
car il a befoin d’être drefle, pour qu’on en tire
tout layantage qu’il peut procurer, quoiqu’il ne'
erye que d appât, qu’il ne ihifiiï'e rien & qu’il ne
taiie qu attirer dans le piège. Son inftruûion con-
Mte a lui apprendre à voler d’un bout à 'l’autre
une corde de cent pieds de long environ, atta-
chée a deux billots fur lefquels le duc fe pofe
apres 1a volée. Pour l’y accoutumer, on l’enferme
dans une chambre oh l’on a placé deux billots en
ligne droite à quelques pieds de diftance d’abord,
ayant loin de les eloigner de jour en jour. On
attache une corde, d’un billot à l’autre, aux j ambes
du duc des menottes ; on paffe dans l’anneau de ces
menottes une corde qu’on y fixe ; on en lie l’autre
extre mité à un,anneau à travers lequel paffe la corde
tendue entre les deux billots. Le tout irchevé , on
pôle le duc fur un des deux billots ; on lui préfente
a manger fur l’autre ; il ne peut prendre le pât
qui lui eft offert qu’en filant le long de la corde ,
lans que celle qui le retient foit affez longue pour
lui permettre de fe pofer à terre ; il faut qu’il foit
torce de faire le.trajet en volant. Lorfqu’il a pris
une bccadc, on tranfporte le pât fur l’autre billot, &
1 ° n c °.ntmue ,cet exercice jufqu’à ce que le repas
i°u ™ ' - Peu-à-peu le duc s’habitue à voler d’un
billot a l’autre feulement pour changer de place
& fans y être déterminé par la néceffité de chercher
fa nourriture. Son inftruéfion eft finie alors
Sl l’on peut s’en fervir.
Pour en faire ufage on le tranfporte dans un
taillis , o ù , en élagant convenablement quelques
arbres , on a formé auparavant une forte de fa-
lon : on place au milieu un billot, & à cent pas
environ, en ligne droite , on en place un fécond :
d’un billot à l’autre on tend une corde à laquelle
le duc eft fixé de la même manière que lorfqu’il
s’agiffoit de le dreffer : Tefpace d’un billot à
l’autre a été élagué & doit être découvert : on
pofe le.duc fui- le billot en face du falon; il doit
être difpofé de façon qu’il foit ouvert & que l’accès
en foit libre en-deffus Sç fur les côtés à trois
.& quatre pieds de la furface de la terre ; les parois
mitoyens entre cet efpace & le deffiis doivent
être fermés par des branches, qui, en laiffànt la
liberté de voir dans le falon, enferme l'entrée à
un oifeau de proie qui voudroit s’y précipiter les
ailes étendues. On fufpend ■ des filets nommés
uraignks, ( voyt[ ce mot ) , aux branches qui forment
les parois inférieures du falon-; on en pofe
également une à la partie fupérieure ; on l’attache
très-légèrement aux branches qui font à l’entour ;
on ne laiffe de libre que le côté tourné vers le
billot fur lequel on a pofé le duc : le tout étant
préparé, on le retire dans une loge aux environs ;
on juge que lé duc découvre quelques oifeaux de
proie daps les airs, lorfqu’il baiffe la tête en
tournant au contraire le globe de fes yeux vers
le ciel : à l’approche de l’ennemi le duc quitte
fon pofte & vole vers le billot du falon fur lequel
il va fe pofer : i’oifeau de proie, qui ne le perd
pas de v u e , ou fe précipite vers le falon de plein
v o l, en y fondant du haut des airs par l’ouvert
ture fupérieure , il s’embarraffe dans l’araignée qu?il
emporte , & dont les côtés retombent fur lui ;
ou il vient fe pofer fur les branches qui forment
les parois fupérieurs ; bientôt il s’en précipite
pour fe jetter par les côtés inférieurs fur fon
ennemi ; mais il fait tomber les araignées & il fe
pr^nd deffous. De façon ou d’autre, aufli-tôt que
1 oifeau de proie a pénétré dans le falon, on y
court précipitamment pour le faifir avant qu’il ait
pu ou fe dégager des filets, ou fé bleffer en fe
débattant.
On peut dreffer & l’on dreffe quelquefois, de
la même manière que le duc, X effraie , le chat-
huant, le hibou. Mais on ne prend, par le moyen
de ces oifeaux, que des corneilles, des p ie s , des
geais, la menue volatile en général, & quelques
oifeaux de proie des plus petites efpèces.On prend,
au contraire, par le moyen du duc, ceux de la
plus forte taille & des èfpèces les plus recherchées.
Les auteurs ont encore indiqué quelques maniérés
de prendre les oifeaux de proie ; mais elles
font fondées fur les mêmes principes que celles
que j’ai détaillées , & elles n’offrent rien dé plus
avantageux : j ’omets d’en parler par cette double
, raifon.
Choix des oifeaux de proie.
Le choix des oifeaux de proie, ou la préférence
cju on donne aux uns fur les autres, eft relative ou
a des objets qui leur font communs à tous, ou à
des objets qui leur font particuliers, fuivant l’ef-
pèce dont ils font, ou enfin dans le choix qu’on
en fait, on fe détermine par l’aptitude connue ÔC
plus ou moins grande des efpèces pour la chaffe
ou le- vol auquel on les deftine.
On préfère en général ceux qui ont la taille
plus dégagée, une forme plus élégante , les ailes .
plus longues , le regard plus fier plus affuré ,
les jambes plus fines, les doigts plus alongés,/<z:
main plus large , & la prife plus ample ; dont le
plumage a moins de mouchetures & eft plus
fonce , fuivant la nuance commune au pennage
de toute l’efpèce.
Quelle que foit la valeur de ces indices ,. on
ne peut fe diftimuler qu’ils ne font pas toujours
furs. Une marque de bonté moins équivoque
dans un oifeau , c’eft de chevaucher le vent, c’eftr-
à-dire, de fe roidir contre & de fe tenir ferme
fur le poing lorfqu’on l’y expofe ; mais ôn doit
fur-tout avoir égard à fa fanté & s’en affurer
avant que de prendre pour lui les foins qu’exige
fon éducation. 11 faut s’affurer s’il n’eft point
attaqué du chancre , qui eft une efpèce de tartre
qui s attache au gofier & à la pariae inférieure du
bec ; s’il n’a point fa molette empelottée , c’eft - à-
dire, fi la nourriture ne refte point par pelotons
dans fon eftomac ; obferver s’il fe tient fur fa
perche fans vaciller ; fi la lange n'eft point trem- J
plante ; fi les emeuts pu excrémens font blancs & 1
clairs ; les emeuts bleus font un fymptôme de
mort.
De l'affaitage ou de la maniéré de dreffer les oifeaux
de proie.
L a fierté des oifeaux de proie, leur earaélère
indépendant &. fauvage dans l’état de liberté, font
fondés fur leurs facultés, fur des moyens puiffans
de fournir à leur.s befoins. C ’eft en les privant
quelque temps de ces avantages , en appefantif- :
fant fur eux le joug de la fervitude & de l’indig
ence , qui brifent &. qui plient jufqu’aux caractères
, que l’art dompte celui des oifeaux de proie ;
que l’homme le modifie , le change à fon gré , le
forme & le dirige félon fes vues,, &. qu’il les affervit
à fes volontés. Les oifeaux , trompés par des
fecours qu’ils reçoivent de celui qui les y affujettit,
qui les leur rend néceffaires, s’habituent à,fa vue ,
paffent de l’habitude à la foumiflion & s’attachent
par reconnoiffance à leur tyran, , q u i, à force
d’a rt, s’empare de tout leur être. Les détails dans
lefquels nous allons entrer fourniront le développement
ôt les preuves de ces affertions.
Aufli-tôt qu’un oifeau eft pris, on lui impofe
des entraves : on lui attache aux pieds des fon-
nettes ; à leur fon,. quand il jouira en apparence
de la liberté , fon maître le pourra furvre par-tout
où il fe retirera : on lui paffe les jambes dans des
jets ou fortes de menottes, dont;j’ai parlé plus
haut ; fur l’anneau qui tient à l’appendice des jets ,
eft gravé le nom du maître du nouvel efclave : on ;
y paffe une longe ou corde qui fert à attacher :
l’oifeau où l’on juge à propos. Si l’on eft dans ;
l’intention de le dreffer, la main couverte d’un
g an t, on le prend fur le poing , partageant
une partie des fatigues auxquelles on le foumet,
on le porte continuellement ; il ne doit avoir
aucun repos , ne point prendre de nourriture , ne
pas jouir du fommeil un feul inftant : il foutien-
clroit ou répareroit fes forces ; on le fçait, & le
but eft de les lui faire perdre ; fa fierté diminuera
avec elles , & l’épuifement lui infpirera les premiers
fentimens de la foumiflion. Cette épreuve
dure ,ordinairement trois jours & trois nuits ,
quelquefois davantage. Si l’oifeau,trop altier ou
trop robufte , la fupporte mieux qu’on ne le voudroit,
s’il s’agite trop fréquemment ou trop violemment,
s’il tente de fe fervir de fon bec pour
fe défendre , de temps en temps on lui jette
par jets de l’eau froide fur le corps , ou on lui
trempe la tête dans un vafe qui en contient ;
Timpreflion qu’elle produit achève de l’abattre :
il demeure quelque temps immobile &. paroît
rendu: on en profite, le plutôt qu’il eft poflible ,
pour lui couvrir la tête d’un chaperon.
Il eft rare qu’après trois jours & trois nuits
paffés dans ces violens exercices , l’oifeau conferve
toute fa fierté ; que privé pendant le même temps
de la lumière , de la vue du ciel & des campagnes
dont il jouiffoit, il n’ait pas perdu en partie
ridée de la liberté ; que l’attrait continue d’en
être aufli puiffant fur. lu i , & que l ’épreuve qu’il
a lupportée n’ait pas amôJi fon caraâère ; on
juge des effets qu’elle a produits par la tranquillité
de l’oifeau , par fa docilité à fe laiffer couvrir la
tête du chaperon, qu’on lui ôte & qu’on lui remet ;
par fa promptitude à prendre, étant découvert',
le pât ou la viande qu’on lui préfente de temps
en temps, Ces différens exercices font autant de
leçons : on les répète fouvent pour en affurer
le fuccès qui dépend de l’habitude ; pour les
rendre plus fréquentes, on donne des cures. Ce
font de petites pelottes de filaffe : elles produifent
un double effet ; en irritant l’eftomac, elles provoquent
ou augmentent l’appétit ; elles rempliffent
la fonfiion de purgatifs , excitent l’animal à fe
vuider & l’affoibliffent : la perte des forces augmente
fa docilité ; l’appétit le rend plus âpre à
prendre le pât ; il apprend à connoître celui qui
le lui préfente ; il s’habitue. & s’attache à lui peu
à peu. Quand il paroît le livrer avec affez de
franchife, il eft temps de lui donner de nouvelles
l.eçons,.
On le porte dans un jardin ; on le pofe fur
le gazon, tenu à la ■ longe ; on le découvre , ÔC
en lui montrant le p â t , qu’on tient un peu élevé ,
on l’accoutume à fauter fur le poing. Quand il
eft affuré à cet exercice, on lui fait connoître lé
■ leurre. Ç ’eft une repréfentation de proie , un affem-
blage de pieds & d’ailes , fur lequel on met la
viande dont on nourrit les oifeaux. L ’habitûde
de prendre leur pât fur le leurre , les accoutumé
à fa vue , la leur rend -agréable & le leur fait
.aifément reconnoître. C ’eft pourquoi l’on s’en fert
pour les réclamer ou les rappeller , lorfque pour
les faire chaffer, après qu’ils font dreffés , on les
a mis en liberté, & qu’on s’eft confié à la conduite
qu’ils font maîtres de tenir. «
L’inftruâion à laquelle les épreuves & les leçons
précédentes ont conduit l ’oifeau , confifte donc à
lui montrer le leurre , & l’attirer vers cet objet
par l’attrait du pât dont il eft couvert ; mais ,
pour qu’il y faffe une plus grande attention ,
pour convenir en quelque forte avec lui d’un
. fignal qui l’avertiffe dans la fuite par le moyen
de l’ouïe , au défaut de la v u e , en lui préfentant
le leurre, on appuie le gefte de la voix & de
cris qu’on répète toutes les fois qu’on renouvelle
cet exercice.
Lorfque l’oifeau eft habitué au leurre , on lui
donne les leçons en pleine campagne, mais en
le tenant toujours attaché à' la filière , qui doit
avoir-environ dix toifes de long. On lui montre
le leurre & on l’appelle du gefte & de la v o ix ,
d’aberd à quelques pas de diftance,. & de jour
en jour de . plus en plus loin. Chaque fois qu’il
vient au leurre, on le fert de la viande dont on