
H I S T O I R E K . Parti*;
fes des dangers qu’on a courus & des maux
réels qu’on a foufferts. Je m’y a r rê te , en
un mo t, parceque je crois pouvoir juilifier
l’Homme, de bien des accufacions dont on
le charge.
On ne peut disconvenir que certains
Peuples fauvages n’exercent des cruautés
qui font frémir; & il e il vrai auffi que
dans quelques cantons d’I ta lie , il y a des
P eu p le s, q u i , à l’anthropophagie p r è s , ne
reiTemblent que trop à ces fauvages. C ’effi
chez ces Peuples Italiens, que j ’ai principalement
étudié les caufesdecesfâcheufes modifications
de la nature humaine ; parceque
j ’ai été plufieurs fois a v e c eu x , au milieu
d’eu x , & feul: & j ’ai toujours v u , que
toutes ces a&ions barbares procédoient de
défiance ou de vengeance. Jamais per-
fonne n’étoit aggreifeur le voulant & le fa-
chant b ien : quand o n T é to it p a r le fa it ,
c ’étoit lorsqu’on craignoic d’hêtre aggrèdi,
ou qu’on penfoit avoir à fe venger : c ’étoit
en'un mot une erreur, accompagnée de ce
princip e, il vaut mieux prévenir que d'être
prévenu. J ’écarte encore ici les grands chemins
& les grandes villes, où les caufes
font trop compliquées (a).
Les
C Il y a difiësens .dégrés de Bonté dans les
Etres
LXXXVH. d e l a T E R R E.
Les haines qui réfultent de la fuite des
a6tes, mêlât de génération en génération,
pro-
JEtres fenfiibles, où tout, dans le fond, tend à la
YBonté. Le premier degré eft de ne point faire dè
fmal fans mttif. Ainfi par exemple, l’animal carna-
ffcier qui vit de proye, n’eft pas méchant. C e premier
degré de Bonté eft commun à tous les Etres : & j
iibftratftion faite de l’ inftinét camacier, le maintien' bon,
iaifé9 exempt da crainte, met à l’abri de danger avec
Iles anHtatu» les plus féroces, comme avec l’Homase.
I —— Le fécond degré eft Y /iffcâtitn. Celui-ci eft
■moins général; mais il appartient encore en commun,
l à l’Homme, & à quantité d’espèces d’animaux. Quicon-
Ique aime les animaux , ou feulement ne les craint
pas, l’aura éprouvé mille fois. ------- Le troifième enfin,
eft ie defir d'être utile. Celui-Ci n’appartient
qu’à l’Homme; mais il lui appartient eiTentiellement, &
il l’exerce dès qu’il ne craint pas.
Je voudrois bien être accufé de ne dire en tout cela
|que des chofes triviales ; & j’espère que le plus grand
■ombre de mes lefteurs le penferont ainfi. Cependant, "B■comme je prévois que d’autres les trouveront exagérées,
I Je les prie d’obferver de nouveau le monde, fi non
d’abord au travers des lunettes de la confiance, du
moins eu évitant d’employer celles de la défiance. Qu ils
ne demandent pas trop de l’Homme ; & ils trouveront
alTea. Toujours ben dans le fond, il eftféduitpar mille
pallions qu’il faut guérir plutôt que de les exciter, &
pi» mille erreurs qu’il faut détruire aulie» de l’en rendra