
prouvé que les morfures que l’on faifoit avec les
têtes des Vipères mortes depuis plufieurs jours ,
avoient encore la faculté de faire périr les animaux
que Ton foumettoit à cette expérience. ( Col-
le&» Acad..T. p. ).
M. Pennant dit que P fuivant les Obfervations
qu’il a pu recueillir, le nombre d’oeufs trouvés dans
les Vipères que Ton a ouvertes [ne v a pas au-delà
de onze ; que ces oeufs fo n t, pour ainfi dire, enchaînés
enfemble , & que leùr groffeur eft la même
que celle des oeufs de Merle.
Selon le même Auteur, la longueur de la Vipère
excède rarement deux pieds ; cependant il a vu
une femelle de cette efpèce qui avoit près de trois
pieds delohg. Il ajoute que les Vipères s’accouplent
au mois de mai, que le temps de la geftation dans
cette efpèce d’animaux, eft -d’environ trois mois ,
autant qu’on a pu en juger par conjeâure ; que
l’on croit auffi que les Vipères ne parviehnent à
leur entier accroiffement qu’au bout de fix ou fept
ans; mais qu’elles font capables de produire au bout
de deux ou trois ans.
Nous avons déjà remarqué que la Viper e\oxxv oit
vivre longtemps fans manger, & M. Pennant dit
que l’on a gardé de ces animaux pendant fix mois
entiers dans une boîte, fans leur donner de nourriture
, & qu’ils n’avoient rien perdu de leur vivacité.
On a remarqué qu’ils refufoient même la nourriture
qu’on leur préfentoit, lorfqu’ils étoient dans
un état de captivité. On a enfermé avec une Vipère ,
dans la même boîte , une Souris vivante , & malgré
l’avidité naturelle de la Vipère pour cet animal, elle
s’eft contentée de tuer la Souris, fans la manger.
( B r it t sch . Zoology. T. 3. p. 18 & fiuiv. ).
On prend les Vipères de différentes manières.
Les uns fe fervent d’un bâton fourchu, à l’aide duquel
ils faillirent les Vipères au c o l, comme avec
unejfince ; enfuite ils les prennent par la queue avec
la main , & les font tomber dans un fac pour les
emporter. D’autres appuyent l’extrémité d’un bâton
fur la tête de la Vipère, puis ils la ferrent fortement
au col avec la main ; l’animal fait des efforts inutiles
pour fe défendre , & tandis qu’il tient fa gueule
beante , on lui coupe adroitement fes dents veni-
meufes avec des cifeaux, ou bien-on les fait tomber,
à l’aide d’une lame de canif que l’on paffe derrière ,
ce qui eft d’autant plus facile , que ces dents font
crochues & recourbées en-dedans vers le gofier.
On met ainfi la Vipère hors d’état de nuire, & on
peut la manier enfuite impunément. Il y a des per-
lonnes allez hardies pour faifir brufquement des
Vipères au col avec la main nue, ouïes enlever , en
les prenant par la queue : ce que l’on peut faire fans
danger, parce que malgré tous les mouvemens que
ces animaux fe donnent, il leur eft impollible de
fe dreffer allez pour fe jetter fur la main qui les tient
fùfpendus.
D e tous ceux qui ont travaillé fur la Vipère 3 aucun
n’a pouffé plus loin fes recherches que M. l’abbé
Fontana. Il a fait plus de fix mille expériences pour
découvrir le vrai fiège du venin dans ce Serpent,
& en obferver les effets fur 'un très-grand nombre
d’animaux. Malgré les dangers inféparables d’un
pareil genre de recherches , il a porté dans fes
obfervations une attention fcrupuleufe à faifir juf-
qu’aux moindres détails , une afliduité & une confiance
qu’il eft rare de trouver même dans ceux qui fe
livrent à des objets attrayans par leur nature. Quoi-
que-le travail de M. l’abbé Fontana ri’ait pas un
rapport direft à notre plan , on ne laiffe pas de
trouver dans fon Ouvrage un grand nombre de
détails intéreffans, relatifs à l’Hiftoire naturelle de
la Vipère , & dont nous joindrons ici l’expofé.
Le premier objet fur lequel M. l’abbé Fontana
a porté fon attention , eft le nombre, la ftru&ure 6c l’ufage des dents de la Vipère. Ce Serpent,
fuivant les obfervations de l’Auteur , a de chaque
côté de la partie antérieure & fupérieure de la tête
un os mobile , qui fait partie de la mâchoire .fupérieure
; chacun.de ces deux os a deux alvéoles qui
ne font féparées que par une lame immobile, mais
très-fragile, d’une fubftance fpongieufe 6c femblable
à celle même de l’os. C ’eff dans ces alvéoles que
font implantées les dents canines, quelquefois au
nombre de quatre, plus rarement de trois, & plus
fouvent de deux.
Quand ces dents.font au nombre de quatre , 'il
y en a ordinairement deux & quelquefois trois de
mobiles , & qu’on peut arracher fans les rompre,
au lieu qu’on n’arrache jamais entièrement celles qui
fpnt fixes.
A la'bafe de ces- groffes dents, & tout-à-fait
hors des alvéoles , on trouve toujours fix ou fept
dents très-petites, &. quelquefois huit, qui vont en
diminuant de groffeur 6c de dureté , à mefure
qu’elles s’éloignent des dents canines.
Outre ces deux efpèces de dents, la Vipère en
a d’autres beaucoup plus petites, qui reffemblent
à de petits crochets, 6c font implantées fortement,
au nombre de d ix, même de quinze, dans deux petits
os affez longs 6c parallelles qui forment de chaque
côté la mâchoire fupérieure : ©n en compte aufli
depuis huit jufqu’à douze dans chacun des deux os
qui forment la mâchoire inférieure.
Les dents canines, ainfi que celles qui fe trouvent
à leur bafe , font renfermées dans une gaine, com-
poféè de fibres très-fortes , & d’un tiflu cellulaire , 6c toujours ouverte vers la pointe de la dent, où
elle fe termine par le repli de fes deux lames en
un ourlet fouvent. dentelé.
Les dents canines ont environ trois lignes de
longueur , & une demi - .ligne d’épaiffeur à leur
bafe. Leur figure eft celle d’une corne un peu aplatie
6c très-recourbée à fa bafe ; mais la dent devient
prefque droite vers fon /fommet qui fe termine
en une pointe fort aiguë. Au-deffus du milieu
de la dent, en tirant vers la pointe , on découvre,
même à l’oeil, une petite ouverture très-étroite , qui
finit en une échancrure cannelée , qu’oii ne voit
bien qu’au microfcope, 6c fe .prolonge jufqu’à la
pointe. Cette fente pénètre dans l’intérieur de
la dent, & fe termine des deux côtés par deux
lèvres courtes & relevées. On trouve encore'fur
la partie convexe de la dent, & vers fa bafe, une
ouverture plus large que la première , qui perce la
dent, & forme un canal prolongé jufqu’au trou de
la pointe. La dent canine de la Vipère eft .donc
vuide & tubulée dans fa longueur de la bafe à la
pointe , & eft percée de deux trous dans fa partie
convexe.
Mais M. l’abbé Fontana a reconnu qu’outre le
tube dont on a parlé , & qui eft du côté de la
convexité de la dent, il y en avoit un fécond qui
regardoit la partie concave ; ce tube commence à
la bafe par une large ouverture, de-làil s’avance
en fe refferrant peu-à-peu , & fe termine au-deffus
du milieu de la dent. Cette double tubulure eft
un fait inconnu jufqu’alors aux Naturaliftes. Les
deux tubes font féparés par une cloifon, & n’ont
aucune communication l’une avec l’autre. M. l ’abbé
Fontana donne le nom de tube externe à celui qui,
eft du côté de la convexité de la dent, & appelle
tube interne celui qui regarde la concavité.
Les petites dents qui font fituées à la bafe des
grandes , leur reflemblent parfaitement, ont la-
même ftruéfure 6c les mêmes cavités. Nicholls
avoit déjà conjecturé , d’après R ed i, que ces dents
étoient deftinées à remplacer au befoin les dents
canines qui tombent de temps en temps, par les
efforts que fait la Vipère pour les retirer, lorsqu’elle
a mordu quelqu’animal. M. l’abbé Fontana s’eft
affuré par fes propres yeux de la jufteffe de cette
conjeéture. Ayant arraché à une groffe Vipère.une
dent canine qui étoit mobile 6c mal affurée dans ;
fon a lvéole, il s’apperçut quelque temps après j
que la plus groffe de «elles qui étoient placées
fous l’alvéole s’en étoit un peu rapprochée. Il
pourfuivit fes obfervations, 6c au bout d’envir&n
vingt jours, il vit cette dent.parfaitement logée
dans l ’alvéole , qui étoit refté vuide par l’extraction
de la dent canine ; mais elle y étoit encore
mobile & vacillante. Dix jours après elle s’y
trouva affez folidement établie pour faire des
morfures.
Quant aux petites dents qui font aux deux mâchoires
, 6c en plus grand nombre que les dents
placées à la bafe des canines1, elles n’ont aucune
efpèce d’ouverture ni de canal.
Lorfque la Vipère a fait une morfure , elle infinite
dans la plaie une liqueur jaune qui eft fon venin.
Plufieurs Naturaliftes fe font efforcés de découvrir ,
d’où fortoit cette liqueur. Redi penfoit qu’elle avoit
pour réfervoir la gaîne qui enveloppe les dents
canines , ■ & que de-là elle couloit le long de la
dent du .haut en-b as & à l’extérieur. Onfent combien
l’opinion d’un Obfervateurde ce mérite de voit
paroîtr-e décifive , lorfqu’il ajoutoit : je m'en fuis
bien a jjiiré par plufieurs expériences , & par le té-'
moignage fouvent réitéré de mes propres yeux.
Cependant l’autorité de Re.di n’empêcha pas
depuis le Doâeur Mead & d’autres Naturaliftes de
juger que le venin de la Vipère fortoit de la dent
canine de ce Serpent. Mais cette opinion n’étoit
établie que fur l’analogie de la Vipère avec le Serpent
a fonnettes , dans lequel on voit très-clairement
la liqueur empoifonnée fortir de la dent.
M. l’Abbé Fontana , après avoir fait une multi-
; tude d’expériences pour éclaircir le point dont i l
s’agit , fe déclare en faveur du fentiment du Docteur
Mead , & afin qu’on ne puiffe tirer aucune
induéfion des Obfervations de Redi contre les
fiennes, il remonte jufqu’à la caufe de la méprife
où eft tombé ce Naturalifte.
Voici de quelle manière il s’y prit pour faire
• fes Obfervations. Il lia fortement fur une table la
tête d’une Vipère qu’il venoit de tuer , & dont il
emporta la mâchoire inférieure, pour examiner
plus facilement ce qui fe pafferoit dans l’émifiioti
du venin. Alors la dent canine étant tournée en-
haut, il preffa légèrement fur le palais de la F ï-
-père , avec un fer un peu obtus , 6c il vit paroître
auflitôt au trou fitué fur l’extrémité de la dent une
humeur jaune un peu tranfparente , qui s’y forma
en goutte , & tomba à' la fin en glfffant le long
de la furface externe de cette dent. Il répéta plufieurs
fois cette expérience, 6c toujours avec le
même fuccès. Ayant bouché enfuite avec de la
cire l’ouverture de la dent, il s’apperçut que lorfqu’il
avoit.preffé le palais, le venin, ne pouvoit
plus trouver d’iffue : il le voyoit cependant ,
a travers les parois tranfparentes de la dent fe
porter de la bafe vers la pointe, par le canal ex-
_ terne qu’il avoit rempli. Ayant pris d’autres têtes
de Vipères , il leur attacha tout autour de la dent
un petit anneau de cire , immédiatement au-deffous
de la petite ouverture terminale : alors ayant com-
• primée fortement le palais , il vit la liqueur em-
poifonnée fortir comme par je t s , 6c fe répandre
• abondamment fur l’anneau de cire qui en fut bientôt
tout couvert.
11 parvint aufli, quoique avec peine, à boucher
avec de la cire , l’orifice du canal fitué à la bafe de
la dent, & alors il eut beau preffer fucceflivement
tous les mufcles de la tète, jamais il ne put faire
fortir une; feule goutte de liqueur par la pointe de
la dent, ni même en découvrir à travers les parois.
Ces Obfervations paroiffent décifives ; mais on
demandera , comment Redi , qui obfervoit lui-
même avec tant de foin 6c d’attention , a pu être
conduit à croire que le venin de la Vipère venoit
de la gaîne qui enveloppe la dent. M. l’Abbé
Fontana a découvert , ce qui avoit induit en
erreur .cet illuftre Naturalifte. Il a remarqué que
dès qu’une fois la dent étoit baignée de la liqueur
venimeufe , fur-tôut lorfqu’elle fe trouvoit entièrement
couverte par la g a în e c e t t e liqueur fe
gliffoit & couloit avec tant de vîteffe le long de
la ’dent, qu’on la voyoit fubitement à la bafe fans
l’avoir vue à la pointe ; elle rempliffoit ainfi peu-
à-péu la g aîne, fans qu’on s’en apperçût , en