pilote de la frégate me le fit" remarquer, ainsi qu’une église voisine :
« C’est Pitzio,” me dit-il, comme si Pitzio devait être plus connu que
tout autre point du royaume de Naples et n’avait besoin que d’être
nommé pour réveiller quelque redoutable souvenir. Je trouve ce lieu
mentiofiné dans le traité de géographie de ce savant Malte-Brun, qui
fut d’abord l’un des plus acerbes défenseurs des violences de nos deux
restaurations, mais qui écrivit en 1828, quand son ardeur fut calmée:
« Pitzio, petit port où Joacliim Murât débarqua le 8 Octobre 1815,
« lorsqu’il tenta de reconquérir un trône occupé par un prince qui
« ne l’avait pas usurpé. Pris et maltraité par ceux qui l’avaient long-
« “temps salué du titre de roi, condamné comme un vil criminel, enterré
« dans une église qu’il avait fait lui-même restaurer, sa mort peut être
« considérée non-seulement comme une de ces catastrophes fatales qui
« naissent des révolutions politiques-, mais comme un trait caràcté-
« ristique chez une nation qui prouva.plus tard qu’elle n’était point
« digne des institutions qu’on lui .voulait donner. ” C’est M. de Pradt
qui a dit si jucbcieusëment à»ce sujet: «Ceux-là n’entendent point la
« royauté qui ont fait tomber sous lé plomb meurtrier de ses anciens
« ’ soldats et par sentence d’uneeommission militaire celui que desftraités
« solennels avaient admis au rang des rois de l’Europe.” Quoiqu’il en
soit, l’histoire remarquera, au sujet de Pitzio, que le premier et le dernier
régicide (pour me servir de l’expression qu’il est convenu de donner
aujourd’hui aux sentences qui frappent ides-têtes couronnées) ; l’histoire,
dis-je, remarquera que le premier et le dernier régicide commis
en Europe depuis que les trônes ont commencé à sÿ affermir sur le
principe de la légitimité, l’ont été dans le royaume de Naples, sous le
règne de deux princes issus de la maison de France : l’un, frère de
S. Louis, Charles d’Anjou, qui fit en 1269 trancher la tête au roi
Oonradin', et l’autre de nos jours.
Partout eh face de nous la côte de Calabre s’élève fièrement et
présenté des pans de rochers coupés à pic, escarpés, entassés les uns
surTes autres de la manière la plus pittoresque; leur confusion presque
épouvantable est cependant égayée par de jolies maisons entourées de
verdoyantes cultures, et qui reposent la vue à travers les indices d’un
fracassement général. Ce fracassement né date certainement pas de
l’époque où l’on prétend que l’île de Trinacrie fut violemment séparée
des Calabres pour former ce que depuis on appela-, je ne sais trop pourquoi,
les deux Siciles, puisqu’il n’existé véritablement qu’une Sicile^;
rien n’est moins probable que la réalité d’une telle révolütion physique.
Il a été long-temps d’usage en géographie de détacher» ainsi les îles des
continens voisins : c’était alors qu’on faisait aussPvoyager les Alpes sous
la mer, pour lier les points les plus éloignés du globe par un système
d’enchaînement impossible. 11 est plus rationnel de croire à la réunion
successive des îles avec les grandes terres voisines qu’à leur séparation
instantanée, surtout quand ces îles et ces terres sé rapprochent par deux
caps entre lesquels doit exister nécessairement une ligne d’entrechoque-
ment de deux mçrs. Nous avons déjà cité sur nos côtes la réunion de
Gien à la plaine d’Hyères ( pages**! 3 et 16), et rappelé«d’autres faits
du même genre; la Sicile un jour se réunira de même à la pointe de
Calabre par un isthme bas et sablonneux, composé de débris précipités,
ainsi que se comblera quelque jour -le Pas-de-Ca|ah. La pointe
en bec qui supporte le phare s’alonge insensiblement^chaque jour, cen
protégeant les dépôts que les flots roufont le long deS> deux places
opposées y viennent laisser. Le même phénomène aura ■lieu vers l’embouchure
de la Gironde, qui doit se fermer dans la -suite, par la prolongation
de la pointe sablonneuse du Yerdon', si ressemblante à celle,
du phare de Messine, et qu’on n’argue pas de la puissance des courans
qui circulent par les détroits de Messine, de Calais ou du Yerdon,
pour soutenir que ces passages ne se boucheront«pas un jour. Sans
doute ils ne se fermeront pas subitement comme nous fermons une
porte, la nature ne vâ pas si vite : elléfrcommence, suspend, ¿étçuit,
recommence ses opérations, sans compter avec les siècles, dont le
nombre n’est rien pour elle : des tempêtes peuvent renverser ses frac*
vaux de mille ans; mais «ces mêmes tempêtes sont aussi au nombre des
agens qu’elle emploie et dont elle se servit pour fermer Pembouchure
de l’Adour au cap Breton; il afallu en ouvrir une nouvelle à ce fleuve
sous Bayonne, et celle-ci se fermera parles mêmes causes en dépit de
tous les efforts humains. La nature, et les ^siècles rattachèrent, ainsi