considérable .du
canton, car on n’y compte pas moins de sept à huit cents fusils, est une
source avec un réservoir carré taillé dans les rochers au fond d’une
excavation. Boblaye y crut reconnaître cette fontaine merveilleuse que
Pausanias dit avoir coulé sur le cap Ténare; j’y vis des Abeilles qui
venaient en foule s’y désaltérer, mais sans y apercevoir les vaisseaux
dont l’image eût dû se dessiner dans le fond du bassin. Des Cyprès en
flèches s’élancaient ça et là au-dessus de Mûriers et de Figuiers épars,
avec des Cactes, dans plusieurs jardins échelonnés, qui faisaient de ce
séjour le plus délicieux endroit du monde, nous dit le caloyer. De l’autre
côté d’un étroit ravin, sur un plateau de peu d’étendue, est une enceinte
en carré long, dont les murailles, assez solides, sont composées de moellons
unis par de la chaux et du mortier : il y eut, m’assura-t-on, un
château dans le milieu; mais depuis long-temps ce manoir avec les maisons
qui l’entouraient n’existaient plus. Cette construction, signalée par
Gell, a été prise pour ce fort Maini, dont il est question dans la chronique
de Morée; et que, sous le nom de Mayna, d’autres cartes transportent
à Mézapo sur le golfe de Messénie. En sortant de Porto-Quaillo on
laissait, sur le côté méridional du goülot, une autre enceinte avec des
traces de batteries, qu’on prétend avoir été élevées par des Russes au
temps des Orloff; vis-à-vis s’ouvrait, dans la pointe avancée que formaient
d’énormes rochers, une vaste grotte, refuge d’une multitude de Pigeons
sauvages. Étant revenu au même endroit quelques mois après, je n’ai
plus retrouvé ces pauvres oiseaux, le cap s’étant abymé, et la grotte
ayant disparu avec lui dans les profondeurs de la mer, sans que personne
ait pu me dire quand et comment la chose arriva, et si quelque tremblement
de terre local avait été la cause d’un tel engloutissement.
En remontant la côte du Magne oriental, nous aperçûmes d’abord
sur les hauteurs le grand et long bourg de Lagia, que composent tant de
pyrgos, et dont toutes les maisons paraissent être fortifiées. Le sommet
de la chaîne, qui le domine en arrière, n’a pas moins de 900 mètres;
les deux Dymanistica, le port Méligani, Pakhianika dans la montagne,
à mi-côte le monastère de Kournos, oii sont les ruines de temples antiques,
Nymphi, Dryali et Argilia, se montrèrent successivement. On
nous fit remarquer en outre le port de Kolokyntha, au fond duquel est
le village de Kotronès, qui représente évidemment l’antique Teutrone.
On double ensuite le Cap très-avancé de Stravi; entre ce promontoire et
celui de Pagania, qui n’est pas moins saillant, s’enfonce la grande baie
de Scutari, que termine une petite plaine en forme de conque, dominée
par le riche village dont elle tient son nom, et près duquel nous avons
campé dans la nuit du 29 au 50 Juin. Nos tentes y furent dressées non
loin de la plage contre une église byzantine dans laquelle a poussé un
superbe Yellani qui, perçant la toiture, protège maintenant de son
vaste ombrage l’édifice, en témoignant d’un long abandon. Scutari
compte 600 habitans, qui ont le bon sens de n’être en guerre avec
personne : ses environs sont fort bien cultivés; on y plante surtout
des Poireaux, des Ciboules et de petits Oignons, qui se transportent,
avec des Cailles salées, dans tout le Levant. Ce sont les marins des
îles Ioniennes qui en venaient ordinairement enlever la récolte; la
Tomate, la Mélongène, le Gombo (Hibiscus esculentus, L., n.Q 919)
et la Sésame (n.° 814), sont les productions qu’on y sème également
en abondance. Charmé des soins que les habitans prenaient de leurs
jardins, je distribuai à ceux qui en voulurent des graines de Pommes
de terre, dont ils me promirent de multiplier les racines nourrissantes:
le bourg abonde en ruines du moyen âge; son église, misérable aujourd’hui,
fut construite avec une certaine magnificence, et l’on y voit des
Marbres provenus de monumens antiques. Il existe d’autres débris sem