
confiftô ordinairement en vianae de boeuf ou de
mouton , dont on a retranché avec foin lagraiffe,
les parties tendineufes , membraneufes ôc ner-
veufes ; on la coupe en morceaux minces &
oblongs ; on y ajoute quelquefois de la chair de-
volatils : on Jiache celle-ci fans en féparer ni les
plumes ni les os ; puis on la mêle avec la groffe
viande. Celle du porc eft nourriffante, mais elle
l’eft trop 8c ne convient qu’autant que les oifeaux
font exténués par une diette trop longue, comme
il arrive quelquefois quand on les paift trop longtemps
après les avoir dénichés. La chair de veau
eft malfaifante ne nourrit pas , conduit au ma-
. rafme 8c ne doit jamais être employée.
On ne donne le paft que deux fois par jour ;
le matin à fept heures, l’après midi à Cinq;,en le
jettant fur la table 8c pendant que le repas dure,
on excite les jeunes oifeaux par un cri quelconque,
mais qui eft chaque fois le même , afin qu’ils
le reconnoiffent ôc qu’ils foient alertes en l’entendant.
La table eft toujours l’endroit fur lequel on
donne le paß aux oifeaux de haut vol ; on le
donne à terre aux oifeaux de bas vol quand ils font
en état de defcendre .de l’aire 6c d’y remonter.
Les uns ôc les' autres exercent leurs forces peu à
peu ; ils atteignent aux lieux qui font à leur portée
d’abord par fauts, puis ils commencent à fe confier
à leurs ailes ; leur vol eft d’abord lourd 8c
fâns g râ c e; ils ne fçavent ni fe diriger, ni s’arrêter
& fe pofer ailleurs qu’à terre. Au bout de
trois femaines environ, après la première fortie
de fa ire , les oifeaux de haut vol commencent à
lAonter à l ’ejfor. Ils fe jouent entr’eux & ces jeux
font le prélude 6c l’image des attaques qu’ils for-
aneront par la fuife ; bientôt tout habitant de l’air
■ qui en traverfe l’efpace eft expofé à des infultes
•de leur p ar t, 6c au bout de fix femaines, celui
'qui eft foible devient déjà leur proie. Les chauve-,
ïouris , lés hirondelles ont coutume d’être leurs
premières viftimes. Il eft temps alors de les
prendre, 6c en les dreffant de s’affurer de leur
fidélité. Us ont été jufqu’à ce moment des efclaves
libres , retenus par le befoin, mais pouvant fe
paffer déformais du paß qui leur étoit néceffaire ,
als jouiroient de leurs facultés pour eux 6c à leur
£té.
Le développement fucceffif dont je viens de
p a r le r, eft plus prompt dans les oifeaux de bas
vo l ; il a coutume d’avoir atteint Ton tenue trois
femaines après la première fortie de l’aire* C e ft
le temps de prendre 6c de dreffer ces oifeaux :
cette différence entre ces deux cfaffes eft conforme
à ce qui fe paffe en général dans la nature :
elle met plus de temps à produire tout ce qui doit
avoir plus de perfections, 6c c’eft peut-être une
de fes loix qui fouffre le moins d’exceptions.
On prend de deux manières les jeunes oifeaux
qu’on a élevés , au piège 8c au, filet.
L e piège fe fait avec une fiçeUe ; on en attache
un bout à la table fur laquelle on donne le paftî
par le moyen d’un clou qu’on enfonce jufqu’à la
tête : à l’autre bout de la ficelle on fait un noeud
coulant plus ou moins ouvert félon l’efpèce des
oifeaux i de fix pouces de diamètre au moins fi
ce font des faucons ; on place ce noeud à plat fur.
la table, 6c l’on met un morceau de viande au
milieu du noeud ; l’oifeau qui veut enlever la viande
fe prend par les pieds 6c demeure fixe fur la table
fans pouvoir fe jetter dehors ; ce que la ficelle
ne doit pas être affez longue pour lui permettre«'
Auffitôt que l’oifeau eft pris, on le couvre d’un
linge épais ; l’o'bfcurité qu’il répand fur lu i , le
calme ; on en profite pour le faifir 6c l’armer ou
plutôt l’enchaîner convenablement. Cette opéra-,
tion , qui demande de l’adreffe, s-’exécute de la
manière fuivante : on paffe le doigt index de la
main gauche entre les deux jambes de i’oifeau,
on le contient à l’aide du pouce 6c des doigts
latéraux par rapport à l’index ; on fe garantit du
bec , dont les coups font à craindre, lur-tout de
la part des oifeaux de haut v o l; le linge fert à
s’en défendre ; on couvre la tête d’un chaperon de
rujl ; il permet à l’oifeau de manger, quoiqu’il le
prive de la vue ; on attache les jets aux pieds ; ce
font des menottes de cuir fouple ou de peau de
chien de mer mince 6c cependant forte. Ces menottes
ont une appendice de quatre pouces de
long à laquelle tient un anneau ; on y paffe une
corde ou longe de trois à quatre pieds; on porte
l’oifeau fur un billot à fleur de terre entouré de
paille ; on l’y fixe par le moyen de la longe ; elle
arrête fes ébats ; la paille en amortit l’effet ; il fe
calme peu à peu , 8t on commence à le dreffer
aulfitôt qu’on a pris 6c traité de la même manière
les autres oifeaux qui ont été élevés ou branché&
avec lu i, car l’éducation que je décris s’appelle
brancher en terme de l’art.
Il arrive quelquefois que les jeunes oifeaux déjà
trop indépendans, ne reviennent plus au paft 6c
ne fe prennent point par conféquent au piège
qu’on tend fur -la table. On fe fert alors d’un filet
comme pour les oifeaux adultes , 8c jouiffant depuis
leur naiffance de leur pleine liberté 8c dont la recherche
6c les moyens de les prendre vont nous,
occuper.
Maniéré de prendre les oifeaux de proie adultes*
L ’âpreté des oifeaux de proie les fait aifément
tomber dans tous les pièges : ils donnent même
affez fouvent dans ceux qui n’étoient pas préparés,
pour eux. Les oifeleurs 6c les chaffeurs qui tendent
leurs filets, voient affez fréquemment des
oifeaux de proie s’abattre fur les appellans , 6c
il ne tient qu’à eux de s’en emparer» Àufli n’efl;-ii
pas rare d’en prendre par occafion, 6c fans avoir
eu le deffein d’en chercher. Mais quand on a cet
objet pour but, on peut le remplir par lg$ inoyénj
fiûvans ;
On prend les êperviers, les émérillons, les hobreaux
«tuxfilets faillansy tendus comme pour les alouettes,
fous lefquels on a placé quelque proie qui attire
ces oifeaux : on prend même quelquefois de cette
façon des faucons 6c des autours ; mais la chaffe
fpécialement deftinée poufi le faucon s’exécute
autrement. Elle feroit extrêmement facile 6c bien
fimple fi l’on -pouvoit connoître les inftans où cet
oifeau eft affamé ; un filet affez large pour le
couvrir ; un pigeon attaché fous ce filet a un piquet
par une longe d’un pied de long fuffifent dans cette
circonftance : mais fi le faucon eft repu, s’il tra-
verfe les airs occupé d’un projet qu’il pourfuit,
s’il découvre dans l’efpace un objet dont l’attrait
fioif pour lui plus puiffant que celui de la proie
qui lui eft préfentée, il la méprife, il paffe oc il y
a de la difficulté à l’arrêter dans fa courfe, 6c à
l’attirer dans le piège. On y réuffit cependant en
excitant les fentimens de cet être, courageux, altier
& jaloux.
Le faucon dont l’appétit eft fatisfait, dédaigne
une proie fixée à terre, immobile, vers laquelle
il lui fiiffit de s’abaiffer pour s’en emparer : mais
fi elle paroît libre, fi elle femble vouloir échapper,
fes mouvemens attirent l’attention de l’oifeau qui
plane , 6c les efforts qu’elle fait pour fuir le d éterminent
à la pourfuivre. Le chaffeur le fçait 6c
en profite ; il tend fes filets ; il place 6c fixe au
centre une poulie ou un fort fil de fer courbé en
arc ; il y paffe une filière de trente à quarante
toifes de long, à l’extrémité de laquelle il lie par
les pieds un pigeon vivant ; il emporte avec lui
cet oifeau dans une loge où il fe retire ; il y attend
le paffage d’un faucon ; fouvent cet oifeau
eft fi élevé qu’il échapperoit aux regards du chaffeur
, ou il ne le découvriroit pas affez-tôt. Un
troifième oifeau l’avertit à propos : c’eft une pie-
grièche privée ; elle a une boucle autour du cor-
celet ; elle eft liée par cette boucle , au moyen
d’une ficelle, à un piquet enfoncé près d’une loge
de gazon qu’on lui a préparée. Si il paroît quel-
qu’oifeau de proie dans les airs, la pie-grièche donne
aulfitôt le fignal, 8c le chaffeur juge par fes al-
larmes de l’elpèce de l’oifeau qui paroît ; fi c’eft
une bufe ou tout autre ennemi pefant 6c peu dangereux,
la piei-grièche ne s’agite que foiblement ;/
mais fi elle fe précipite dans la lo g e , fi'elle fe!
retire au fond 8c fait effort pour fe cacher autant
qu’il lui eft polfible , le chaffeur conclut qu’elle a
découvert quelqu’oifeau d’un genre noble, 6c à
proportion qu’elle donne des lignes d’une allarme
plus vive , il juge avec plus de fondement que
c’eft un faucon. Alors il lâche le pigeon , dont la
vue 8f fon voi, qui paroîtlibre, déterminent l’oifeau
qui plane au haut des airs à baiffer 8c à s’approcher
au moins à portée de la vue humaine,. Si l’oifeau
n’en fait pas davantage , fi il ne fond pas fur le
pigeon , le chaffeur le retire pour le lâcher une
fécondé fois ; fori retour irrite le faucon qui s’abat
& le lie. Alors le chaffeur , à l’aide de la filière
paffée à travers la poulie , entraîne la proie ôc
l’oifeau acharné ; il les amène en un point
que les filets puiffent couvrir, 6c il les prend
enfemble ; il n’a pas befoin de fe preffer, fi c’eft
un faucon ; fon ardeur l’empêche de s’appercevoir
du danger ; mais il faut de la promptitude dans
l’exécution , fi c’eft un oifeau qui ne s acharne pas
ou qui s’attache à fa proie avec moins d’ardeur
que le faucon.
Le moyen dont on vient de lire la defeription
réuffit ordinairement ; cependant, fi il ne produit
pas fon e ffet, il refte encore une reffource.
Au bout d’une gaule, d’un bois pliant, longue
-de quinze à vingt pieds, on attache un faucon privé
que l’âge, fes infirmités , ou fes mauvaifes qualités,
rendent de nulle valeur ; le bout oppofé de cette
gaule eft fixé en terre : au même bout auquel le
faucon eft lié par les pieds, on attache une filière
que l’on fait paffer par la poulie ou l’arc qui font
fixés au centre des filets ; le chaffeur fe retire dans
la loge où aboutit la filière ; il la tire au fignal que
donne la pie-griêche ;*la gaule s’abaiffe 6c fe plie en
arc vers la terre ; le faucon qui y eft attaché, les
ailes pendantes , la tête tournée en bas, repréfente
par fon attitude un oifeau qui s’abat fur une proie ;
celui de fon efpèce qui l’apperçoit du haut des airs
fe:t précipite vers lu i, quoiqu’il n’éprouve aucun
befoin, 6c fe jette dans le piège. Les Iflandois,
auxquels l’invention en eft due , le nomment dans
leur langue appât de la jaloufie. Eft-ce l’expreffion
propre ? Le fa u c o n qui ,.dans l’ufage que l’homme
en fait, chaffe fouvent de concert oc d’accord avec
fes femblables, eft-il leur ennemf dans'd’état de
liberté ? Faut-il penfer que c’eft pour difputer 6c
ravir fans befoin une proie fans attrait, que le
faucon qui jouit de tous fes droits, de toutes fes
facultés, fe précipite du haut des airs , bu. le fait-
il pour prendre part au combat, pour féconder
un oifeau de fon efpèce , que l’âge ou les infirmités
ont affoibli ? Le faucon a trop de courage 8c
de trop puiffans moyens pour ne le pas préfumer
généreux, plutôt que jaloux. Les diverfes façons
de prendre les oifeaux de proie, rapportées jufqu’à
- cet endroit, font fondées fur leurs befoins ou fur
I leurs inclinations. Leur antipathie pour les oifeaux
de nuit a fourni le moyen fuivant, qui leur eft
feul peut-être plus funefte que tous les autres enfemble.
Quelle eft la caufe de cette averfion ?
Nous ne nous en occuperons pas pour l’inftant ;
il fuffit que le le&eur en foit prévenu , ÔC qu’il
fçache comment l’homme l’a fait tourner à. fon
avantage , ainfi qu’il a profité de toutes les habitudes
8c de toutes les inclinations des animaux
autant qu’il les a connues.
Le grand duc eft l’oifeau de nuit dont on fe fert
par préférence 6c le plus ordinairement pour attir
rer 6c prendre d’autres oifeaux, 6c fpécialement
ceux qui fervent à la fauconnerie. C ’eft par cette
raifon qu’il tient un rang parmi ces oifeaux, qu’on
le nourrit, qu’on en prend foin ôc qu’on l’inftruit ;