
tions bien différentes en apparence, & je
n’ai point éprouvé de différence quant 9 ce
penchant de l’Homme. Conduit par cette
obièrvation générale , je fuis fouvent part
i des Villes d’Italie, pour aller feul m’enfoncer
dans des pays renommés pour les
affafiinats, & en général pour la cruauté
& la fourberie de leurs habitans; fans me
laiffer détourner par les remontrances amicales,
de ceux qui étoient frappés des
fa its , mais qui n’en avoient pas cherché
les caufes. Je ne les avois pas non plus
approfondies j mais je comptois fur cette
règle générale d’expérience,* celui qui ne
donne aucun fujet de le craindre, efi le plus en
furete. Je ne parle pas ici des grands chemins
ni des grandes Villes ; diflinèHon qu’il
ne faut pas perdre de vue.
Les jargons Italiens font û variés, fur-
tout à la campagne, que quoiqu’on fâche
la larigue grammaticale, ou eft étranger
presque partout, & fouvent peu entendu.
Bien loin de regarder cela comme
un inconvénient, j ’y comptois comme fur
un grand avantage; je n’étois plus qu’un
Homme ; on n’avoit point de prévention
contre moi. Surtout je n’a vois point de
crainte : & s’il eft vrai que très fouvent
c ’eft
| c ’eft la crainte qui fait le d an g e r , c ’eft
i principalement dans ce c a s - c i. Je ne me
I fen tiro is aucun friffon en rencontrant des
H cannibales; car ils ne tuent & ne man-
I gent que leurs ennemis, & ils verroient
9 bientôt que je ne -le fuis pas.
L a défiance produit la défiance; &
E quand elle s’ente fur un tempérament vio-
K len t, feà effets n’ont plus de bornes. Ne,
l ’excitez pa s ; & ces mêmes tempéramens
violens feront chauds à vous fervir. C e lui
qui fe défie & fe tient fur fes gardes,
prend presque toujours l’aspeél d ’un homme
dont il faut fe défier ; & avec ce tte
difpoiition, plus il eft lui-même courag
e u x , plus i l a à craindre: la crainte t i mide
n’excite quelquefois que la pitié.
J’infifte un peu fur cet obje t, parce que
j’ai vu dans le cours de ma vie des effets,
très fâcheux de la défiance ; & que j’ai
au contraire éprouvé mille biens par la
confiance. Je m’y arrête aùlïi, jîarce qu’en
lifant les relations d e cruautés exercées
par des peuples fauvages , fur les E u ro péens
qui abordoient à leurs c ô te s ; fa its
qu’on c ite d ’ordinaire pour preuve de la
méchanceté de THomme; j ’ai vu le plus
fouvent dans ces relations mêmes, les caufes