
vaflè & vieux Château de Bornshoven, fes
tours fés crenaux & fes murs percés à
jour par le tems, faifoient du haut de ces
Montagnes une vraie découpure à la Hu,
her (a) ; je veux dire des ombres très in.
te llig ib le s , qui avoient le ciel pour fond.
Mais au-defïous tout étoit inintelligible.
L ’ouïe non plus ne faififloit rien de déterminé.
L e Rhin paifoit devant moi en
iilence : j ’appercevois çà & là fur fa furfa-
ce quelque lueur paifagère, réfléchie par
fes petites ondulations; rhais rien ne m’eûtj
appris que c ’étoit un grand F le u v e , fi je
Pavois ignoré; & tout étoit dans le mêmej
calme fur fes bords» L a douce fraîcheur)
de la n u it, & le murmure infenfible de;
l’eau dans une folitude fi impofante, mV
voient je tté dans une profonde rêverie,
quand j ’entendis un bruit ionore, qui s’augmenta
peu à peu. C ’étoit une autre Pro-
ceffion qui defcendoit le Fleuve. Quand
elle
(a) Mr. Hubcr de Genève eft connu aujourd’hui
dans toute l’Europe, par- l’art unique avec lequel if
fait arranger des objets fur un horizon découpé. Leui
feule ombre contre.le jour, fait naître l’idée des icènei[
les plus expreffives : on oublie que l’on n’a que des profil?
dans un même plan.
elle fut près de m o i, je me crus au bord
du Styx, & que Caron conduiioit des Ombres.
J’entendois un murmure confus de
voix, mais je n’appercevois rien de déterminé.
De tems en tems ces Ombres chan-
toient des hymnes du ton du bonheur ; &
je ne doutai point qu’elles ne voguaflent
vers les champs Elifées: c a r les mouve-
mens du coeur qui produifent l’adoration,
[font les préludes de l’immortalité.
On remarque une dévotion touchante
dans tous ces Pays • ci. Jamais je ne me
fuis mis fur le R h in , même feulement pour
Quelques heures, que le P ilo te , en prenant
d’une main le timon, n’ ait découvert
fa t,été, & invité fes camarades & les passagers,
à fe recommander au Dire&eur
les événemens : jamais non plus on n’arri-
le au terme du vo yage , fans qu’il invite à
fendre grâces. Il y a fans doute de l’habitude
à cela,* beaucoup de gens le font
[machinalement, & je fais bien auffi que
les fourbes en abufent. Mais ces inconvé-
ïiiensnefont rien, en comparaifon du bie*
[qui en réfulte pour la S o c ié té , & du bon-
heur dont jouiffent les individus vraiment
[religieux.
Z a L ’Au