
îe nourrit, & on lui en laifle prendre bonne gorge
pour Yaffrïander ; enfin, lorfque l’oifeau fond fur
le leurre de la longueur de la filière, il eft temps
de lui donner Yefcap, c’eft- à-dire, de lui fairé
connoître & manier fouvent le gibier auquel on
le deftine ; ce qu’on exécute ou en attachant ce
gibier fur le leurre -, ou en le laiffant en préfence
de Poifeau courir ou voler , d’abord attaché à une
ficelle , puis en liberté. G’eft la dernière leçon ;
tant qu’elle eft néceffaire, Poifeau continue d’être
retenu par la filière ; quand il" eft parfaitement
affuré, on fe confie à lui 8c on le met en liberté ;
c’eft ce qu’on appelle voler pour bon.
Les détails dans lefquels je viens d’entrer font
relatifs aux moyens de drefier les oifeaiix en général
, mais plulieurs exigent des foins particuliers,
félon l’efpèce dont ils font, leur â g e, le climat
où ils font nés, leur fe xe , 8c quelquefois même
fuivant la dureté plus ou moins grande de leur
caraélère individuel , enfin félon le vol auquel
on le deftine.
Les bornes qui mé font prefcrites ne me permettent
pas de fuivre*ces différents objets ; mais
pour fuppléer , autant qu’il eft pofiible , .à ce que .
je fuis forcé d’omettre, je citerai quelques exem- s
pies des éducations particulières lès plus pénibles ,
d’après’ lefquelles le leéleur pourra juger dè celles
qui font plus aifées & qui fe trouvent en quelque
forte comprifes dans les premières dont il n’y a
guère qu’à retrancher pour former les fécondés.
Affaitage des Gerfauts de Norwège.
Les oifeaux font en général plus durs à dreffer i
à proportion qu?ils font d’une efpèce plus grande ,
plus âgés, qu’ils viennent de contrées plus fep-
tentrionales : il n’y en a point de plus difficiles à
traiter que les tiercelets hagards des gerfauts de
Norwège. C’eft par cette raifon que je choifis leur
éducation pour premier exemple particulier.
La plus grande difficulté par rapport à ces
oifeaux, eft de les ejfimer ou maigrir , ce qu’on
appelle aufli baijfer le corps. Elle dépend de leur
conftitution robufte , du temps écoulé depuis
qu’on les a pris au moment où on les dreffe loin
des lieux qu’ils ont coutume d’habiter, de l’inaction
dans laquelle ils ont vécu & de la qualité
trop nourriffante des viandes dont on les a remplis.
Un jeûne rigoureux n’auroit qu’un effet momentané
; moins abfolu , mais trop lon g , il pourroit
faire tomber l’oifeau dans le marafme. Il s’agit
donc de trouver un milieu, d’affoibür lés forces
fans en détruire le principe ; d’amaigrir l’animal
fans le jettpr dans le marafme , & de fe conduire
de façon qpe le dépériffement qu’on a occafionné
puiffe être facilement réparé quand on le voudra.
On remplit ces vues en réduifant la ration à
eu-près à moitié de ce qu’elle feroit fi l’on avoit
intention que l’animal jouît de toutes fes forces.
Qn paffe dans l’eau & ou lave les chairs qu’on
lui donne , opération qui les rend moins nourrit
fautes 8c laxatives. Les forces de l’oifeau , moihs
nourri 8c vuidé plus .fouvent-, baillent par cette
double caufe ; mais fon embonpoint n’eft pas
encore affez diminué, même après un mois de
ce traitement.'
Pour amener le gerfaut au point où on le
defire , on lui prépare le pat fuivant :
On prend un coeur de veau ; On le réduit ^
en le battant, en une forte de bouillie mucila-
gineufe ; on en forme une pelotte que l’on donne à
l’oifeau , après l’avoir laifle jeûner un peu plus
long-temps qu’à l’ordinaire , pour le rendre plus
âpre , & qu’il faffe gorge de la pelotte entière.
Le lendemain , ou le fur-lendemain du pat précédent
, les forces & le corps étant fuffifamment
baifles , on reprend la première nourriture de
chair lavée , à demi-ration , & on la continue
.environ quinze jours , pendant lefquels on fait
fouvent la tête à l’oifeau, c’eft-à-dire qu’on l’accoutume
à fe laiffer mettre le chaperon.
,11 eft a ifé , dans les différentes éducations, de
varier la qualité 8c la quantité des alimens , de prolonger
& d’abréger le régime , fuivant la force dés
efpèces, celle des individus & le dégré de leur:
embonpoint.
La manière de faire la tête exige quelques détails
indifpenfables pour l’éducation du 'gerfaut ,
plus ou moins néceffaires pour les autres éducations
moins difficiles.
Vers les derniers quinze jours du régime , on
bride une des ailes du gerfaut par le moyen d’un
fil; on le mouille deflùs le dos , les côtés 8c le
devant du corps , en lui jettant de l’eau avec une
éponge , puis on porte ,1a main devant 8c derrière
la tête qu’on manie , mais fans ôter ni relâcher
le chaperon ; enfuite, avec une aile de pigeon ;
que les fauconniers nomment un fr ifi- frà fi, on
le frotte en appuyant fur le dos fur les côtés , 8c
entre les jambes ; on reporte la main vers la
tê te ; fi les monvemens en font fouples, obéif-
fans à l’impreflion de la main , on relâche le
chaperon 8c on découvre à moitié un des deux
yeux. On remet le chaperon en état plus ou moins
promptement, fuivant la contenance de l’oifeau ;
on le frotte avec le frifi-frafi • on découvre de
nouveau un oe il, 8c procédant par dégrés, rendant
la lumière., l’ôtant tour à tour, & frottant
dans les intervalles avec l’aile de pigeon , oii
parvient à découvrir les deux yeux , mais fans
ôter entièrement le chaperon, dans.lequel le bec
refte toujours engagé.
Cette opération doit s’exécuter pour la première
fois dans un lieu paifible , folitaire , où il ne
pénètre qu’une lumière foible ; fi on l’a commencée
de grgrid matin , & fi on f a fouvent répétée dans
la journée ; il eft ordinaire que le gerfaut fe trouve
affez doux le fo ir, quoique découvert , pour qu’ii
foit à propos de le porter dans un lieu où il
y ait plufieurs p.erfonnes ; mais elles doivent être
toutes placées de façon que l’oiieau leur foit pre-
fenté en face , . qu’aucune ne paffe derrière lui ,
ce qui l’effraieroit. Or , il eft d e là plus grande
importance dè lui éviter , au point dont nous parlons,
tout fujet de frayeur : elle retarderoit beaucoup
fon éducation , ' & le reporteroit en - deçà
du dégré où il eft déjà parvenu. Du refte , on
traite ie gerfaut dans le lieu habité , comme on
a fait d’abord dans l’afyle folitaire , 8c l’on continue
de le découvrir, de lui remettre le chaperon
, de lui faire fentir le frifi-frafi jufqu’au milieu
de la nuit, dont on lui accorde le refte pour fe
repofer.
Quoique l’éducation du gerfaut, parvenue au
point où je l’ai conduite , foit commencée depuis
fix femaines , élle n’eft qu’ébauchée , 8c elle
exige encore près de deux mois avant qu’elle
foit achevée. Je partagerai par intervales les
exercices qui ont lieu pendant cet efpace de
temps.
Les dix premiers jours on répète les leçons que
j ’ai décrites dans, l’article précédent : on les commence
le matin 8c on les continue jufqu’au milieu
de la nuit; niais peu à peu on laifle l’oifeau
plus long-temps découvert ; on l’accoutume au
bruit, au mouvement, à la vue des chiens , qu’on
tient en leffe d’abord dans u n . plus grand éloignement
8c à une diftance moindre de jour en
jour ; on donne à l’oifeau , d’abord a demi de-
couvert , quelques bécades, puis on lui en laifle
prendre un plus grand nombre fans mettre le
chaperon, & on l’habitue enfin a prendre, fans
être couvert, fa ration entière. Lorfqu’on l’y voit
empreffé , qu’il eft d’ailleurs docile à fes autres
exercices 8c tranquille à la vue des objets, qui
l’entourent, fon éducation s’avance ; on la continue
dè la manière qui fuit :
Dans une chambre où n’entre que le maître ,
accompagné de deux aides , on a eu foin d’atta- „
cher fur une table une queue, de boeuf On porte
le gerfaut dans cette chambre : les aides s’y placent
de façon qu’il les voye en face quand il fera découvert.
Le maître tient en fa main une aile de pigeon
récemment enlevée du corps de. cet oifeau&ian-
glante ; il la fait fentir au gerfaut I il s’acharne
deflùs ; on le découvre ; on lui en laifle prendre
quelques bécades, puis ,on las retire doucement
vers la queue de boe u f, & l’oifeau .voulant fe,
jetter fur. l’aile , on îa daiffe tomber à côté ; ,1e
gerfaut s’acharne fur la queue de boeuf , fans pouvoir
fe raffafier à caufe de la nature du pat pu
tiroir. On le daiffe tirer quelque temps, &. on le
relève de cet exercice en lui montrant l’aile de
pigeon qu’on reprend | qu’on tient dans le creux
de la main. A mefure que foifeau pofe fur cette
aile l’une ou l’aqtre de fes ferres.,, on ,élève; doùj
cernent, la main en .faifant le cri de leurpe| mais
à voix baffe les premiers, jours , & pendant qu’il
eft acharné fur, l’aile , on le .couvre doucement
ayee le çhaperon, On retiré l’aile ; on recomifience
l’exercice ; l’oifeau qu’on découvre s’acharne
fur la queue de boeuf ; on le relève par
le moyen de l’aile de pigeon, avec laquelle on
le leurre. Un des aides lui préfente fa ration qu’il
tient dans la main : on la lui laifle prendre ; on le
couvre avant la dernière bécade ; on l’acharné
encore quelques inftans fur l’aile 8c l’on finit par
le frotter avec 1 efrifi-fra jl.
On répète le lendemain l’exercice du jour précédent
, en attirant l’oifeau vers la table par un
appât dont on le tient un peu plus éloigné , en
hauffant la voix pour le cri.de leurre, en même-
temps qu’on Yacharne.
Le foir du même jo u r , l’oifeau étant placé fur
fa perche & découvert, on pofe devant lu i, à
quatre à cinq pas, une lumière; on fe promène
doucement, en prenant garde d’abord que l’ombre
ne paffe pas derrière lu i , puis on l’y accoutume
peu à. p eu , 8c lorfqu’il ne paroît plus ému des
divers mouvemens qu’on fa it , on fe retire en
emportant la lumière, 8c c’eft à quoi une heure
ou deux futfifent.
Les quatorze ou quinze jours fuivans , on reu
nouvelle, les mêmes leçons, mais on-les rend plus
fortes. On les donne’ en plein air fur le gazon.
On tient d’abord Toifeau fort court, 8c on le
leurre de près ; mais on lâche graduellement fa
longe 8c on le leurre de plus loin, de façon que
le quinzième ou feizième jour, le leurre foit pré-
fenté à cent cinquante ou deux cens toiles. On
l’accoutume en même-temps au cri de leurre dans
toute, fa force & tel qu’on le fait en chaffe. Pendant
la durée de ces leçons , on diminue la ration
d’autant plus qu’on approche du terme des quinze
jours : on vuide, l’oifeau deux ou trois fois par
le moyen d'une cure d a il & .dêabfynte, qu’on lui
fait avaler enveloppée. d'étouppes. On le couche
chaque jour à la lumière , 8c on le fortifie dans
l’habitude des. rnouvemens qu’il voit faire.
Les, deux jours qui fuivent les quinze ou feize
précédens, on. acharne, le gerfaut fur une poule ;
le premier jour on ne le découvre qu’après qu’il
eft acharné, & on lui jette la poule à trois ou
quatre pas ; le fécond oh commence par le découvrir
; on lui montre la poule à cinq ou fix
: p a s , & on l’ayertit par le cri de leurre. L ’un 6c
| l’autre jo u r , pn le laifle fe repaître de la poule,
&. pendant qu’il en fait curée , on parle , on crie ,
| on tôùr,ne autour de lui pour le fortifier au bruit 8c
. au mouvement^
L e . trpifième’jçur on le tient ferme, c’eft-à-dire
qu’o.n le nourrit peu , afin de le-rendre plus, âpre
& plus sûr à la leçon du lendemain. Ce jour
on le leurre à deux cents toïfes fans filière.
L’éducation s’avance & les leçons changent. Le
but des premières était de, rendre l’oifeau docile ,
ënTaffoibliffant, de Taffurer en l’attachant par les
'fëc.purs qu’on lui .donne, de le faire au bruit 8c
au mouvement, en l’y accoutumant.peu-à-peu :
| il doit apprendre, par J e f nouvelles leçons , à