
à ces oiféaux le nom d ’oifeaux carnacitrs Ôc celui
d ’oifeaux de rapine. On les divife en diurnes Sc en
nocturnes.
Si le goût pour la chair ôc les fubftances animales,
«n général, fuffifoit pour que les efpèces en qui
on le remarque fuffent miles au rang des oifeaux
de proie, cette claffe feroit très-nombreufe Ôc beaucoup
plus que celle des oifeaux qui n’ont point
d’appétit pour les mêmes fubftances. En effet,
pire (que tous les oifeaux granivores, la plupart de
ceux qui vivent de fruits ou de bayes, font friands
dl’înfeâes de leurs larves , de leurs cryfalides ,
& beaucoup même ont du goût pour la viaride
quand ils en rencontrent à leur portée ; ainfi la
plupart des oifeaux, de ces êtres , dont la gaité
àc la. douceur femblent être le caraâère ôc les
rendent aimables , ont cependant du goût pour
le fang & la chair ; il ne leur manque que la
force ôc des armes pour devenir cruels ôc fangtii- .
maires ; ôc fi ceux qui vivent d’infeâes , de poiffons,
de vers,ne nous afteâentpas parleur caraâère cruel,
comme les oifeaux de proie proprement dits, c’eft
que nous fommes touchés des maux fenfibles ôc .
évidens que ces derniers font fouffrir aux viâimes .
qu’ils immolent à leur faim, au lieu que les pre- |
miers l’affouviffent en engloutiffant des animaux j
qui ne donnent ni par leurs mouvemens-, ni par ,
des cris, qu’ils n’ont pas la faculté de pouffer , ;
aucun ligne de douleur, & c’eft fur - tout parce
que les premiers faififfent une proie qui fuit &
qu’ils verfent le fang , tandis que les féconds fur-
prennent la leur , qui n’a pas le temps d’échapper
Ôc l’engloutiffent fans la déchirer, fans effufion de
fes humeurs.
Les oifeaux de proie font mieux armés ; ils ont
des ailes plus amples ôc des mufcles plus forts que
les autres oifeaux en général. C ’eft à ces avantages
que font dus leur hardieffe , leur courage & les
bonnes qualités réunies aux mauvaifes qui ne leur
manquent pas : leur bec eft fortement courbé,
acéré & tranchant ; leur tête eft greffe & foutient
de puiffans mufcles , deftinés au mouvement du
bec , dont fa forme , le poids de la tête , la force
des mufcles rendent les coups dangereux pour
ceux qui les reçoivent, ôc aflürés pour ceux qui
les portent.
Ils ont les yeux plus grands, plus enfoncés dans
l’orbite que les autres oifeaux , ombragés par une
faillie que forme l’orbite ; ces organes font pourvus
d’une membrane de plus & d’une texture en général
plus forte : cette conformation rend lavue des oifeaux
de proie plus perçante, plus longue , plus fûre
& leur, procure de grands avantages.
A la faveur de leurs ailes plus amples, garnies
de pennes plus folides, mues par des mufcles plus
forts , les oifeaux de proie gagnent plus aifément les -
hautes régions, s’élèvent au-deffus de leurs viâimes
& les pourfuivent avec plus de vîteffe que celles-
ci n’en peuvent mettre a fuir.
Enfin les oifeaux de proie ont le pied lo n g , ,
. grêle ; les doigts menus , déliés , alongés £ terminés
par des ongles longs ôc très-acérés. Ce font
de puift'antes armes , propres à la fois à atteindre
de loin, à faifir avec facilité, à retenir par une
grande furface, à arrêter avec force ôc à faire de
profondes bleffures. Ces mêmes armes font miles
en action par des mufcles très-forts qui agiffent
par de très-longs leviers , ôc fouvent après avoir
paffé fur des poulies de renvoi qui augmentent
beaucoup leur action.
Suivant que les différentes parties , dont je viens
de parler, {ont plus avantageufement conformées,
YoiJ'eau qui en eft pourvu attaque plus aifément ôc
triomphe plus certainement d’une proie plus puil-
fante ; Ôc le courage , dont nous lui faifons -honneur
, n’eft qu’une fuite d’une organifation plus
heureufe.
C’eft la différence, dans la ftruâure des pennes
des ailes , qui fait que certains oifeaux de proie
s’élèvent dans les hautes régions , tandis que d’autres
ne peuvent pas en volant atteindre à de fi grandes
hauteurs ; les premiers font ceux qu’on appelle en
fauconnerie, oifeaux de haut vol ; ÔC les. féconds
ceux auxquels on donne le nom d’oifeaux de bas vol.
Suivant la conformation de la ferre , ces mêmes
oifeaux ont auffi plus ou moins d’avantage pour
faifir, combattre ôc terraffer leur proie. M. Huber ,
dont les travaux fur la fauconnerie nous ont été
fi utiles , appelle oifeaux nobles ceux qui ont les
doigts longs Ôc déliés , ÔC oifeaux ignobles ceux qui
les ont courts ôc maffifs.
Il y a des oifeaux de proie dans toutes les contrées ;
les plus grands vivent fur les montagnes, ôc en
général dans les lieux déferts ôc loin de ceux qui
font habités ; ils doivent, d’après leur manière de
vivre , s’éloigner de l’homme , comme l’homme a
dû les repouffer des lieux où il ‘s’eft fixé ; les aigles
ôcles vautours font, en général, les plus grands dés
oifeaux de proie : le plumage de prefque tous ces
oifeaux, de quelque genre qu’ils foient, à un fort
petit nombre d’exceptions près, n’offre dans tous
les pays que des couleurs fombres , dont le brun
ôc le gris font les plus ordinaires ; ils n’ont point
de chant ; leur voix n’eft qu’ijjj fon rauque, aigu
ou plaintif ; leur extérieur eft trifte ôc fombre ; ils
n’ont rien des grâces ôc de la vivacité des autres
oifeaux ; ils ne le mettent en mouvement que pour
découvrir ôc pourfuivre leur proie"; quand ils font
repus , ils demeurent dans l’inaâion fur les rochers
, dans les cavernes où les retraites qu’ils ont
choifies p.our leur féjour ordinaire ; leur apparition
eft pour les autres oifeaux un fignal d’allarmes ôc
de calamité ; les chants ceffent dans les airs , leurs
habitans difeontinuent leurs vols ôc leurs ébats pour
fe réfugier dans l’épaiffeur des forêts,fous les plantes
qui peuvent les cacher Ôc par-tout où ils croient
pouvoir être en fûreté contre leur ennemi ; la
mère avertit fes petits par un cri qu’ils fçavent dif-
tinguer ; elle les raffemble, ou ils fe cachent, tandis
qu’elle s’offre feule au danger qui les meoaeç ; ô$
ce n’eft qu’aprës ■ que YoiJ'eau de proie a dHpam ,
que les chants & les ébats recommencent ; que les j
femelles rappellent leurs petits 5 les conduisent & ;
reprennent pour eux leurs foins ordinaires ; ainfi ;
trilles & fombres eux-mêmes , les oifeaux de proie,
par-tout où ils fe tranfportent, répandent l ’alarme :
ôc l’épouvante. 1 , „
La nature a lieureufement reftreint leur puiffance
prolifique : ils font , en général, moins féconds
que les autres oifeaux ; les plus grands ■ ne font
'qu’une ponte ôc ne produifent que deux petits par |j
an ; les autres, fuivant leur taille, font deux pontes,
quelques-uns trois , Ôc chaque ponte eft de trois
ou quatre oeufs ; les femelles font , parmi ces .
oifeaux , d’un tiers plus grandes que les mâles, ce
qui a fait donner aux derniers le nom de tiercelet;
ils font moins hardis /moins courageux Ôc moins
entreprenans que leurs femelles , preuve bien frappante
que ces qualités brillantes font dans les
oifeaux de proie le réfultat de leur puiffance. ôc de
leur force, l’effet d’une caufe purement phyfique,
ôc non pas une fuite d’un principe moral qu’on a
vainement tranfporté de l’homme aux animaux
dans lefquels il n’exifte pas.
Les oifeaux de proie , confidérés relativement
aux autres oifeaux, en font en général les tyrans ;
mais plufieurs , confidérés relativement à l’homme,
lui font utiles par les fervices qu’il a fçu en tirer,
par l’art qu’il a eu de les dreffer , de les rendre
intelligens ôc dociles à fes volontés , ôc de faire
tourner, à fon profit , leur aâivité ôc leur caraâère
fanguinaire.'Ces oifeaux font ceux dont on
prend foin, qu’on dreffe Ôc qu’on nourrit dans les
fauconneries, V. Fauconnerie. L’homme, auquel les
autres oifeaux de proie font nuifibles par la part
qu’ils s’approprient du gibier dont il fe nourrit lui-
même , les a proferits ; il a tourné fon induftrie
contr’eux , Ôc il. empêche, autant qu’il le peut,
qu’ils ne fe multiplient , par la guerre qu’il ne
ceffe de leur faire , ôc les pièges de diverfes.
efpèces qu’il leur tend. C’eft probablement cette
guerre de l’homme , contre les oifeaux de proie ,
qui a déterminé les plus grands ôc les plus forts
d’entr’eux à fe retirer fur les montagnes ôc les lieux
déferts, où ils font moins dans l’abondance , mais !
©ù ils trouvent plus de calme ôc de fûreté ; les J
plus petits oifeaux du même genre fe font , au j
contraire , moins éloignés, parce qu’il leur a été
plus facile de fe dérober à notre pourfuite, ôc que
les forêts feules leur ont offert des retraites allez fûres.
Il n’y a que les oifeaux de proie diurnes qui foient
fufceptibles d’être dreffés, quoiqu’on ne tire pas
parti de tous ôc que nous ne. nous fervions pas
des uns, parce qu’ils fo n tc om m e l ’aigle , trop
puiffans, ôc des efclaves trop difficiles à gouverner;
des autres, parc# qu’ils font trop mal armés , ô c ,
fuivant notre façon de. jug er, trop lâches , comme
lès vautours ôc la bufe. Ce font donc à ces oifeaux,
©u trop fiers pour nous fervir , ou trop lâches ,
félon, nous, pour nous être utiles , que nous faifons
la guerre ; elle eft jufte , puifqu’ils nous font
nuifibles ;. mais, il n’en eft pas de même de la prof*
icription des oifeaux de nuit que nous aurions intérêt
de prendre fous notre proteâion, au lieu de
chercher à les détruire.
Il n’y a pas, parmi ceux-ci, d’efpëces auffi grandes
que parmi les oifeaux de proie diurnes : les grands
ducs , qui font les plus forts de ces oifeaux , n’approchent
pas de la taille des aigles ôc des vautours ;
la plupart d’entr’eu x , fur-tout ceux qui font de
moyenne ou de petite taille , ne vivent que de
quadrupèdes qui nous font nuifibles , ôc contre la-
multiplication defquelsôls font peut-être une desplus
puiffantes barrières, que la nature y ait op-
pofées : ce font les mulots, les rats , les.fouris /
les mufaraignes , les loires, les taupes. Ces quadrupèdes
, peu dangereux chacun individuelle-
■ ment , parce qu’ils font d’une petite taille , mais-
qui exercent de fi grands ravages Ôc font tant de
dépenfe parce qu’ils font plus féconds , Ôc, par une
fuite néceffaire , plus nombreux que les autres y
font le fond de la nourriture des oifeaux nodurnes.
Si ces oifeaux facrifient à leur apétit quelque memï
gibier, ce ne font guère que de jeunes lapins qu’ils
fur prennent le fioir à la fortie , ou le matin à la
rentrée ,. ôc la deftmâion de ce gibier lui-même eft
plus avantageufe que nuifible. Combien les habitans:
de la campagne Ôc les agriculteurs agiffent-ils-
donc, d’une manière oppofée à leurs intérêts, en
proferivant les oifeaux de nuit, en les harcelant ôc
les pourfuivant fans relâche , comme on a coutume
de le faire ? Mais, leur profeription n’eft pas-
feulement fondée fur le faux calcul des dommages-
qu’on imagine qu’ils caufent ôc des- avantages réels-
qu’ils procurent, auxquels on ne fait pas-affez
d’attention ; une forte d’antipatie , fondée fur le-
préjugé, arme l’homme contre les oifeaux de nuit £
on leur trouve un extérieur défagréable , Ôc qui ne-'
paroît tel que parce qu’on eft moins accoutumé à
les voir, que les autres oifeaux ; que parce qu’om
les examine , non dans le temps où ils font libres;
dans leurs mouvemens ôc agiffans, mais pendant:
le jour , ôc que ces oifeavx voyant mal alors ,>
ont en effet l’air embarraffé ; que leurs mouve--
mens font contraints ôc gênés-, ôc qu’ils paroiffent:
aufià lents que les oifeaux diurnes font leftes ôc
agiles. : un préjugé plus puiflant encore , parti eu--
fièrement attaché à quelques -efpèces de ces oifeaux^,
fe répand fur tout le genre Ôc en fiait le malheur '
de notre part. Le peuple imagine que , parce que
quelques, efpèces d ’oifeaux no dûmes fe retirent-'
dans les tours des églifes ôc dans les clochers , ils*
font des êtres finiftres, dont la voix appelle les*
moribonds aux fieux qui leur fervent de retraite.-
Futil ôc ridicule préjugé également nuifible à
fihomme qui conçoit- l’effroi ôc l’épouvante, à la-
vue ôc à la voix des oifeaux de nuit, ÔC à ces oifeaux-
auxquels il a fait déclarer une guerre irijufte.
C’eft la conformation de leurs yeux , trop fen--
fibles pour foutenir l’éclat du jour,..ôc telle qu’ils