
fion de ces irtotivemens ; & comme ce bon
animal qui nous aime ta n t , le C h ien , qui
fent d’abord une main amie, l’Enfant ie
porte vers le Vieillard avec une v iv e ex-
preffien d’aife.
Cette remarque, que j’ai faite conftam-
m en t, fe retrace en ce moment dans mon
e fp r it, à l’occaiion d’une fcène que j’eus hier
en me repofant dans ce Cabaret de Campagne
, où neuf heures de marche me firent
trouver un fe itin , dans de la bière, du
beurre & du pain bis. On m’avoit donné
la plus belle chambre, celle qui avoitpour
meubles, à l’ordinaire, les habillements de
la famille pendus à des chevilles le long du
m u r , deux bancs des deux côtés d’une longue
table & quelques chaifes de bois: il y
avoit de plus un berceau , d’où fortirent
des cris un moment après que je fus feul.
Auflitôt je vis entrer une vieille femme,
qui alla droit au berceau & le découvrit.
Deu x longs bras fecs & deux petits bras
potelés fe portèrent alors les uns vers les
autres avec la plus grande expreifion d’aife :
l’enfant fu t enlevé avec p e in e , mais il
s’aida. Aux c r is , fuccédèrent ce petit rire
encore balbutié & ces trémoufiemens, des
jambes, qui rendent les mamans du beau
monde fi fières quand elles les produifent.
La Vieille en jouit un moment fans s’ap-
percevoir du déclin de fes forces : mais
I cela ne pouvoit durer longtems ; elle s’as-
■ fit , prit le petit bambin debout fur elle : I leurs têtes étoient au même niveau ; elles I fe rencontrèrent & fe collèrent. Que I a ’étois - je Raphaël ou Lavater en ce mo- I ment, pour fixer en leul tra it, plus élo- I euent qu’aucune description ! Les petits
contobrs du vîfàge de l’enfant s’étôient
enchaiTés dans lès rides d’une des jolies
de la V ie ille , qui avoit les yeux fe r més:
je ne voyois que le front de
c e lle -c i au -d e flu s ; & le irait descendant
de ce front ridé , & fe continuant par
les points plus ou moins comprimés où
] lés deux vifagès Te preiToient l’un l’au-
! t r e , étoit la chofe la/plus exprèfiive &
la plus touchante que j ’aie vu e : j ’ôfois à
peine refpirer, de peur de les déranger;
car j ’éprouvois fans douté un bonheur
plus grand ‘eïidore que c'elui des deux Etres
qui le peigboient d’une manière fi naïve.
Jouir, par eux- feulement, n'eût pas égalé
leur bonheur ; mais je JouliTois pour lllïu -
ttianité -entière, de vo ir cette adorable
resfoureè des deux extrêmes de l’â g e , qui
âirièiie fi doucement‘les Enfans ammonde,
&