
terre, & que même elles les déracinent; on doit
arracher des champs, dont on leur abandonne la
pâture , la jufquiame , la ciguë 8c tes orties, & y
répandre au contraire des femences de trefle , de
fenu grec, de v e lc e , de chicorée 8c de laitue.
L ’oie commence à entrer en amour dès la fin
de février , ou dès les premiers jours de mars ;
l ’ufage eft de n’entretenir qu’un mâle pour douze 8c
jufqu a vingt femelles ; la ponte de chacune eft de
dix à douze oeufs ; fi on les enlève , la femelle fait
une fécondé 8c même une troifième ponte: ainfi,
pour augmenter le produit, on peut faire couver
les premiers oeufs par des poules, & ne laiffer à
Voie femelle que la dernière ponte ; le mâle ne
l’aide point & ne partage en rien avec elle les foins
d e là couvée : l’incubation eft de trente jours, êc
la ponte n’a lieu que d’un jour l’un ; Voie femelle
couve avec beaucoup d’attachement & d’afli-
duité; elle ne s’éloigneroit pas de fes oeufs pour fatis-
tisfaire à fes propres befoins ; c’eft pourquoi on
place fa nourriture à là portée pendant qu’elle
couve.
La première nourriture qu’on donne aux jeunes
pifons eft une pâte de fo n , ou de recoupes détrempées
, dans laquelle on mêle des laitues ou de la
chicorée hachée: on les alimente à part, parce
.que la mère & les autres oies ne leur lailferoient
que fort peu de. pâture ; à cette première nourriture
on fait füccéder de l’avoine, & dès que les
petits font en état de fuivre leur mère , on les
conduit fur la peloufe près des eaux ; mais il eft
bon de les avoir repus auparavant, pour qu’ils ne
fe tourmentent pas autour des plantes, & qu’ils ne
faffent pas trop d’efforts pour les arracher.
On elève les oies pour le produit de leur chair,
pu celui de leurs plumes.
Leur chair n’eft aujourd’hui que médiocrement
eftimée, & l’on n’en fait aucun cas, fi elle n’eft
chargée de graiffe ; c’eft ce qu’on obtient le plus
communément en tenant les oies enfermées pendant
un mois 8c en les nourriffant en même-
temps d’avoine, dont chaque individu ne con-
fomme guère au-delà d’un bbiffeau ; mais lorfqu’on
veut avoir une oie très-graffe, on lui crève les
y eu x , ou on lui coud les paupières; on l’alimente
en même-temps de boulettes faites avec des recoupes,
qu’on la force d’avaler, lui donnant fort
peu à boire : on a imaginé des moyen;» encore
beaucoup plus recherchés, de porter à l’excès la
graiffe dont les oies peuvent fe- charger ; de leur
caufer,par ces moyens, une maladie dans laquelle
leur fubftance fe fond prefqu’entièrement en une
graiffe qui s’amaffe dans le fo ie , lequel devient
o ’un volume énorme & s’amplifie à proportion
que le refte dy corps tombe dans l’atrophie ; ces
moyens barbares confiftent à lier Voie auprès d’un
grand feu , à ne lui point donner d’eau pour éteindre
là foif & à ne laiffer à fa portée qu’une pâtée humide
dont elle ne çeffg d’avaler pour tempérer l’ardeur
qui la brûle: dans quelques provinces on engraiffe les
oies pour en enlever les cuiffes ou le foie, qu’on prépare
8c qu’on vend comme des mets recherchés.
La graiffe de l’oie n’a pas été eftimée feulement
comme mêts 8c comme donnant à fa chair un goût
plus délicat ; les anciens lui avoient attribué des
vertus médicales 8c la confeilloient comme propre
a fortifièr les nerfs "8c comme cofmétique ; il n’y a
pas jufqu’aux excrémens de cet oifeau, qui ont été
prefcrits Comme remèdes, Sc entr*autres, comme
celui de Vifttre ou de la j^aunijfe. Ainfi, l’homme
tourmenté de maux, variés à l’infini, a cherché
des remèdes parmi les fubftances mêmes qui pou-
voient le moins lui en procurer, & l’efpérance
d’être foulagé eft le feul bien qu’il en ait retiré.
Le duvet des oies eft l’objet le plus précieux
qu’ils nous fourniffent ; auifi-tôt que les jeunes font
affez forts, c’eft-à-dire que les pennes des ailes commencent
à fe croifer fur la queue, ce qui arrive
à-peu-près à deux mois de leur naiffance , on les
plume fous le ventre, fous les ailes & au cou ; fix
femaines après on recommence la même opération
& on la réitère au commencement de fep-
tembre pour la troifième 8c dernière fois : on ne
plume les mères qu’une fois par an, cinq à fix
femaines après qu’elles ont couvé ; mais on peut
dépouiller les mâles 8c les femelles qui ne couvent
p a s , trois fois pendant l’été : ces opérations les
rendent fort maigres, mais ils reprennent de la
chair 5c s’engraiffent promptement en automne,
au point d’être bons à manger au milieu de l’hivër.
Le duvet des oies qui vivent dans les pays froids eft
le plus eftimé. On a obfervé que les grandes
pennes des ailes tombent fouvent toutes en une
nuit; elles font quarante jours à repouffer, pendant
lefquelles les oies font hors d’état de voler *
ce qui les rend timides & leur fait fuir ceux qui
les approchent : tout le monde fçait l’emploi qu’on
fait de ces pennes & les ufages fi différens auxquels
elles fervent, quoiqu’ils fe réduifent à nous fournir
l’inftrument qui fert à écrire : on les emploie aufîi
pour deffiner.
L ’oie a un cri très-aigu & très-perçant qu’elle fait
entendre très-fouvent 8c toùtqÿé| fois que quelque
chofe lui donne l’alarme , dont^fle eft très-fufcep-
tible.; c’eft ce qui la fait regarder comme une
garde ou une fëntinelle très-vigilante 8c préférable
même au chien : on peut appaifer „celui-ci
8c lui impofer filence en lui offrant à manger, au
lieu que Voie ne manque pas de crier auffi-tôt qu’on
lui en préfente; ce qui femble indiquer que fon cri,
mais différemment modi f i éef t l’expreifion de
toutes fes fenfations.
Dans les pays oii l’on fait demandes éducations
d’oies, les foins qu’on en prend fe bornent à leur
fournir en tout temps, pour paffer la nuit, une
retraite qu’elles fçavent regagner elles-mêmes,
dont elles fortent le matin pour s’ébattre fur les
eaux 8c pour pâturer fur le rivage ; à leur fournir
dans la mauvaife faifon les alimens qu’elles ne
trouyeroient pas an-dehors, 8c à leur procurer,
d ans
dans le temps des couvées, les commodités con- ]
venables pour l’éducation de leurs petits.
La vocifération ou l’habitude fréquente que les
oies ont de crier ; leur avoit fait comparer par les
anciens, les grands parleurs ,• leur ufage de donner
l’alarme , à tout ce qu’elles aperçoivent, les avoit
rendues l’emblème des délateurs : nous leur comparons
aujourd’hui, à caufe de leur marche lente &
en apparence gênée, les 'perfonnes en qui nous
apercevons des défauts analogues ; mais, d’un autre
côté, les oies paffent pour être fufceptibles d’attachement,
de fenfibilité 8c de reconnoiffance pour
les bons traitemens. On peut à ce fujet lire le
récit de faits que M. le comte de Buffon raporte
en notes dans l’hiftoire qu’il fait de cet oifeau.
Suivant des obfervations qui paroiffent bien
faites, les oies domefliques, dans le nord de l’Eu-
rope, quittent au printemps le domicile de ceux
auxquels elles appartiennent, pour aller paffer l’été
& nicher fur des marais éloignés, d’où elles
reviennent a l’autoirine, amenant avec elles leurs
petits dans les maifons qu’elles avoient quittées,
qu elles fçavent reconnoître, 8c où on les nourrit
pendant l’hiver. Ces pays du nord font ceux qui
conviennent le mieux aux oies 8c que préfèrent
celles qui vivent abfolument indépendantes, ou
les oies fauvâges. Celles-ci ne fréquentent nos contrées
temperées que quand le froid , déjà rigoureux
dans les régions du nord, les y contraint; on les
voit arriver par grandes troupes à la fin d’octobre
8c au commencement de novembre : leur vol
eleve, tranquile ,‘fe fait fur deux lignes inclinées
1 une a 1 autre, 8c formant une figure femblable à
la lettre V . Chaque bande eft de quarante ou j
cinquante, 8c l’on prétend que Voie, qui eft à la j
tetede la bande, qui fend l’air 8c fatigue le plus,
paffë enfuite à l’extrémité dé l’une des lignes , 8c
que chaque oie occupe à fon tour le rang le plus,
avancé;; Ces bandes de quarante où cinquante fe
réunifient ^quelquefois en des tr’oupés de quatre à
cinq cens ; elles ne s’abattent -pas fur- les terres en-
femenceés fans y caufier de grands dommages ; car
la pâture des blés-, qui commencent à'pouffer, eft
leur principale nourriture : elles fe retirent la nuit
fur les'lacs 8c les- étangs, où elles ne ceffèht de faire
un bruit qù’ôn entend-de très-loin. Leur marche
eft donc oppôfée à celle des canards, qui ne pâturent
dans-les champs que la nuit, 8c qui 'fe
retirent fur les eaux pendant le jour.”
Les oies fauvâges font très-méfiantes, fort diffi-
ciles a approcher ; on réuffit peu à les prendre aux
differens piégés. Aldrovande indique le moyen
de placer ou d attacher des oies domefliques entre de
longs filets propres à être relevés 8c abattus promptement
; les- oies fauv'ages viennent à la voix des
appelions, ou oies domefliques, 8c l’oifeleur, caché
convenablement, fait agir les' filets : cette chaffe
ne peut avoir lieu que la nuit. Mais comme Voie
Jauvage eft prefque -toujours maigre, que fa chair
elt le plus fouvent- coriace, au moins -dans nos
Hifloire Naturelle, Tome II,
contrées, on en fait peu de cas 8c on ne s’occupe
pas beaucoup à lui donner la chaffe ; cependant on
a imaginé, pour approcher 8c tirer ces oifeaux au
fufil, de fe' couvrir de différentes cafaques qui
imitent l’extérieur de divers animaux, ou de fe
couvrir de ramées.
Lorfque nos hivers font très-rudes, la plupart
des oies fauv âges quittent nos contrées pour s’avancer,
plus au midi, & après la faifon des froids,
toutes repaffent vers les régions du nord, où elles
fe portent vers les points les plus feptentrionaux,
comme le Groenland, le Spitzberg, 8cc. On a de
même obfervé que les oies fauvages paffent eH
Afie des contrées du nord dans les régions tempérées
, pour revenir au printemps à leurs premières
ftations ; mais on a cru de plus que les oies
paffoient du nord de l’Afie au nord de l’Amérique,
& réciproquement. Cette obfervation eft
appuyée fur la relation des voyageurs, qui ont
écrit avoir vu les mêmes oies qu’en Europe 8c en
A f ie , à la Louifiane , au Canada, à la Baie
d’Hudfon ; mais comme ces témoignages ne font
pas ceux de perfonnes qui s’affujettilfént à obfer-
ver affez exactement, on peut fufpendre fon jugement
fur l’identité des oies du nord de l’Amérique
avec celle de l’Ëurope, d’autant plus que parmi
les oifeaux qu’on nous a envoyés de ces contrées ,
il ne s’eft pas encore trouvé (Voies femblables à
la' nôtre, & qu’on y connoît au contraire des oies
qui font différentes, ou au moins des variétés très-;
diftinétes.
O i e a c r a v a t t e .
Oie fauvage du Canada. PI. enl. 346.
B r i s s . tom. V I , pag. 3 7 2 , pl. X X V I , genre
CVI.
Elle eft plus groffe que Voie domefliquc , 8c cependant
elle a le cou plus délié 8c plus long : fa
longueur totale eft de trois pieds cinq pouces ;
jfôn vol dfe cinq pieds' 8c demi ; la tête 8c les deux
tiers de la longueur du cou font d’un noir luftré
8c tirant fur le violet ; la gorge eft d’un beau blanc,
qui remonte de chaque côté fur les joues, s’étend
jufquès fur le derrière de la tête 8c y forme une
bahde large d’environ dix - huit lignes ; tout le
refte du plumage eft d’yn brun mêlé de gris plus •
ou moins foncé ; le bec 8c les ongles font noirs ;
la partie nue dés jambes, les pieds, les doigts 8c
leurs membranes font d’une couleur de plomb foncé.
Cette grande oie voyage du nord de l’Amérique
dans les provinces tempérées de ce vafte continent
; elle arrive en hiver à la Caroline, d’où elle
paffe en Canada dans le printemps, pour retourner
à la Baye d’Hudfon. On en a apporté en
Europe, où ces oies ont fort bien multiplié,
même en domefticité. C’eft une efpèce qu’on pour-
rôit rendre aifément commune & qui leroit préférable
à Voie ordinaire par fa groffeur 8c la bonté
de fa chair, qui eft beaucoup plus délicate que
celle de notre oie. On en peut voir des bandes affez
nombreüfes fur le grand canal de Yerfailles, 8c fur