puits n offrait rien qui ressemblât le moins du monde à du baume ou
bien à du bitume, mais uniquement parce qu’on ne retrouvait point
aux alentours de soubassemens d’ancien temple. L’eau des autres trous
creusés dans les environs n’est pas meilleure; la plaine n’en a guère
de bonne; celle que nous consommions en ville, où toutes les citernes
se trouvaient à sec, faute d’entretien, y était conduite dans des barils
à dos de bête, par des Grecs qui l’allaient quérir à la source voisine
de cet agyra ou agrya dont il a été parlé précédemment (p. 56).
Quelques chameaux abandonnés par l’armée égyptienne, et recueillis
¡par l’administration française, transportaient de cette même eau pour
l’usage du quartier-général. Quand ces chameaux avaient fini leur
corvée, on les laissait paître en liberté ; ils ajoutaient au paysage
désolé des environs de Modon quelque chose d’africain, où ne man-
quaiênt que les anciens dattiers pour compléter la ressemblance. Leur
tête dressée, aperçue à l’improviste au-dessus de fourrés de chrysanthèmes
et de malvacées, assez hauts pour cacher leurs corps lorsqu’ils
s’étaient accroupis dans l’épaisseur de l’herbage, étonnèrent plus d’une
fois, dans le commencement, les membres de la Commission qui herborisaient
ou donnaient la chasse aux insectes à travers la campagne.
La plaine qui s’étend derrière Modon peut avoir sept kilomètres de
longueur du nord au sud, avec une largeur moyenne de deux du levant
au couchant. Sa forme générale approche de celle d’un triangle alongé,
dont le sommet le plus aigu serait au col de Navarin, et le plus petit
côté au fond de la baie où la plagé est légèrement courbée en áre, et
toute formée de galets de mille couleurs, généralement discoïdes ; les
plus grands de ces galets sont parfois si régulièrement roulés en tro-
chisques, qu’on s’en pourrait servir pour marquer le jeu, en guise de
jetons, et de tels jetons ne seraient pas sans élégance.
Deux séries de hauteurs limitent la plaine de Modon, l’une a l’orient,
l’autre à l’occident; la première étant, ainsi que nous l’avons déjà dit,
un prolongement du Saint-Nicolo, conséquemment formée par ce
calcaire que nous avons retrouvé à Sapience, on y voit sur l’abaissement
méridional divers espaces creusés dans le roc, où se reconnaissent
d’antiques exploitations. Ce sont évidemment les traces des
carrières à ciel ouvert d’où les remparts de la ville furent extraits, et
qui, s’étant remplies, par l’effet des eaux pluviales, d’une terre rougeâtre
entraînée des pentes supérieures,4ont maintenant -leur fond uni et très-
propre à devenir d’exceïlens jardins, lesquels, enfoncés de quatre à dix
pieds dans le rocher, se trouveraient naturellement enclos d’une ceinture
continue, capable d’y protéger les cultures contre les vents, et surtout
de concentrer une chaleur de réverbération dont s’accommoderaient
beaucoup de productions des tropiques#Le plus grand de ces enclos n’a
guère que deux arpens de surface; il doit avoir été ensemencé à diverses
reprises ; en plusieurs points de son pourtour on reconnaît des marches,
qui furent réservées en taillant la pierre pour faciliter la descente. On
y réserva aussi en deux endroits de ces témoins coniques, au moyen
desquels Hfes ouvriers évaluent la masse d’une exploitation. L’Èlyssum
saxatile, crucifère à corolles d’un jaune brillant, en avait ^tellement
couvert le sol, que, vus des hauteurs de Sapience, les endroits envahis
par cette plante semblaient être de grands lambeaux de drap d’oc,,
étendus sur la pierre blanchâtre; d’autres enfoncemens voisins, mais de
moindre étendue, produisaient .à peu près le même effet quand ils ne
se teignaient en rose par la floraison de quelques autres végétaux de la
famille des caryophyllées, également touffus et pressés.' ,.
De misérables langes, étendus au soleil sur des buissons de leirtisques,
nous firent soupçonner que parmi les rochers du voisinage devait se
retirer quelque malheureuse famille chassée de la plaine, et nous ne
tardâmes point à découvrir, sous une sorte de corniche, d’où commence
la pente d’abord brusque, dont l’entrée du faubourg de Modon occupe
les bases, une caverne plus considérable que toutes celles où nous
avons pénétré ensuite vers le nord dans le prolongement du même
étage de la couche calcaire. Cette caverne mérite que je la signale, parce
qu’elle offre de pieuses traces d’antiquité; ceux qui l’agrandirent, on
ne sait à quelle époque, la consacrèrent à leurs morts. S’ouvrant exactement
à- l’est, elle reçoit au matin les premiers rayons* du soleil, qui
plus tard cesse d’y pénétrer. Son plafond aplati se forme tout entier
de la face inférieure d’une puissante assise; sa hauteur est de huit à
dix pieds, et sa largeur de dix à douze pas; on y ménagea dans le fond