
tagnes; foit pour jouir des beautés qu'offrent
les bords du Rhin de Coblentz à Mayence,
je pris un bateau pour remonter ce Fleuve.
C ’efl: cette ro u te , au-deffus de toute def-
cr ip tion , que je vais tenter d’efquiffer à
V . M .
L a petite Plaine de Coblentz effc la magnifique
Salle d’entrée des Corridors où l’on
v a s’engager. Traverfée par le Rhin,
enceinte de tout côté par des Montagnes à
différentes diftances, les diverfes parties
du jo u r , le Ciel ferein ou les nuages,' y
produifènt la plus grande variété. C’eft
furtout au paffage du Rhin que l’on jouit
de ces beaux changemens de ifcène. Je
l’avois traverfé dans toutes les partie^ du
jo u r , depuis l ’Aurore jufqu’au coucher du
S o le il, & même au clair de la Lune; &
toujours le coup d’oeil m’avoit frappé comme
nouveau. Ce fut de là que je partis
pour chercher un paffage , qne je pouvois
foupçonner, mais que je ne voyois point.
Les Montagnes fe refferrent & s ’enchaffent
les unes dans les autres; & fuivant que la
lumière fe diflribue, c ’e i t , bu un antre
fombre, ou l’amphithéâtre le plus gai. Ce
feul tableau de l ’avenue du Rh in , vu par
H H H difdifférens
accidens de lumière, feroit un
riche- fond pour un Païfagifle.
Je n’aurai pas de peine à me rappeller
tout ce que j ’ai vu qans ce trajet de Ce-
blentz i c i , car je l’écrivois à mefure. On
ne peut voyager plus commodément. Un
bateau couvert, que deux hommes tirent
à la corde du b ord, & qu’un troifième dirige
, remonte le Rhin fans aucune fecouf-
fe. J’avois dans ce bateau une petite table,
& j ’y écrivois comme dans mon Cabinet.
Auffi longtems que je pus voir Coblentz,
je ne regardai qu’en arrière; j’avois peine
à me détacher de ce lieu. Mais peu à peu
les Ifles & les Promontoires me le dérobèrent.
Je »’abandonnai de l’oeil fes environs
que rocher après rocher , qui m’étoienttous
connus par quelque circonflance agréable
ou utile; & réduit à la Fortereffe, j ’y tins
bon par plus d’un motif: mais enfin elle
me fut auffi enlevée, & je me trouvai feul
dans mon bateau. 1
Je navjgeois alors entre des Ifles ombragées
de faules. Une petite pluie fu rvin t, &
auffitôt j ’apperçus que ces Ifles étoient peuplées
de Rqffignols. L a furface de cette eau
courante o ’étoit ridée que par les fkillies des
bords ; les bateaux y gliffoient comme s’ils