
plus v i f les uns que les autres, il eft très-probable
que ceux qui ont des couleurs plus fortes font les
plus âgés ; peut-être auffi eft-ce en partie un appa-
nage du fexe, &. les mâles font-ils les plus fortement
colorés : tous les phenicopteres que j’ai vus
venir de l’Amérique m’ont paru en général d’un
rouge plus uniforme fur tout le corps, que ceux
qui nous font apportés de l’ancien continent, &
qui ont au contraire le corps d’un rouge plus
foible & les ailes d’un rouge très-vif : enforte que
c’eft à eux proprement qu’appartient le nom d’oi-
feau aux ailes de flamme : ceux de l’Amérique font
d'un rouge plus foncé & ceux de l’ancien continent
d’un rouge rofe v if fur le corps & ponceau fur
les ailes ; les premiers m’ont paru en général plus
grands & les féconds un peu plus petits ; mais parmi
les uns & les autres, il y a beaucoup de différence
pour la taille entre les individus ; cependant ces
diffemblances ne font pas fuffifantes pour croire
qu’il y ait plufieurs êfpèces de phenicopteres ;
ceux d’Amérique & ceux de l ’ancien continent ,
les phenicopteres de la plus haute taillé & ceux qui
font les moins grands font tous certainement de
la même efpèce , & les différences qu’on remarque
entr’eux ne tiennent qu’à des circonftanees locales
& dépendantes probablement des climats.
Le phenicoptere habite en général les contrées
du midi. On le trouve dans l ’ancien continent,
depuis les bords de la Méditerranée, jufqu’à la
pointe la plus auftrale de l’Afrique ; les côtes qu’il
fréquente en Europe , font celles d’Efpagne, d’Italie
, de Languedoc & de Provence, particulièrement
vers Montpellier & Martigues, & les marais
près d’Arles. Les phenicopteres font très-communs
fur toutes les côtes occidentales de l’Afrique ; on
les connoît en Amérique, à Cuba, à la côte de
Vénézula, aux îles de Bahama, à Saint-Domingue,
aux Antilles, à la Guiane, au P é rou, au Chili, &c.
Mais dans l’un & l ’autre continent, fi l’on en voit
quelquefois dans l’intérieur des terres & dans , les
régions feptentrionales., ce ne font que des oifeaux
égarés &. hors de leur route : cependant ils font
voyageurs, mais feulement entre les latitudes méridionales.
Ils volent fouvent en troupes ttès-nom-
bteufes & quelquefois ils voyagent lèûls ; ils font
leurs nids fur les terres baffes & noyées ; ce font
des amas de terre & de glaife, relevés d’environ
vingt pouces, dont la baie refte plongée dans l’eau
& dont le fommet, à fe c & defféché, creux &
déprimé , reçoit immédiatement les oeufs, fans
aucune fubftance intermédiaire ; la femelle les
couve les jambes pendantes & tombantes dans
l ’eau, comme un homme affis fur un tabouret,
difent les' voyageurs qui ont vu le phenicoptere
dans cette occupation : les oeufs, au nombre de
deux ou trois au plus , font blancs', gros comme
ceux de Voie, un peu plus alongés ; les petits
courent avec une fmgulière vîtefle peu de jours
après leur naiffance ; mais ils ne volent que quand
Us ont acquis à-peu-près toute leur grandeur.
Les phenicopteres fe nourriffent de coquillages £
de frai de poiffons , d’infeéles aquatiques ; ils
cherchent ces alimens en enfonçant leur bec dans
la vafe & en la remuant continuellement avec les
pieds, qu’ils agitent en les levant & les baiffant
fans celte ; ils mangent aufîi du poiffon , & les dentelures
de leur bec leur fervent, également à faifir
&. retenir tous les alimens qui leur font propres ; ils
s’éloignent fort peu des rivages de la mer & ne
fréquentent guère ceux des fleuves qu’à leur embouchure;
foit qu’ils pêchent ou qu’ils fê repofent
fur la plage , ils ont l’habitude, quand ils font en
bandes, ce qui eft le plus ordinaire, de s’arranger
en une feule file ; mais il refte toujours quelqu’un
d’eux en fentinelle,. qui examine ce qui fe paffe,
& qui y au befoin, donne l’alarme par un cri affez
femblable au fon. d’une trompette : alors toute la
troupe examine ce dont il s’agit, & , fuivant la cir-
cônftance, elle prend fon vol , en obfervant un
ordre femblable à celui des grues.
Les anciens regardoient la chair des phenicopteres
comme un mets exquis, ôt c’eft encore le fenti-
ment de la plupart des voyageurs : cependant à
Montpellier , où l’on tue quelquefois de ces
©ifeaux , ils font peueftimés comme comeftibles ;
mais la diverfité des climats & de la nourriture peut
apporter beaucoup de différence à cet égard.
Quoique très-fauvage, ou peut-être très-craintif
dans l’état de liberté , le phenicoptere s’aprivoife
affez facilement ; mais il a de la peine à s'accoutumer
à nos climats, où il languit & vit péu de
temps ; dans quelque pays qu’on le retienne captif,
il ne paroît pas tenté de fe reproduire : U y a
apparence que le défaut d’alimens convenables, lui
nuit autant en domefticité , dans nos contrées, que
la température du climat ; il trempe dans l’eau le
pain dont on le nourrit, & il mange plus de nuit
que de jour. Le bec fingulier de cet oifeau a occupé
plufieurs fçavans naturaliftes & d’habilesanato-
miftes , fans cfu’ils foient d’accord laquelle de la
portion fupérieure du bec, ou de l’inférieure, eft
mobile & laquelle eft immobile ; c’eft encore un
point à éclaircir- dans l’hiftoire de cet oifeau fingulier
& unique dans fon genre.
PI A T S . C ’eft le nom qu’on donne aux petits de
la p ie . Voye£ Pie. •
PIAUHAU.
Grand gobe-mouche noir de Cayenne. B R I s s.
tom. IV y pag. 386, pl, X X X V 111, fig. 3 , genrè
X X IV .
Grand gobe - mouche noir À gorge pourprée de
Cayenne. P l.enl. 381.
Le piauhau , nom repréfentatif du cri.de cet
oifeau, eft, fuivant M. Briffon, du même genre
que les gobes-mouches ; mais il eft d’une taille fi fort
au-deffus de celle des plus grands de ces oifeaux,
qu’on a d’abord quelque peine à le regarder ,
comme étant du même genre : cependant , en
l’examinant, on lui en reconnoît tous les caractères,
& l’on a , dans un autre-genre., l’exemple
qu’une
qu’une taillé auffi fupérieure à celle qui eft ordinaire,
n’empêche pas que les oifeaux n’aient & les
mêmes caraélères génériques Si les mêmes habitudes.
Le genré dont je,veux parler eft celui du
pigeon. En effet, le pigeon couronné de Banda fur-
paffe peut-être encore plus .en groffeur les plus
grands pigeons , que le piauhau ne fur paffe les plus
grands gobes-mouches ; on peut, à ce premier
exemple, en ajouter un plus immédiat, parce
qu’il eft relatif à des oifeaux qui / comme les
gobes-mouches fe nourriffent d’infeétes qu’ils prennent
en volant: ces oifeaux,font les têtes-chevr es. Le
grand ibigeau ou grand tête-chevre de Cayenne , eft
au moins auffi gigantefque à proportion du plus
petit tête-chevre de la même contrée , que le piauhau
l’eft à l’égard du plus petit gobe-mouche, &
néanmoins M. de Montbeillard a non-feulement
regardé, avec tous les auteurs, ces oifeaux comme
appartenans au même genre ; mais^il a cru même
que le grand & le petit ibigeau, malgré la différence
de leur taille , n’étoient que des variétés de la
même efpèce. On peut donc, ce me femble, d’après
ces raifons, regarder-, avec M. Briffon, le
piauhau comme appartenant au genre des gobes-
mouches.
Il eft plus gros que la draine ; fa longueur eft
d’onze pouces & demi ; il a un pied dix pouces
quatre lignes de v o l; fes ailes pliées font auffi
longues que la queue; tout font plumage, en y
comprenant les ailes & la queue, eft d’un noir-
foftcé, excepté une tache d’un pourpre éclatant,
qui couvre la gorge & s’étend fur le refte de la'
partie fupérieure du cou en-devant : le bec eft de
couleur plombée; les pieds & les ongles font noirs.
La femelle n’à point de tache pourpre ôt elle eft
entièrement noire.
Les piauhaux' volent en bandes ; ils font très-
vifs &prefque; toujours en mouvement; ils n’habitent
que les bois , & l’on dit que leur apparition
annonce celle des toucans, qu’ils ont coutume de
précéder.
PIC.
' Les pics font des oifeaux qui appartiennent également
aux deux continens ; ils habitent les pays
chauds , les climats tempérés , & les régions les
plus froides ; mais ils diffèrent dans les diverfes
contrées, & les efpèces font beaucoup plus nom-
breufes dans les pays méridionaux que dans les terres
feptentrionales ; ils fe nourriffent aux dépens des
larves ou des vers d’infeéles qui vivent à l’intérieur
des arbres ; les pics n’ont pas d’autre nourriture;
elle leur coûte beaucoup de recherches & de fatigues,
parce qu’elle eft a-la-fois difficile à découvrir
& à obtenir. Avant de nous étendre davantage
fur le genre de vie que rriëne'nt les p ic s , examinons
quels font les .caraétères qui les diftin-
guênt des autres' oifeaux.
Les pies ont quatre doigts dénués de membranes,
deux devant &l deux derrière , tous féparés environ
jufqu’à leur.origine :
Hlfloire Naturelle. Tome 11*
Les jambes couvertes de plumes jufqu’au talon :
Le bec droit &. en forme de coin.
La langue très-longue & reffemblante à un ver
de terre : . •
Les plumes de la queue roides en forme de coin.
• Tels font les caraéfères que M. Briffon affigne
aux pics qui compofent le X L V I Ie 'genre de fa
méthode.
Ajoutons à ces caraâëres, que les pics ont la
tête fort groffe, les mufcles du cou épais &. très-
forts; le bec carré à fa b a fe , canelé dans fa longueur
, d’une fubftance compare, denfe & très-
lblide : que leur langue eft terminée par un ap-
pendicé dur, pointu, d’une fubftance moyenne
entre celle des os &. la fubftance dés cartilages ;*
qu’ils ont la faculté de darder leur langue &.
de l’alonger beaucoup hors du bec , & de la
retirer précipitamment à l’intérieur ; mouvemens
qu’ils exécutent à la faveur de certains mufcles
dont là defcription appartient a 1 anatomie ; ob-
fervons que cette faculté d’alonger, de retirer la
langue eft commune aux p ic s , au torcul, aux
colybris & • aux oifeaux-mouches , & qu’elle eft ,
dans ces différens oifeaux , le produit dun me—
chanifme femblable ; quant aux pic s, continuons
de remarquer que leurs pieds font courts , leurs
doigts longs & forts , armés d’ongles très crochus ,
pointus ôt fort folides ; que leurs pieds font
puîffamment mufclés ; enfi.il que leur queue eft
compofée , dè dix pénnes fléchies en - dedans ,■
étagées du centre fur les côtés ; que les barbes
én font courtes , . groffières- & 1 peu flexibles , les
tiges groffes:, un peu applaties,- dures- & rotdes £
que la queue fert aux pics de point d’appui dans
les attitudes différentes qu’ils ‘ prennent autour
des arbres.
Ces oifeaux ont le vol court & rapide, les mou-»
vemëns brufques , l’afpeéi farouche, la voix rauque,
aigue & perçante. Ils s’attachent, à l’aide de leurs
pieds, au tronc dès arbres ; ils y montent, ou ils
en defcendent, ainfi que . le long des principales
btanches, en s’appuyant fur leur queue,' & en
frappant, de diftance en .d-iftance , avec leur bec ,
des coups redoublés, & fi forts que fouvent on les
entend de loin au milieu du filence qui règne
dans lès forêts ; car ellés font le féjour des pics ,
qui ne fréquentent ni les plaines, ni les taillis, ôc
qui ne peuvent trouver à vivre que parmi les
hautes futaies.-'• ‘ - -
Lorfque les f/iç-r ont frappé dans une partie
.d’un arbre , ils fe portent précipitamment à la
partie oppofée , pour y faifir les vers que le
bruit & rébranlement ont mis en mouvement,
qui fe préfentent à l’entrée des trous dans lefquels
ils v iv en t, & qui cherchent dans cette circonf-
tance à en fortin; mais cette manière de chaffer
ne fournit qu’en partie à la fubfiftance des pics 3 &
peut-être à'celle des plus petites efpèces ; les
larves des grands infëétes , retirées plus profondément
à l’intérieup des arbres, font moins iënfibles