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qu’alors les • tétras commencent à recônnoître le
danger qui a pu les menacer, & qu’ils s’y fouf-
traient par la fuite ; une fois qu’ils fe font envolés,
il. n’eft plus poflible de les approcher que le lendemain
matin. Comme un foui mâle fuffit à plufieurs
femelles, on s’attache , dans les chaffes , à ne dédétruire
que les mâles.
La femelle pond de cinq à huit ou neuf oeufs ;
ils font blancs, tachetés de jaune ; elle lel dépofe
fur la moufle , en un lieu fe c , & les recouvre de
feuilles quand elle fe lève pour aller chercher de
la nourriture ; le-mâle ne prend aucun foin de la
couvée ; les petits fuivent leur mère auffi-tôt qu’ils
font nés ; elle les conduit avec beaucoup de foins, .!
& les cryfalides des fourmis font leur première
nourriture : les jeunes demeurent en bande avec
leur-mère jufqu’au printemps fuivant.
On trouve les tétras fur toutes les hautes montagnes
d’Europe, dans les plaines -de la Sibérie ,
ôc jufques fur celles de la baie d’Hudfon. Leur
chair eft très-noire; elle a un fumet bien fort, ôc
elle palfe pour un mets exquis. Cependant fon
goût dépend fouvent des fubftances dont le tétras
s’eft nourri ; les baies de genièvre lui donnent un
goût défagréable. Ayant reçu un coq de bruyère ,
dont je trouvai le gefier ou eftomac ôc la poche .
remplis de fommités de picea, j’en fis préfent à
une perfonne qui le fit fervir fur fa table ; le
goût de la réfine du picea perçoit à travers la'
faveur propre à la chair du tétras ; cependant
une partie des convives le trouvèrent. un bon
mets-, & le goût de réfine en dégoûta les autres :
cette odeur eft fi propre aux tétras, qu’il fuffit de
manier quelque temps leurs plumes , comme font
ceux qui préparent ces oifeaux, pour que les |
mains contrarient cette même odeur. Cet oifeau
‘ feroit fans doute un de ceux qu’il feroit important
de rendre domeftiques ; fa taille , la bonté
de fa chair , le nombre des petits qu’il produit,
les climats qu’îl habite, font autant de raifons
d’inviter à en tenter l’entreprife , contre laquelle
il n’ÿ a que fon naturel fauvage, mais qu’on
pourroit efpérer de vaincre , en enlevant des oeufs
qu’on feroit couver par des poules , ôc en élevant
les petits à la manière des faifans ; ces derniers
oifeaux ne font peut-être- pas naturellement moins
fauvages que les tétras, ôc cependant on les a
rendus domeftiques, comme il eft probable qu’on
y parviendroit en s’y prenant bien à l’égard des
tétras..
La chaffe de ces oifeaux eft pénible , elle
exige quon les relance en quelque forte comme
les grands quadrupèdes : les feigneurs Allemands,
fur les terres defquels les grands tétras, fans
-être très-communs , font moins rares cependant
que . dans la plupart des contrées de l’Europe
• moins foptentrionales , s’en réfervent la chafle.
La veille qu’ils en veulent prendre l’amufo-
ment , ils envoyent lé foir , vers l’heure où
le foleil fe couche , un piqueur reconnoître
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dans la forêt , les cantons ôc les arbres fur lesquels
des tétras viennent s’abattre pour y paffer la
nuit- ; le lendemain matin , les chaffeurs 1e mettent
en marche avant ie lever de l’aurore , 6c ils partent,
fuivant la diftance des lieux , de façon, que conduits
par le piqueur, ils arrivent aux premiers traits
du crépufcule , près- des lieux où les tétras ont
pafle la nuit : ces oifeaux s’agitent alors , frappent
des ailes, pouffent le cri d'appel auquel les femelles
fe rendent, fautent de branches en branches, descendent
de l’arbre fur lequel ils fe font repofés , y
remontent, en redefcendent : il eft aifé de les approcher
de près pendant ces moùvemens ôc de les
tirer ; ils ne font aucune attention à ce qui les
environne, 6c fi on les a manqués une première
fois , ils donnent le temps de préparer une fécondé
décharge ; mais aux rayons du foleil qui paroît fur
l’horizon, ils fortent de leur ivreffe , ils recon-
noiffent le danger , ils le fuient, ôc il n’eft plus
poffible de les joindre.
T é t r a s (pe tit) ou CoQ d e b r u y è r e s a
QUEUE FOURCHUE .
PI. enl. 17 2 , le mâle ; 17 3 , la femelle*
Coq de bruyères à queue fourchue. B r i s s . tom. 7,
pag. 18 6 , genre V.
Faifàn de montagne, coq de bouleau.
Tetrao ou Urogallus minor en Latin ; r p
Gallo alpejlre en Italien ;
Brom-han , birg-fafan, &c. , en Allemand ;
Orre en Suédois ;
Heath-cock en Anglois.
Le petit tétras a les mêmes cara&ères que le
grand fuivant l’ordre méthodique, 6c il eft du même
genre, ou de celui de la gelinotte ; il eft un peu
plus gros que 1 efaifan , la tête 3 le cou , le bas du
dos , Je croupion font d’un noir-violet .; le haut
du dos ôc la poitrine font noirs, 6c les plumes qui
les couvrent font bordées de noir-violet ; le ventre,
les côtés , les couvertures du deffus de la queue
6c celles des ailes font noirâtres , excepté ■ vers
l’épaule , où. il y en a quelqu’unes de blanches ; les
jambes font variées-de. brun Sc de- blanc-, ôc les
pieds font couverts jufqù’à l’origine des doigts de
plumes variées de ces mêmes couleurs, décompofées
6c femblables à,du duvet ; les grandes pennes des
ailes font brunes 6c leur tige eft blanchâtre ; les
moyennes-au contraire font blanches 6c leur tige
eft brune ; les pennés,;de la queue font d’un : noir-
v iolet; les huit intermédiaires font plus courtes de
quatre pouces que les quatre extérieures de chaque
côté ; cellestci font fléchies 6c contournées, en dehors
par le bout, ce qui rend la queue très-fourchue
; l’oeil eft ombragé par une membrane pa-
. pillaire en forme de croiffant d’un rouge fort
v if ; le bec eft noir, ; les doigts font bruns &
garnis de chaque côté d’appendices écailleux ; les
ongles font noirâtres. #
La femelle plus petite que le mâle, mais dans
une difproportion moindre qu'entre le grand tétras
6c fa femelle, atout le! plumage varié’ de,.petites
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raies noires ttanfverfales fur un fond rouffeâtre ; il j
y a fur la poitrine,ôc le ventre une teinte grifâtre ; 1
ja gorge eft blanchâtre ; les grandes pennes des j
ailes lont brunes ; les moyennes font blanches, ter- j
ruinées de brun rayé tranfverfalement de noir 6c j
bordé de blanc à l’extrémité ; celles de la queue font j
rouffes, rayées tranfverfalement de noir ; elles-font .{
difpofées comme dans le mâle , mais plus courtes; |
le refte de la defcription eft femblable à celle du |
mâle.-
On a obfervé que les jeunes males ont d abord le
plumage de leur mère ; qu’ils prennent à lapremière
mue les nuances qui leur font propres, quellesfo
foncent à mefure qu’ils avancent en âge ; que ce n’eft
qu’à trois ans qu’ils prennent du blanc à la gorge, 6c
que lorfqu’ils font très-vieux il paroît une tache
noirâtre fous la' queue.
Le petit tétras n’habite, comme le grand , que
les pays froids ôc les montagnes dans les régions
tempérées; il eft très - commun dans le nord
de l’Europe , 6c fur-tout en Pologne ; on le trouve
fur les Alpes, fur les montagnes du Bugey,>où
on le nomme grianot, ôcc. Il fe nourrit de boutons
6c de feuilles de bouleau, de baies de bruyere ,
de chatons de coudrier ; il mange auffi du grain ;
il fe rabat l’hiver fur les baies de genièvre, fur celles
de canneberge qu’il cherche fous la neige. Dans les
pays très-froids , comme la Norvège , les Auteurs
aflurent qu’il paffe les deux ou trois mois les plus
rigoureux de l’hiver engourdi fous la neige , lans
prendre de nourriture ; plufieurs de ces oifeaux,
que j’ai reçus des Alpes aux mois de décembre 6c
de janvier, avoient dans le jabot ou l’eftomac dés
fommités de fapin.
Les petits tétras volent en troupes 6c habitent dans
les; bois»; ils entrent en-amour fur la fin de l’hiver.
Quelques obfervateurs ont écrit, qu’alors les mâles
fe raffemblent tous les, matins , en grand nombre
for. quelque lieu élevé-, tranquille , environné de
marais. L à , dit-on, ils fe livrent de rudes combats ,
qui finiflent par la fuite des plus foibles ; les vainqueurs
fe difperfent fur les groffes. branches dés.
arbres , ôc' l’oeil en feu , tout le corps agité , ils
pouffent un cri de rappel , -qui s’entend de très-
loin , auquel les femelles répondent, 6c auquel
elles fe rendent au pied des arbres, d’où les mâles
-les ont appellées ; chaque mâle fe choifit trois ou
quatre femelles ; ôc l’on veut que ces combats, ces
appels fe renouvellent tous, les jours dans le même
endroit qui a été choifi pour lieu du rendez-vous.
Il eft difficile de ne pas croire qu’il y a quelque
chofe d’exagéré dans ce ré cit, qui le réduit probablement
à ce que les tétras mâles, qui fe rencontrent
dans la faifon de l’amour, fe battent avec
acharnement, comme le font beaucoup d’autres
oifeaux dans le même temps , 6c qu’après ces
•combats les plus forts jo aillent des femelles. Mais
ces rendez-vous réguliers , ces efpèces de défis
journaliers ont quelque chofe de romanefque, qui
ne convient guère à des animaux.
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Les femelles fécondées fe féparent 6c fe retirent
chacune en particulier dans le plus épais des taillis,
pour y faire leur ponte ; elle n’eft que de fix ou
lept oeufs ; fuivant quelques auteurs, de dix ou
douze, ôc même de v ingt, fuivant d’autres. Les
jeunes tétras prennent un accroiffement affez rapide
: dès l’âge de cinq à fix femaines ils font
déjà en état de prendre leur effor ôc de fe peicher
fur les arbres avec leur mère : on imite alors leur
cri par le moyen d’un appeau, 6c la mère trompée
, qui croit entendre un de fes petits égaré , v a
à ce c r i , menant avec elle fa couvée quelle livre
aux chaffeurs, foit qu’ils la prennent au filet ou
la détruifent à coups de fufil.
En hiver , les vieux mâles ont coutume de
raffembler le matin , quandfle ciel eft ferein , tous
les oifeaux de leur efpèce, par un cri de rappel
auquel ils fe rendent ; puis ils fe portent tous en-
femble fur les endroits qu’on a découverts de neige ,
fur-tout fur les pièces de terres qui ont ete en-
femencées l’été précédent. On les chaffe alors
dans les plaines du nord avec les oifeaux de proie.
Une autre manière dé prendre les tétras, ufitee
en Pologne, eft de préparer une peau de ces
oifeaux , qu’on bourre ; on l’attache fur un bouleau :
cette chafle n’a lieu que dans la faifon des amours.
A la vue de cette peau, qu’on place dans le lieu
où les tétras ont coutume vde s’affembler , ils s a-
niment, s’engagent dans des combats où ils font
fi acharnés , qu’il eft facile de les affommer^ ou
même de les prendre yivans. Ces oifeaux s’ap-
privG.ifent facilement, 6c ceux qu’on a conférvés
fervent d’appeau pour les années fuivantes.
Lorfque la faifon des amours eft paffée, on fe
fort encore , mais avec moins d’avantage , de la
peau fourrée d’un tétras qu’on nomme balvane. On
la place fur un arbre à diftance convenable d’une
hutte où un tireur fe tient caché : des chaffeurs
à cheval fe difperfent , 6c faifant une enceinte ,
ils pouffent , en faifant claquer leur fouet , les
tétras d’arbres en arbres : ceux-ci attirés par la
balvane , fe portent vers le lieu où ils l’apper-
çoivent, ôc fe perchent fur les arbres d’alentour ; -
mais comme ils font alors très-foupçonneux ,. le
tireur ne doit pas fe preffer , il doit bien prendre
fon temps , 6c attendre que les tétras fe croyant
en fureté , fe foient mis à bequeter les boutons
des arbres. Cette chaffe peut fe faire depuis le
lever du foleil jufqu’à dix heures du matin , 6c
d’une heure après-midi à quatre ; dans le refte de
j la journée les tétras font trop difperfés , fi ce
j n’eft en automne , par un temps calme ôc couvert ;
car alors ils fe féparent peu, ôc la chaffe peut
avoir lieu toute la journée.
La chair des petits tétras n’eft eftimée que comme
un affez bon aliment ; mais on n’en fait pas le même
cas que de celle du grand tétras, 6c elle n’eft pas
comptée au nombre des gibiers recherchés ôc qui
paffent pour exquis ; cependant ces oifeaux font
d’une grande reffource dans les pays de montagne ;