
J'avance dans une longue & belle avenue
de ch ên e s , j’arrive au centre de très belles
plantations, j ’y trouve des Mtimens
ruftiques fort propres; mon Poililion arrêt
e , il faut defcendre, c ’e il là le g îte ; &
ce Bourg que j ’attendois, fe réduit à un
feul grand Bâtiment que j ’apperçois entre
les arbres: c ’eil un Couvent.
L e fuleil étoit couché & la foirèe fort
belle,* ainfr je n’eus pas plutôt mis pied à
terre , que je commençai à parcouvrirles environs.
Je marchai longtems d’allée en a llé
e , toujours plus frappé de la beauté des
arbres & de la culture , furtout après le
pays que je venois de traverfer. Ici le plus
beau trèfle promettoit du fourage en abondance;
là les terres enfemencées étoient
couvertes des feigles les plus épais & de
plufieurs autres fortes de grains; le terrein
non cultivé fous les plantations d’arbres,
étoit net de bouifions, & converti en un
fort bon pâturage; en un mot, on auroit
oublié qu’on étoit au milieu des Bruyères,
ii quelques touffes des plantes qui les couvrent
ne s'étoient gliifées furtivement dans
leur ancien domaine , en des lieux d’où Jon
n’a aucun intérêt à les expulfer, L à ces
plantes montraient par leur embonpoint,
que cè n’efl pas manque de goût pour un
meilleur fo l, qu’elles fe contentent du plus
aride.
Après avoir marché allez longtems dans
cette belle I fle , fans en appercevoir les
confins dans le fens de fa longueur, je for-
tis par le côté dans la Bruyère, & ayant
vu un moulin à vent fur une petite élévation
, je m’y rendis. 11 ne faifoit point
de v en t, le moulin étoit fe rm é , & je fus feul
fur fa galerie. Je n’ai rien vu de plus nud
& de plus ras que le pays qui s’étend au-
delà; la Mer feule peut lui être comparée,
quand elle eil calme. Rien n’interrompoit
la ligne unie de l’h o r izon , que la pointç
d’un feul clocher fur la droite, <& les fom-
mités de quelques arbres qui l ’environ-
noient.
Cette folitude cependant n’ étoit point
trille ; le chant d’une multitude d’alouettes
l’égaioit. Je demeurai longtems fur la g a lerie,
l’oeil machinalement fixé fur cet
efpace, que la diminution de la lumière
rendoit de plus en plus v a gu e , & où mon
imagination créoit tout ce qui s’y formera
dans la fuite des teras. Cependant enfin
je me tournai du côté du C ou v en t, où fe
trouvoit le fondement de mon horoscope.
£ 4 Mais