Les environs de Paléogritzi ou croissaient^ d assez beaux sibifis fruitiers,
entre autres des Cerisiers et des Pruniers, étaient merveilleuse-
ment arrosés par une multitude de fontaines et de filets d’eau exquise
descendant d’un képhalovritzi, situé dans un enfoncement de la montagne,
espèce de col qui séparait le faîte de l’Hagios-Dimitrios d’une
autre cime boisée, qui prend le nom de ce village de Saratza dont
Gosselin a fait un port de mer. Dans les fourrés de roseaux et de joncs
qui couvraient certains espaces aux lieux humides, croissait cette
nouvelle espèce de Massète qu’on trouvera décrite dans notre Flore
(n.° *90, t. III, p. 338). Nous entendîmes distinctement sur le soir
lë coup de canon de retraite tiré 'a Navarin, d’où nous n’étions pas à
moins de quatre lieues; et peu après des vapeurs épaisses, se reposant
sur les cimes dont nous étions peu éloignés, descendirent jusqu a notre
camp, qui finit par disparaître au milieu d’un brouillard épais. Il fit
alors un froid humide très-pénétrant, et contre lequel l’épaisseur de nos
couvertures de laine nous protégeait à peine. Les brumes s’étant dissipées
vers la pointe du jour, nous continuâmes a traverser des plateaux,
des pentes douces et des ravins plus ou moins creux, dont l’origine sillonnait
le flanc des monts qui nous restaient à droite. Après la jolie
fontaine de Kaponi et une dernière montée, nous passâmes par une
église de San-Nicolo, dans les ruines delaquelle quelques peintures étaient
encore reconnaissables ; nous l’avions aperçue de fort loin, et des la
veille, en descendant des hauteurs de la redoute égyptienne. On venait
de célébrer, entre ce qui restait de ses murailles, une cérémonie religieuse
qui avait attiré un grand concours de Grecs.
Après l’église de San-Nicolo, on entre dans le versant du golfe Mes-
séniaque ou de Coron, par l’origine d’une rivière appelée de Kandil-
Oglou, qui coule directement vers le Nord pour tomber presque à angle
droit, à deux lieues, vers l’embouchure du fluviole qu’on traverse
après Kastélia, et qui circule de l’Est à l’Ouest. Nous admirâmes alors la
belle contrée dans laquelle nous allions descendre; entre le point d’où
nous la contemplions, et le rivage occidental du golfe qui semblait
très-rapproché, quoiqu’il fût à une grande distance, il y avait deux
lieues d’un terrain en pentes moelleusement ondulées, à qui la multitude
des Oliviers donnait une riche teinte de vert argentin. A travers
les forêts oléagineuses on découvrait un grand nombre de villages, autrefois
florissans par leurs récoltes en divers genres, alors presque tous
abattus, déserts et environnés d’herbes sauvages; on en comptait au
moins quatre-vingts au temps de ce Pélegrin dont il a été question plus
haut; il n’en existait plus guère le quart; mais ce qui en restait donnait
encore au canton un air plus populeux que ne l’ont toutes les autres
parties de la presqu’île. Les eaux calmes du golfe interposaient entre
nous et le prolongement de Laconie, parallèles à celui de la Messénie,
une large bande d’azur foncé,, sur laquelle des lignes grisâtres diversement
sinueuses indiquaient divers courans; au-dessus s’élevait vers les cieux,
aussi bleus que la mer, l’éblouissant Taygète, avec ses cinq pointes de
neige. Nous reconnûmes sur notre gauche vers le fond du bassin du
Pamisus, l’Evan et l’Tthnme, qui se confondaient en une seule montagne;
à droite c’était la vaste étendue de la Méditerranée, qui limitait
tant de pompe.
Peu après avoir commencé à descendre, la route passe à Draiza, qui
fut autrefois habité par une quinzaine de familles turques, dont quelques
Grecs s’étaient déjà approprié les maisons réparées, nous commençâmes
à rencontrer sur le versant plusieurs belles plantes, et jusqu’à
des insectes que nous n’avions pas vus sur les pentes exposées à l’influence
occidentale; le /3orao/nA/a, entre autres, y devenait beaucoup
plus commun et de plus grande taille. Ce Hxmcpiïm est l’espèce de
Sauge mentionnée dans notre Flore sous le n.° 27 (Salvia triloba, L.);
les Grecs en récoltent les feuilles, qu’ils font sécher, et dont l’infusion
aromatique, prise en guise de thé, est éminemment stomachique et d’un
usage aussi salutaire qu’agréable. Je m’en suis très-bien trouvé : une
tasse qu’on en boit le matin peu après le réveil est moins excitante que
le café ou que les liqueurs fortes, et, réveillant pour ainsi dire l’estomac,
ouvre l’appétit, qu’il faut toujours attendre avant de rien manger;
c’est un conseil d’hygiène que je prends la liberté de donner à ceux qui
marcheront sur nos traces, et dont ils se trouveront très-bien : en le
suivant, ils éviteront certainement cette paresse de digestion qui est
l’une des premières causes des fièvres meurtrières de Morée, par qui
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